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Midterms

États-Unis : la marée républicaine qui n’a pas eu lieu

Les projections indiquent que les démocrates conserveront leur très mince majorité au Sénat et que les républicains reprendront le contrôle de la Chambre des représentants, mais avec une marge beaucoup plus faible que prévu.

Claudia Cinatti

9 novembre 2022

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Il faudra probablement attendre quelques jours avant de connaître la composition du Congrès américain après les élections de mi-mandat. Jusqu’à présent, les projections indiquent que les démocrates conserveront leur mince majorité au Sénat et que les républicains reprendront le contrôle de la Chambre des représentants, mais avec une marge beaucoup plus faible que prévu.

S’il est confirmé, le résultat inaugurera deux ans de "gouvernement divisé", c’est-à-dire une sorte d’impasse institutionnelle par laquelle plusieurs présidents, dont Obama, sont déjà passés.

Même si les républicains progressent dans les positions de pouvoir, par exemple en contrôlant la chambre basse, la "marée rouge" qu’ils attendaient n’a pas eu lieu malgré une année qui semblait très favorable au triomphe de l’opposition, avec une inflation de 8 % par an. Dans le même temps, les démocrates, malgré la faible popularité du président Joe Biden, ont obtenu un meilleur résultat que prévu, même s’ils n’avaient rien à perdre.

Les élections de mi-mandat fonctionnent comme une sorte de référendum sur le gouvernement en place, en particulier sur l’état de l’économie. Cependant, cette année, d’autres éléments sont entrés dans la balance, comme le droit à l’avortement (et d’autres droits démocratiques) et surtout le poids de l’extrême droite républicaine de l’ancien président Donald Trump, qui, du moins jusqu’à hier, régnait sur le Grand Old Party presque sans partage.

Les résultats des élections de mi-mandat montrent qu’en termes généraux il n’y a pas eu de basculement à droite, et que le déclin du leadership de Trump a peut-être commencé avec la défaite des candidats extrémistes parrainés par l’ancien président, notamment en Pennsylvanie et en Arizona. Mais cette définition est trop générale pour expliquer les tendances politiques plus profondes qui se sont développées depuis la crise capitaliste de 2008 et se sont approfondies avec l’élection de Donald Trump en 2016.

Le trumpisme en tant qu’expression du "populisme" de droite est là pour rester, bien qu’il ne se soit pas étendu au-delà de son noyau dur. Cependant, ce noyau dur de l’extrême droite est une force sociopolitique profonde, et non un phénomène occasionnel, lié à la polarisation politique et sociale qui est devenue un signe des temps et qui s’exprime de manière déformée dans les soi-disant "guerres culturelles". Parmi les électeurs républicains, près de 70 % estime que Trump est le vainqueur de l’élection présidentielle de 2020 et donc que l’administration Biden est illégitime. Le secteur le plus ultra-conservateur de cette base électorale est celui qui a organisé la tentative de prise de contrôle du Capitole le 6 janvier 2021 sous la direction politique du président lui-même, qui tentait d’empêcher le Congrès de valider le résultat des élections.

La victoire écrasante de Ron DeSantis et Marco Rubio en Floride, deux références claires de la droite républicaine, est l’une des exceptions du jour. DeSantis est une sorte de trumpiste aux manières douces. Il a gagné grâce à son programme sur "la loi et l’ordre". Il promet de vaincre les "woke", c’est-à-dire les "progressistes", et se définit comme "pro-vie". Mais contrairement à d’autres États républicains, la Floride n’a pas complètement supprimé le droit à l’avortement, le limitant à la 15ème semaine. Beaucoup d’analystes soulignent le fort pourcentage de vote de l’électorat latino comme un symptôme. Toutefois, il ne semble pas que ce phénomène soit très répandu. La Floride abrite en grande partie l’électorat latino le plus à droite, composé principalement d’exilés cubains et vénézuéliens. Il s’agit toutefois d’un signal d’alerte.

Le résultat situe DeSantis en bonne place pour devenir une alternative à Trump dans les primaires présidentielles républicaines. Cela a été accueilli avec un certain soulagement dans l’establishment impérialiste américain, qui s’inquiétait déjà d’un éventuel retour de Trump à la Maison Blanche en 2024. Surtout à un moment où la Maison Blanche, avec son rôle dans la guerre en Ukraine, avait repris le leadership sur les alliés européens dans son conflit avec la Chine.

Joe Biden, représentant classique du "centre" démocrate, est arrivé à la Maison Blanche poussé par la vague "anti-Trump" et aidé par la stratégie du moindre mal de secteurs politiques plus radicalisés qui, à l’intérieur et à l’extérieur du Parti démocrate, ont été à la base du "phénomène Sanders".

Biden et les démocrates ont réussi à contenir et à canaliser dans les élections le processus qui s’était ouvert après le meurtre de George Floyd aux mains de la police. Cependant, son gouvernement, devenu très impopulaire, a laissé un flanc gauche dans lequel s’expriment des phénomènes très intéressants, parmi lesquels la tendance à la syndicalisation de larges secteurs d’avant-garde du mouvement ouvrier, la fameuse "génération U", qui a réussi à syndiquer les usines et les entrepôts d’Amazon, rien de moins. Deux années nous attendent au cours desquelles, selon la plupart des analystes économiques, une récession est probable et peut-être aussi des batailles de classe, si les tendances qui n’ont été qu’esquissées jusqu’à présent s’approfondissent.


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Claudia Cinatti

Dirigeante du Parti des Travailleurs Socialistes (PTS) d’Argentine, membre du comité de rédaction de la revue Estrategia internacional, écrit également pour les rubriques internationales de La Izquierda Diario et Ideas de Izquierda.

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