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Droits reproductifs

Facebook diffuse (toujours) des publicités anti-IVG, mais censure les pro-IVG

Depuis plusieurs mois, les utilisateurs français du réseau social voient apparaître sur le fil d’actualité du contenu sponsorisé anti-IVG. Au-delà de la polémique suscitée par la diffusion d’un tel contenu, l’affaire est d’autant plus choquante que le contenu pro-IVG fait lui l’objet d’une censure.

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On peut en effet voir passer des publicités sponsorisées qui relatent les témoignages de femmes ayant eu recours à l’IVG, ou y ayant renoncé. Toutes ont en commun deux choses : elles sont anti-avortement, et elles sont financées par ivg.net, une association tenue par une association hostile à l’IVG dirigée par un groupe de militants catholiques.

Or comme le signalait en juin 2019 un article du site Numerama, les publicités pro-IVG font de leur côté l’objet d’un examen bien plus rigoureux. Le Magazine Marie Claire, la dessinatrice Loupiote, ou encore France Culture en ont fait les frais. Alors que le 29 Mars dernier, Facebook mettait en place le dispositif de transparence concernant les publicités politiques au sein de l’Union Européenne, le réseau semble faire preuve de partialité dans les annonces qu’il choisit de diffuser.

De fait, la réglementation européenne a instauré l’obligation pour tout annonceur voulant faire diffuser une publicité à caractère social, électoral ou politique de faire vérifier son identité auprès de Facebook, qui publie l’annonce en stipulant qui a financé la campagne. Sauf qu’à en croire une étude réalisée par Numérama, Facebook ne bloquerait que les publicités pro-IVG qui ne vérifient pas leur identité – les publicités anti-IVG elles, continueraient d’être diffusées.

La réglementation Européenne est intervenue pour éviter que ne se reproduise en Europe des situations similaires à celle de 2016 lors des élections américaines où une entreprise russe proche du Kremlin a financé à hauteur de 100 000 millions de dollars des publicités pro-Trump. Facebook estimait qu’environ 10 millions de personnes, ciblées par l’algorithme Facebook en fonction de leur bord politique, ont vu les publicités en question.

On comprend dès lors l’enjeux politique considérable derrière de telles campagnes de pub ; l’algorithme Facebook permet de de diffuser du contenu propagandiste à une audience spécifiquement ciblée. Dans le cas de publicités anti-IVG, la question du respect de la vie privée des femmes et de la pression exercée sur celles qui veulent jouir de leurs droits reproductifs est particulièrement inquiétante.

Le climat politique mondial, marqué par des attaques contre le droit à l’avortement dans différents pays, laisse en effet à redouter l’exploitation des algorithmes de Facebook – qui en bénéficierait largement – par des groupes anti-avortement pour promouvoir un agenda réactionnaire. Une question importante à l’heure où le projet de loi bioéthique qui ouvre la PMA à toutes les femmes fait ré-émerger des discours et des mobilisations réactionnaires, à l’image de la manifestation du 6 octobre contre la PMA, soutenue par la Manif pour tous ou encore la Conférence des évêques de France et son président, Eric de Moulins-Beaufort.

Dans un contexte politique hostile au droit des femmes à disposer de leur corps – en France comme à l’étranger – la pratique de Facebook, loin d’être anodine, est révélatrice des intérêts du géant dans l’exploitation des données personnelles, en dépit du droit fondamental de respect à la vie privée.

L’algorithme utilisé par Facebook (toujours tenu secret) a été épinglé à plusieurs reprises pour exploitation illégale de données personnelles – à la source de la Directive européenne du 12 décembre 2018. Plus récemment, dans le sillage du G7, Facebook a été accusé de carrément censurer les pages d’extrême gauche. Interrogé par Médiapart, le géant a répondu que la visibilité des posts d’extrême gauche avait été réduite du fait que le contenu publié allait à l’encontre des Standards de la Communauté, imposés par Facebook…

En plus du risque d’atteinte à la vie privée de millions de femmes, potentiellement visées par des publicités anti-avortement, le cas est révélateur de l’impuissance de la régulation face aux intérêts d’une multinationale comme Facebook. En dépit de la législation, Facebook continue de toute évidence et dans l’impunité la plus complète, à utiliser son algorithme dans un but purement financier, sans considération pour le respect du droit à la vie privé, ou sur les possibles répercussions sur le droit des femmes à disposer de leur corps

Crédit photo : Alain Nogues/Sygma/Sygma via Getty Images


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