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Islamophobie d'Etat

Examen de la loi séparatisme, charte du CFCM... Le gouvernement poursuit son offensive islamophobe

Ce lundi, le projet de loi contre les « séparatismes » passait en examen devant une commission spéciale pour la première fois. Examiné par 70 députés pour une durée d’une semaine, ce texte islamophobe fait l’objet de 1700 amendements déposés et de nombreux débats. L’occasion pour le gouvernement de poursuivre son offensive islamophobe tout en laissant un espace à la droite pour surenchérir en termes de propositions sécuritaires et répressives.

Irène Karalis

18 janvier 2021

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Ce lundi, le projet de loi contre les « séparatismes » passait en examen devant une commission spéciale pour la première fois. Examiné par 70 députés pour une durée d’une semaine, ce texte islamophobe fait l’objet de 1700 amendements déposés et de nombreux débats. L’occasion pour le gouvernement de poursuivre son offensive islamophobe tout en laissant un espace à la droite pour surenchérir en termes de propositions sécuritaires et répressives.

Le projet de loi contre les « séparatismes », une occasion en or pour la droite de faire passer des mesures sécuritaires et antisociales

Parmi les 1700 amendements, Mediapart a relevé plusieurs propositions qui abondent dans le sens de la politique sécuritaire et islamophobe de l’État et la renforcent. Ainsi, la députée LREM des Yvelines Aurore Bergé a déposé des amendements pour interdire le port de signes religieux pour les mineurs dans l’espace public, ciblant particulièrement le port du voile pour les « petites filles ». S’agissant « de réaffirmer ce que doit être la République », l’amendement prévoit de punir les parents d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Comme le rappelle la députée elle-même, cette proposition s’inscrit dans la « continuité » de la loi de 2004 qui interdit le port de signes religieux à l’école. Inutile de préciser que cet amendement islamophobe, concernant en priorité le port du voile, touchera les populations musulmanes en premier lieu. Il n’est d’ailleurs pas anodin qu’il ait été salué par Marine Le Pen, qui a annoncé qu’elle voterait « évidemment » cet amendement.

Cette proposition d’amendement s’accompagne d’une autre interdisant le port du voile pour les mères accompagnatrices en sorties scolaires. Cette proposition, soutenue par Aurore Bergé et la droite traditionnelle, constitue également un renforcement des mesures islamophobes et, sous couvert des principes de laïcité, laisse place à un racisme décomplexé envers les femmes voilées. Dans la même veine, le député LR Éric Pauget estime que les « personnes participant à l’exercice ou aux travaux d’une mission de service public à titre rémunéré ou bénévolement » doivent être tenues de « respecter les exigences de neutralité religieuse ». Ces déclarations font évidemment référence à Maryam Pougetoux, vice-présidente de l’UNEF, qui s’était fait insulter à l’Assemblée nationale en étant venue voilée. Toujours dans le même registre, une vingtaine de députés LR proposent par ailleurs de sanctionner de six mois de prison et de 3750 euros d’amende le port du voile intégral, jusqu’à maintenant puni d’une amende de 150 euros.

Après l’obsession du voile vient celle des étrangers et des expulsions ; ainsi, Éric Ciotti, député LR des Alpes-Maritimes, souhaite mettre fin à l’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés en France de parents étrangers. Une mesure ouvertement xénophobe, nationaliste et raciste et visant les personnes racisées puisqu’elle ne concernerait pas les enfants de ressortissants de l’Union européenne. D’autres députés de droite, eux, proposent d’expulser « tout ressortissant étranger qui a fréquenté habituellement un lieu de culte ayant fait l’objet d’une mesure de fermeture » pour provocation à la violence, à la haine, à la discrimination ou au terrorisme. Ainsi, comme le rappelle Mediapart, les habitants de Pantin de nationalité étrangère pourraient être expulsés pour le simple motif d’avoir fréquenté la mosquée de Pantin, récemment fermée par le gouvernement.

Parmi les mesures qui font polémique, l’interdiction de l’enseignement à la maison. Face aux remous que cette proposition avait provoqués, la droite a trouvé le moyen de cibler les familles musulmanes et issues de l’immigration sans se mettre à dos les familles catholiques fondamentalistes qui pratiquent l’école à la maison. Ainsi, grâce à l’amendement 789 déposé par Julien Ravier, député LR, les familles devront remplir un formulaire qui justifie « les raisons du choix de l’instruction en famille, les méthodes pédagogiques employées et le respect des principes de la République, dont la connaissance et la maîtrise de la part des parents doit être démontrée ». L’amendement précise d’ailleurs que « les déclarations incomplètes ou non conformes aux principes de la République, ou faisant état d’un manque de maîtrise de la langue française entraînent un contrôle a priori de l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation et de la mairie ». Une manière de renforcer toujours plus le contrôle de l’État sur les populations musulmanes et issues de l’immigration.

Toujours dans cette logique de renforcement des « principes de la République », Éric Diard, lui, souhaite que chaque fonctionnaire fasse une prestation de serment solennelle avant sa prise de fonction et déclare « adhérer loyalement et servir avec dignité » la République et ses valeurs. Mediapart ajoute que « Sur le même sujet, Anne-Laure Blin (LR) propose que nul ne puisse accéder à un poste de fonctionnaire « s’il est radicalisé[e] ». Sans aucune précision sur la réalité juridique que recouvre ce terme, ni sur la manière de le démontrer. » Traduction : il faudra que chaque fonctionnaire se plie aux directives du gouvernement sous peine de se voir révoquer. Enfin, dans une logique sécuritaire et répressive, Anne-Laure Blin, députée LR, souhaite faire passer un amendement, déjà présent dans la Loi Sécurité Globale et vivement critiqué, prévoyant que « la création d’une police municipale » ait « pour conséquence directe » l’armement de ses agents.

