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Violences policières

Fille de 8 ans blessée par la police à Saint-Denis : la mairie PS réprime, LFI et le PCF ferment les yeux

La police municipale de Saint-Denis est actuellement mise en cause dans une affaire de violences policières survenue le soir de la CAN suite à un article du journal le Monde. Ces violences ne sont pas isolées et illustrent la réalité de la politique sécuritaire de la municipalité PS. Silence radio du côté des autres forces de gauche de la ville, notamment le PCF et la France Insoumise.

Belkacem Bellaroussi

19 mai 2022

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Crédits photo : Révolution Permanente

Le 8 février dernier, la finale de la coupe d’Afrique des Nations, gagnée par l’équipe de football du Sénégal, a donné lieu à de nombreuses manifestations de joie à travers le pays de la part des supporters Sénégalais présents en France. Ces célébrations sportives des diasporas d’anciens pays colonisés par la France, se soldent souvent par une répression féroce et raciste de la part de la police. Ainsi, le soir même, de nombreuses vidéos de violences policières ont été diffusées sur les réseaux sociaux, la plupart ayant eu lieu sur les Champs Élysées.

A Saint-Denis également les supporters, dont des familles avec enfants, ont été durement réprimés comme l’a révélé Le Monde. Une vidéo montre de manière détaillée comment une intervention policière sur le quartier gare de Saint-Denis a abouti à la blessure d’une enfant de 8 ans, K., qui a perdu ses dents de devant du fait d’une charge des policiers municipaux. Une plainte a été déposée contre X le vendredi 13 mai pour violences volontaires en réunion, par personnes dépositaires de l’autorité publique, sur mineur de moins de 15 ans et pour non-assistance d’autrui.

Gaz lacrymogènes, tirs de LBD et fillette de 8 ans blessée

Dans les vidéos, et selon les informations de témoins interrogés par notre rédaction, la brutalité et la violence de l’intervention policière est sans appel. En face : des supporters agitants des drapeaux sénégalais et célébrant la victoire. A rebours de « l’hostilité » notifiée par la Préfecture de Police et citée par Le Monde.« Au moment de la charge de la municipale, rien ne justifiait la violence des policiers : il y avait des enfants, des gens en famille pour fêter la victoire, personne ne commettait de violences », nous expliquent des témoins présents au moment de la répression.

Dans la vidéo de 15 minutes, que notre rédaction a pu se procurer, on voit la mère de la petite K. s’empresser de demander aux policiers de porter assistance à sa fille suite à la charge ayant donné lieu à la chute et à la blessure de sa fille. En vain. On entend dans la vidéo les policiers intimer l’ordre aux supporters de se «  casser  », la petite fille et sa mère comprises, pointant le canon de leurs LBD sur les supporters et les badauds alentours. En effet, n’ayant pas de téléphone sur elle, la mère comptait sur les policiers pour assister sa fille, dont la blessure était imputable à la charge sans sommation de la police.

Des supporters excédés par la violence de la police et par l’état de la petite fille, qualifient alors les agents de «  racistes  », lucides sur le traitement qui leur est réservé à eux. Car il ne s’agit pas d’autre chose que de violences policières racistes. Comme ce fût le cas lors de la répression des supporters algériens à Paris. Et notamment quand on voit comment la Mairie de Saint-Denis a accueillis à bras ouverts des supporters nantais quelques mois plus tard.

Dans la vidéo, après l’arrivée d’une voiture de la Police Nationale, et alors que les « discussions » sur l’état de santé de la petite fille se poursuivent, on voit l’un des deux policiers nationaux fraîchement arrivés brandir au-dessus de sa tête une grenade lacrymogène, annonçant à haute voix : «  Messieurs, cadeau  ». Les gaz dispersent le groupe, qui se retrouve obligé de reculer dans la rue attenante à la place, alors qu’ils sont la cibles de plusieurs tirs de LBD.

Interrogé par Révolution Permanente, la mère de l’enfant nous a exprimé toute la violence qu’elle a subi ce soir-là : «  Je suis en colère, ils nous ont traité comme des moins que rien. Je souhaite qu’ils soient condamnés pour que personne d’autre ne vivent ce que nous avons vécu  ». Dans une des vidéos où l’on voit la fillette tomber au sol, on peut entendre distinctement le choc de la chute sur le sol. Un autre témoin présent explique «  C’était violent. Lorsqu’on est allé la voir une dizaine de minutes après la charge, elle avait encore la bouche en sang  ».

Du côté de la municipalité PS : soutien aux policiers et culpabilisation des victimes

Suite à la parution de l’article du Monde, la ville de Saint-Denis a émis un communiqué qui, en plus de remettre directement en cause la version des témoins ainsi que celle du journaliste du Monde, dédouane complètement les policiers municipaux et justifie la répression des habitants rassemblés ce soir-là en les présentant comme «  menaçant  ». Un procédé habituel de la police et des institutions qui la régissent dans les cas de violences policières, et qui vise à criminaliser les victimes et blanchir les policiers.

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Par ailleurs, le communiqué intimide explicitement l’une des principales témoins de l’affaire, Sophie Rigard, qui se trouve être conseillère municipale d’opposition (sans étiquette), en remettant en cause sa probité en tant que témoin dans la plainte.

Interrogée par Révolution Permanente, Sophie Rigard témoigne : «  Les attaques personnelles à mon égard font bien sûr parti de cette manœuvre de diversion. Le maire pense que j’en fais une affaire personnelle mais moi j’étais juste à mon domicile ce soir-là et j’ai tout vu. En tant qu’habitante et conseillère municipale, bien sûr que j’ai un avis sur la politique sécuritaire du maire, je ne m’en suis jamais cachée. Or c’est ma parole en tant que témoin qu’il attaque ici, et ça c’est grave. S’il y a bien quelqu’un qui en fait une affaire personnelle dans cette histoire, c’est lui  ».

