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Tous derrière les Bleus ?

Fête du Mondial sous les lacrymos et les canons à eau. Alors, Vive la République ?

Vingt ans après 98, il y a eu, ce dimanche soir, des manifestations de liesse populaire comme on en voit rarement… mais aussi un climat de défi face aux autorités qui ont souhaité écourter la fête. Car s’il est bon de chanter toute la nuit « Vive la France, vive la République » comme l’ont fait Griezmann et Pogba aux côtés de Macron, ce sont bien les canons à eau sur les Champs-Elysées, les gaz lacrymogènes place Bellecour à Lyon, et un imposant dispositif policier dans les grandes villes de France, qui, rapidement, ont sifflé la fin de la partie. A minuit, au bercail les foules sorties en trombe, à qui la victoire donnait ce soir-là, un goût de liberté un peu trop prononcé aux yeux des autorités.

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« en 1998, la fête avait duré toute la nuit » se rappelle un supporter stupéfait par l’impressionnant dispositif engagé sur les Champs-Elysées. Vingt ans après et un deuxième mondial en poche, les douze coups de minuit n’avaient pas encore sonné, qu’entraient déjà en scène, dans une danse habituellement réservée aux jours fastes de manifestations, quatre camions à canon à eau sur la célèbre avenue. Une manière, pour les autorités, de dégager la chienlit de supporters, trop à son aise sur la « plus belle avenue du monde ».

L’investissement des « Champs » vient de la victoire de 1998, où les pouvoirs publics et notamment la préfecture de Paris avait été pris de court face à cette forme de manifestation spontanée. Une « prise des Champs » haute en symbole du luxe et du blingbling tant vanté par une compétition sportive très commerciale et des joueurs par bien des aspects transformés en produits ; du pouvoir, sur laquelle aucune manifestation n’est autorisée, si ce n’est celle des chars et des militaires qui, la veille, y battaient le pavé. 

Contrairement à 1998, le préfet de Paris, Michel Delpuech, comme ses congénères de Lyon, de Rouen, Marseille, Strasbourg ou Ajaccio avaient prévu un coup d’avance. A Lyon, la place Bellecour, les 20 000 supporters ont été dispersés à coup de gaz lacrymogènes, tandis qu’à Rouen, ce sont les matraques qui pleuvaient sur les supporters qui refusaient d’être exclus de la fête.

A Paris, en plus des désormais habituelles fermetures de station de métro et RER, la préfecture avait exigé de la RATP un arrêt total de la circulation des tramways et des bus dès 18 heures, y compris ceux de la banlieue qui permettent bien souvent d’être reliés à Paris la nuit, pour des « raisons de sécurité ». Une manière d’empêcher tout déplacement vers la capitale, des jeunes en particulier. A la grande liesse nationale autour des Bleus, tout le monde n’était pas convié. Notamment, les habitants de cette France Made In Banlieue, celle des tours HLM, qui ont pourtant vu poussé les héros de la journée : Mbappé, Pogba, Matuidi, et autre Kanté… 292 arrestations ont eu lieu. 

Comme à son habitude lorsque les autorités doivent justifier la répression, le dispositif policier, en aucun cas spontané, s’est servi des débordements. A Paris, le « pillage » d’un magasin de champagne, sifflé pour la soirée, et d’une boutique Lacoste d’où sortent survêt’ et casquette au logo croco qu’arborent ces stars du sport dans les publicités, a fait les choux gras des médias. Deux symboles du luxe et de la célébrité portés aux nues par ce Mondial. Et encore plus depuis la grande mise en scène autour de la victoire des Bleus, qui valide l’idée que pour un jeune, qui plus est de cité, il n’y a pas mille manières de briller. Beaucoup ont fait mine de s’en offusquer là où il n’y a qu’un simple retour à l’envoyeur. Une manière de déjouer l’exclusion, et de prendre part au star-système, le temps d’une soirée.

Pour ce qui s’est passé dans ces rues, cette nuit du 15 juillet, à Paris, à Rouen ou à Lyon, on comprend vite que la communion nationale désirée par les autorités, à l’issue d’une victoire avait déjà du plomb dans l’aile. Qu’une atmosphère de défi, de refus d’être une fois de plus les exclus de la fête, s’est installée lors d’affrontements avec la police à Paris, dans les tentatives de barricades dans les rues de Rouen. Qu’elle exprime le refus d’être dépossédé d’une victoire, aussi paradoxalement support d’un nationalisme Bleu-Blanc-Rouge, d’un « Vive la République » qui fait crever, comme Aboubakar à Nantes, ces mêmes jeunes de banlieue portés aux nues le temps d’une soirée, que d’une célébration de cette France de l’exclusion, des couches populaires, de la stigmatisation qui voit en elle une forme de revanche sociale… de bien courte durée. 


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