Mais la droite ne se contente pas de propositions sécuritaires, islamophobes et répressives et s’en donne à coeur joie, profitant du débat autour de la loi contre les « séparatismes » pour faire passer d’autres mesures qui lui tiennent à cœur. Ainsi, certains députés souhaitent faire interdire l’écriture inclusive, considérant que c’est une « version dévoyée de la langue française » et proposant que les communications officielles soient écrites « conformément aux prescriptions de l’Académie française », dont on sait qu’elle est une institution sexiste au possible. Par ailleurs, Robin Reda, député de droite, a signé des amendements pour modifier la Loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) qui oblige les communes de plus de 3500 habitants à avoir au moins 25% de logements sociaux. Le député souhaite que le taux de 25% soit calculé sur les logements bâtis depuis trois ans et non sur la totalité des logements de la ville ainsi que fixer un seuil maximal à 30% ou 40%.

Ainsi, l’inauguration du débat autour de la loi séparatisme ouvre une brèche dans laquelle s’est engouffrée la droite, rivalisant de propositions sécuritaires et islamophobes. Mais dans un contexte où la mobilisation contre la Loi Sécurité Globale et toutes les lois liberticides et racistes du gouvernement ne s’est pas totalement éteinte, ce dernier risque de se retrouver en difficulté, pris en étau à la fois par la mobilisation dans la rue et par la droite, tout en faisant face à des dissensions internes dans son propre camp.

La macronie se divise

Alors que la droite profite de l’espace ouvert par le projet de loi, le bloc majoritaire LREM fait lui-même l’objet de divisions. En témoignent les propositions particulièrement à droite d’Aurore Bergé, qui ne semble pas faire l’unanimité au sein de la majorité. Selon Le Monde, un cadre LREM aurait ainsi affirmé que « Aurore Bergé a fini par exaspérer tout le groupe ». D’autres députés, comme François Cormier-Bouligeon, témoignent également d’une certaine prise de distance avec la majorité, le député du Cher affirmant ainsi que « Ça n’est pas fracturer la majorité que de vouloir consolider le texte » et demandant « un débat politique au sein du groupe et la liberté de vote ». Pour le reste de la majorité, qui souhaite limiter le débat autour du texte et ne pas faire d’éclats, la pression se renforce. Surtout face à l’offensive de la droite, certains secteurs de cette dernière trouvant « que le texte ne va pas assez loin en matière de sécurité pour lutter contre le séparatisme et l’islamisme et veut la renforcer » selon les dires de Xavier Breton, député LR de l’Ain.

Mais face à cette pression, le gouvernement a déjà pris ses dispositions. Selon Le Monde, une réunion avait ainsi lieu mercredi à Matignon avec Castaner, le chef de file LREM à l’Assemblée, et a acté le recours systématique à l’article 45 de la Constitution, qui permet « de juger irrecevable tout amendement qui n’a pas de lien avec le texte ». Marlène Schiappa a confirmé le recours à cet article pour les amendements autour du voile, expliquant que ces amendements étaient sans rapport légistique avec le projet de loi.

Mais l’objectif reste le même et le gouvernement poursuit son offensive sécuritaire et islamophobe

Si le gouvernement fait face à de nombreuses pressions dans la rue qui le force à modérer les ardeurs de ses députés qui se sentiraient pris d’un élan sécuritaire et islamophobe trop marqué, son objectif reste bien le même : remettre à l’ordre du jour le calendrier raciste entamé à la rentrée. C’est dans cette logique que ce week-end, Emmanuel Macron a salué la « Charte des principes » de l’islam de France adoptée par le Conseil français du Culte musulman, estimant qu’elle constituait un « engagement net, clair et précis en faveur de la République ». Pour Macron, elle marque « une étape extrêmement importante » en permettant « une clarification de l’organisation du culte musulman » et constitue un « texte fondateur dans la relation entre l’Etat et l’islam de France ».

En effet, ce texte rédigé par le ministre de l’Intérieur et Chems-Eddine Hafiz, recteur de la grande mosquée de Paris et sarkozyste notoire, sans prendre aucunement en considération les imams, gestionnaires de lieux de cultes et autres représentants des musulmans pratiquants, augmente l’ingérence de l’État français dans la gestion du culte musulman. Il lance ainsi la mise en place d’un Conseil national des imams qui sera chargé de labelliser les imams et pourra les révoquer en cas de manquement à la charte, permettant ainsi de faire le tri entre ceux qui acceptent de se soumettre aux directives du gouvernement et ceux qui les dénoncent ou dénoncent le racisme d’État. Si elle ne prévoit pas de révoquer les imams qui dénoncent le racisme d’État comme prévu au début, la charte estime par ailleurs tout de même que les actes antimusulmans sont « l’oeuvre d’une minorité extrémiste qui ne saurait être confondue ni avec l’État ni avec le peuple français ».

Comme nous l’écrivions dans un précédent article, « cette Charte des imams se situe dans la continuité de cette offensive, visant à instrumentaliser l’émoi légitime suscité par des meurtres atroces pour criminaliser et mettre au pas toute une frange de la population, qui n’a rien à voir avec ces attentats. Il n’existe aucun rapport entre le fait de dénoncer un racisme d’État structurel et le meurtre de Samuel Paty. »

Alors que le gouvernement profite de la retombée du mouvement contre la Loi Sécurité Globale, à l’occasion duquel des milliers de personnes et notamment des milliers de jeunes sont descendus dans la rue pour protester contre sa politique autoritaire, il paraît essentiel de continuer cette mobilisation et de faire le lien entre la revendication du retrait total de la la loi islamophobe qu’est la loi séparatisme avec celle du retrait de la Loi Sécurité Globale.


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