Cherchant à blanchir les actions de sa police municipale, le Maire ne revient pas non plus sur la charge responsable de la blessure de la petite K., omettant complètement cette dernière. Il préfère parler de «  cohue du moment  » pour expliquer la blessure de la jeune fille, alors qu’en réalité c’est le résultat d’une charge violente des agents de police. De plus, faisant mine de découvrir par voie de presse la blessure de l’enfant, la mairie fait porter la responsabilité à la mère de l’enfant de n’avoir pas avoir voulu bénéficier d’un accompagnement des policiers. Les mêmes qui ont provoqué la blessure de l’enfant…

Sur fond d’alliance électorale : silence radio de la FI et du PCF local

Cette affaire, qui a été reprise par plusieurs médias de la presse mainstream, n’a pourtant pas ému outre mesure les directions politiques de gauche de la ville. En effet, alors même que la vidéo était partagée et visionnée plusieurs dizaine de milliers de fois ce week-end et début de semaine, aucun communiqué de la part de la France Insoumise ou de la section PCF locale n’a été relayé. Les députés Stéphane Peu (PCF) ou Éric Coquerel (LFI), en campagne pour leur réélection sous les couleurs de la NUPES, n’ont a aucun moment pris position, émis de critiques de la police ou même simplement exprimer leur soutien aux victimes de la répression.

En tout état de cause, ce silence peut s’expliquer notamment par l’accord électoral entre le PCF, la FI et le PS matérialisé dans la Nupes dans le cadre de l’élection législative [NB]. Le silence des députés ou des représentants politiques locaux de ces forces politiques sur ce cas de violence policière constitue donc une sorte de pacte de non-agression tacite, qui permet au Maire PS de la ville de ne souffrir presque d’aucune opposition, et ce au dépend des victimes qui réclame justice et vérité sur les faits qui se sont déroulés ce soir du 6 février. En période de campagne, au gré des accords avec de vieux appareils et des configurations locales, les discours de lutte contre les violences policières disparaissent avec la Nupes et laisse place à des silences, qui se révèlent au bout du compte, complices.

Alors que le programme de l’Union Populaire sur la question de la police était déjà loin de remettre en cause profondément les violences policières en préférant proposer une «  police de proximité  », l’alliance avec des forces politiques comme EELV, PCF et le PS - dont les leader manifestent aux côtés de syndicats de police - au travers de la Nupes, et l’institutionnalisation toujours plus grande que celle-ci préconise, montre encore toutes les limites de la formation menée par Jean-Luc Mélenchon au moment de faire face aux violences policières et le racisme.

Une situation directement imputable à la politique sécuritaire du Maire PS

Depuis l’élection de Mathieu Hanotin, et avec sa nouvelle politique sécuritaire qui a notamment armé sa Police Municipale en flashball et pistolet 9mm, les signalements de violences policières à l’égard des habitants de Saint-Denis se sont multipliés. Une mère de famille vendant de la nourriture sur l’espace public en faisait les frais il y a à peine un mois et la vidéo d’un policier municipale assénant un coup de tête à un jeune a fait le tour des réseaux sociaux dionysiens ces derniers jours. Récemment encore la répression mise en œuvre par la police municipale de Saint-Denis est allée jusqu’à la mise en place d’une planque dans un… centre de loisirs.

Comme systématiquement dans l’institution policière, c’est l’impunité qui règne au sein de la police municipale de Saint-Denis. Et elle n’est pas étrangère au soutien total affiché par les élus malgré des faits qui les accablent. Ainsi, il n’est pas surprenant d’avoir vu l’élue en charge de la sécurité à la tranquillité publique, Nathalie Voralek, à la manifestation en soutien au policiers devant l’Assemblée Nationale où l’extrême droite était présente en nombre en mai 2021.

Afin d’afficher l’image d’une ville sécurisé aux nouvelles populations venant de Paris s’installant à Saint-Denis, la municipalité n’hésite pas à emprunter au pire vocabulaire tiré de la période coloniale, affichant ainsi sa volonté de « pacifier l’espace public » sur son journal municipal.

Cette politique assumée de «  pacification  » des quartiers populaires est donc un cas d’école de la généalogie coloniale de la police dans les quartiers, démontrée par Mathieu Rigouste.

Une cagnotte de soutien pour les frais d’avocat

Afin de pouvoir financer les frais d’avocat, une cagnotte de soutien est mise à disposition. https://www.okpal.com/violences-policieres-du-6-02-a-st-denis-93-appel/#/

En attendant, il est urgent de se mobiliser contre cette politique sécuritaire et contre toutes les répressions dont la Mairie se fait la complice ou l’instigatrice, avec le silence, qui in fine fait acte de caution, des autres formations de « gauche ». Que cela soit en soutien aux 6 de pasteurs, aux victimes de violences policières ainsi qu’aux travailleurs de la Mairie qui prennent de plein fouet le management violent et les réformes imposées par la municipalité aux agents. Et ce, sans illusion aucune vis-à-vis de forces de gauche comme la Nupes, qui au delà de réhabiliter le PS, montre d’ores et déjà toutes ses limites pour lutter résolument contre les violences policières.

[NB] : Depuis l’écriture de cet article, la FI locale de Saint-Denis s’est exprimé au travers d’un communiqué le 19 mai. Le PCF est, lui, resté silencieux.


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