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Covid-19

Etat d’urgence sanitaire et gestion coloniale de la campagne vaccinale en Martinique et à La Réunion

Macron a annoncé le retour de l’état d'urgence sanitaire et du couvre-feu en Martinique et à La Réunion. Alors que la campagne vaccinale y a commencé en retard avec moins de doses par habitant qu'en métropole, ces mesures répressives illustrent à nouveau la gestion coloniale de la crise sanitaire sur fond de situation épidémique inquiétante.

Mahdi Adi


et Yann Causs

16 juillet 2021

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Plusieurs centaines de personnes réunies devant la Préfecture de Fort-de-France mardi soir après l’annonce de l’instauration du couvre-feu en Martinique. Crédit photo : S. Petit-Frère / FranceInfo

Ce lundi, Emmanuel Macron a annoncé le retour de l’état d’urgence sanitaires en Martinique et à La Réunion. Dès le lendemain, le couvre-feu a ainsi été réinstauré à La Réunion entre 23h et 5h du matin après avoir été levé deux semaine plus tôt, et entre 21h à 5h du matin en Martinique.

« Une vive recrudescence des hospitalisations » en Martinique, les lits de réanimation surchargés à La Réunion

L’objectif annoncé de ces restrictions est de répondre à la situation sanitaire avec une nouvelle flambée de cas de Covid-19 et la circulation du variant Delta. Et pour cause, le 9 juillet dernier, une note interne du CHU de Martinique citée par France Info pointait déjà « une vive recrudescence des hospitalisations de patients atteints de la Covid-19 ». Sur cette île des Caraïbes, le taux d’incidence a été multiplié par neuf en deux semaines, et pas moins de 777 cas positifs ont été détectés entre lundi et mardi.

À La Réunion la situation n’est guère meilleure avec un taux d’incidence qui est passé de 136 à 168 en deux semaines. À titre de comparaison, le taux d’incidence en métropole est de 37 et le taux d’alerte fixé par le gouvernement est à 50. Une différence notamment due à la circulation de plus en plus intense du variant delta, lui-même plus contagieux. Les Echos rapportent ainsi : « Il y a quelques jours, la situation avait atteint un point critique dans les services de réanimation : il restait seulement 2 lits disponibles, sur les 112 que compte La Réunion ». Un chiffre qui révèle une flambée épidémique impressionnante ainsi que la précarité du système de santé public réunionnais.

Faible nombre de doses, retard et défiance : le résultat d’une gestion coloniale de la campagne vaccinale

Alors qu’en métropole le taux de vaccination est supérieur à 50%, il n’est que de 30% à La Réunion et 14% en Martinique. Une couverture vaccinale jugée insuffisante par l’ARS qui précise : « Plus de 37% des personnes de plus de 75 ans ne sont pas encore vaccinées à La Réunion, contre 17% seulement en métropole. (…) Plus de 51% des personnes diabétiques ne sont pas encore vaccinées. (…) 62% des personnes atteintes d’obésité sévère n’ont pas encore bénéficié de la première dose ». Un élément important pour comprendre la situation alors qu’une étude de la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (Drees) montre qu’entre le 28 juin et le 4 juillet en France 80% des personnes contaminées au Covid-19 n’avaient reçu aucune dose de vaccin, et que 96% des cas symptomatiques n’étaient pas ou que partiellement vaccinés. De même, [Slate- http://www.slate.fr/story/212640/covid-19-la-reunion-departement-etat-urgence-couvre-feu-vaccins-mefiance] rapporte que parmi les 10 personnes décédées du Covid-19 entre le 3 et le 9 juillet, « aucune n’était vaccinée ».

Le 4 juin dernier, le ministre des Outre-Mers, Sébastien Lecornu, expliquait les difficultés rencontré par la campagne de vaccination dans ces territoires par un « défaut d’adhésion » au vaccin. Une manière de se décharger de cette responsabilité et de la mettre sur le dos de la population. Or à y regarder de plus près, l’origine de cette inégalité semble d’avantage relever de la gestion coloniale de la crise sanitaire. En effet, OuestFrance rapporte ainsi : « les premières doses sont arrivées tard sur les territoires d’Outre-mer. En Martinique, la première injection a lieu le 7 janvier, et le 28 janvier à Mayotte, soit un mois après le démarrage de la campagne de vaccination dans l’Hexagone ».

En plus du retard pour commencer la campagne vaccinale, « si on regarde le nombre de doses livrées par rapport à la population, ces départements ultramarins semblent moins bien couverts qu’en métropole » : le 30 mai 2021 alors qu’en métropole 54 doses de vaccin avaient été livrées pour 100 habitants, dans les colonies d’Outre-Mer ce ratio s’abaissait à 38,3 doses pour 100 habitants. De même en ce qui concerne le système de santé publique, puisque seuls deux médecins et huit infirmières supplémentaires ont été envoyés en renforts pour La Martinique. Une goutte d’eau alors que les services hospitaliers fonctionnent déjà en flux tendu.

Par ailleurs, si la défiance vis-à-vis de la campagne vaccinale est indéniable – selon un sondage publié en juin 58% des réunionnais ne font pas confiance au vaccin contre la Covid-19 – la méthode autoritaire et répressive employée par le gouvernement qui cherche plus à contraindre qu’à convaincre, est loin de faire l’unanimité. Ainsi le soir et le lendemain même des annonces de Marcron, des manifestations ont éclaté en Martinique et à la Réunion afin de dénoncer la gestion répressive de la crise sanitaire du gouvernement et les nouvelles restrictions sanitaires. Si la vaccination est donc un enjeu central pour en finir avec la pandémie de Covid-19, il s’agit avant tout de chercher à convaincre et non à contraindre, à rebours de la stratégie répressive du gouvernement, par la levée des brevets sur les vaccins, des investissements dans le système de santé publique, mais aussi la mise en place de commission de travailleurs de la santé en toute indépendance des institutions coloniales afin de mener la campagne vaccinale et répondre aux besoins sanitaires de la population.


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