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Lutte pour les salaires !

Face à l’inflation, les dockers du plus gros port de fret anglais en grève à partir de dimanche

Le port de Felixstowe sur la côte Est anglaise voit transiter chaque année 48 % du fret par conteneur du Royaume-Uni. Pour 8 jours à partir de dimanche, les 1900 dockers du port seront en grève, une première depuis 1989 !

Joël Malo

19 août 2022

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« L’été du mécontentement », comme a été nommé la vague de grèves face à la baisse des salaires rognés par l’inflation au Royaume-Uni, connaît en cette fin de semaine une véritable vague de chaleur. A Londres, le réseau de transport public est paralysé, à échelle du pays seul un train sur cinq circule. Ce nouvel épisode de grèves massives dans les transports intervient au milieu d’une dynamique de débrayages, parfois sauvages, comme dans les raffineries ou dans des dépôts Amazon. De la même manière, les votes internes dans les syndicats se multiplient pour des appels à la grève dans de nouveaux secteurs.

Si dans la presse bourgeoise anglaise, on peut lire que l’inflation s’élève à 10,1 % (chiffre repris dans la presse en France), ce taux est celui mis en avant par les patrons et ne prend pas en compte l’augmentation des loyers. En incorporant également ce poste de dépense central pour les classes populaires, l’inflation s’élève à 12,3 % en août ! De même que les prix, la dynamique gréviste et la combativité ouvrière ne font donc qu’enfler !

Ainsi, fin juillet, le syndicat Unite du port de Felixstowe annonçait qu’avec 82 % de participation le vote en faveur de la grève l’avait emporté à 92 %. La grève dans le plus gros port de fret anglais va ainsi démarrer pour 8 jours à partir de dimanche. Les lois anti-grèves de Thatcher qui limitent la grève en obligeant sous peine d’illégalité à procéder à de tels votes (qui doivent être majoritaire, et toute abstention est comptabilisée comme un contre) bien à l’avance, ne permettent même plus de freiner la vague de colère.

Le gouvernement conservateur cherche donc à muscler ces lois anti-ouvrières et envisage de nouvelles manières de briser les grèves en permettant l’embauche d’intérimaires. Car avec cette vague de grève c’est toute la puissance et la centralité de la classe ouvrière dans l’économie, nationale et internationale, qui s’exprime.

La moitié du fret par conteneur du pays paralysé

Cette grève, dans un secteur économique stratégique, risque de faire l’effet d’un tremblement de terre. En effet, 48 % des conteneurs britanniques transitent à travers ce port, 17,6 millions de tonnes de conteneurs en 2021, ce qui va perturber durablement la chaîne logistique et l’approvisionnement en marchandise.

La Felixstowe Dock and Railway Company, appartenant au conglomérat hong-kongais CK Hutchison Holdings, avait d’abord fait l’insulte de proposer aux syndicats une augmentation de 5 % des salaires et une prime de 500£, tandis que l’année dernière les salaires n’ont été revalorisées que de 1,4 %. Après un passage devant l’ACAS (Advisory, Conciliation and Arbitration Service), un organe gouvernemental de collaboration de classe pour désamorcer les grèves, l’entreprise a augmenté son mépris de 2 points : 7 % d’augmentation. Face à ce crachat de la part d’un port qui dégage des millions de bénéfices chaque année, les 1900 dockers du ports se sont préparés à la grève. Une première depuis 1989 !

Les capitalistes à la tête des principaux transporteurs mondiaux se préparent depuis des semaines à trouver des plans B et réorienter leurs cargos vers d’autres ports en Europe. Anvers, Rotterdam, Willehlmshaven ou même Tanger sont des destinations de remplacement évoquées. Seulement, la chaîne logistique mondiale est actuellement engorgée dans le monde entier et ces ports souffrent déjà de congestion. D’autant plus que le lundi 22 août, aura lieu un nouveau round de négociation du contrat collectif des dockers de Hambourg qui ont déjà mené la plus grosse grève des ports allemands depuis 40 ans, le mois dernier, en organisant un débrayage de plusieurs milliers de travailleurs. Les capitalistes allemands ont dû faire appel à leurs tribunaux pour interdire toute nouvelle grève des ports jusqu’au 26 août.

La situation actuelle est celle des records historiques, à la fois dans la brutalité avec laquelle les capitalistes sont prêts à réprimer les travailleurs qui refusent de voir baisser leurs salaires, mais aussi dans le nombre d’entreprises qui sont prêtes à se mettre en grève alors qu’elles ne l’ont pas fait depuis des années… voire jamais fait comme les infirmiers et infirmières anglaises qui prévoient de débrayer à la rentrée, une première historique ! Le 26 août ce sont également des dizaines de milliers d’employés des services postaux de la Royal Mail qui s’apprêtent à débrayer pour plusieurs journées isolées.

Il faut un plan pour coordonner et généraliser les grèves

La combativité des travailleuses et des travailleurs est évidente. Mais elle est bridée et épuisée par les plans de division des directions syndicales. Les ports en constituent un exemple frappant, car tandis que les dockers de Felixstowe se mettent en grève du 21 au 28 août, ceux de Liverpool, employés d’une autre compagnie (la MDHC Container Services, membre du Peel Ports Group) sont encore jusqu’au 24 août dans un processus de vote pour décider de la grève et ne se lanceront dans la lutte que quelques jours ou semaines plus tard ! Ceux-ci étaient déjà appelés à voter depuis la fin juillet pour se positionner sur l’offre d’augmentation de 7 % de leur entreprise, qu’ils ont été 99 % à refuser. Ainsi, les 500 dockers du 4ème plus grand port d’Angleterre, essentiel pour le commerce transatlantique, ne seront pas en grève en même temps que leurs camarades de la côte Est de Felixstowe !

Mais il en est actuellement de même avec tous les secteurs qui défilent les uns après les autres, alors que le spectre d’une grève générale qui pourraient entraîner encore davantage de secteur n’a jamais été autant d’actualité ! Les grèves sont soutenues et populaires et plusieurs centaines de milliers de personnes sont prêtes à refuser de payer leur facture d’énergie cet hiver alors que les prix de l’énergie menacent de tripler.

Cet « été du mécontentement » dont les points les plus chauds sont certes au Royaume-Uni, a une dimension européenne. Des grèves ont eu lieu de manière quasi-simultanée dans des lieux stratégiques pour l’économie mondiale, mais qui sont aussi des lieux d’échange internationaux et de rencontre de travailleurs de différents pays, dans les ports et les aéroports : au Royaume-Uni, en Espagne, en Allemagne, en France, en Italie etc. Ce n’est pas pour rien que les capitalistes ouest-allemands ont inscrit dans la loi l’interdiction des grèves portuaires car considérées comme des grèves politiques. Depuis plus de 30 ans, les ports anglais et allemands n’avaient pas connu de grève d’ampleur. Ce changement de situation remet aussitôt le spectre de grèves transnationales au devant de la scène : face à une classe capitaliste organisée à échelle internationale, la réponse des travailleurs, confrontés aux mêmes crises, aux mêmes capitalistes, se doit d’être internationale !


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