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Crise du régime en Colombie

Élections en Colombie. La gauche de gouvernement de Petro fera face au populisme de droite au second tour

Donné favori, Gustavo Petro, candidat de la gauche institutionnelle finit largement en tête au premier tour. Mais la surprise vient de son concurrent, Rodolfo Hernandez. Le populiste ultra-conservateur finit deuxième et dépasse le candidat de la droite traditionnelle après avoir été longtemps derrière dans les sondages.

Gabriel Ichen

30 mai 2022

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Crédits photo : AP/ à gauche le candidat de gauche réformiste Gustavo Petro et à droite le populiste de droite Rodolfo Hernandez

Après une première partie de campagne sous extrême tension, les résultats du premier tour de l’élection présidentielle en Colombie sont tombés dans la nuit de dimanche à lundi. Gustavo Petro, candidat d’une coalition de la gauche institutionnelle finit comme annoncé en tête avec plus de 40% des voix. Il fera face au populiste de droite Rodolfo Hernandez, qui réalise une percée et qui, avec 28% des voix, dépasse le candidat de la droite traditionnelle, Federico Gutierrez, initialement donné au second tour dans les sondages.

Ces résultats constituent un véritable séisme politique dans le pays. Jamais dans son histoire la Colombie n’a été aussi proche de voir la gauche de gouvernement au pouvoir. Pour la première fois également, la droite traditionnelle qui a dominé la vie politique depuis presque toujours se retrouve éjectée du second tour. Cette élection reflète la crise politique profonde dans laquelle le régime colombien est plongé suite aux révoltes historiques de 2021 contre les mesures d’austérité et contre la misère sociale, dans un pays où 42,5% de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Petro a cherché à capitaliser tout au long de sa campagne sur cette colère sociale et à se présenter comme une perspective pour les jeunes, les classes populaires colombiennes et les communautés indigènes qui se sont massivement mobilisées il y a un an. Et ce alors même qu’il a joué un rôle de contention important des révoltes appelant presque systématiquement au calme et aux négociations avec le gouvernement pourtant auteur d’une répression sanglante. Lors de la campagne présidentielle, malgré un programme présenté comme en rupture, Gustavo Petro a donné de nombreux gages de respectabilité aux classes possédantes colombiennes et aux institutions internationales dominées par Washington qui imposent des mesures austéritaires draconiennes à la Colombie et aux autres pays de la région.

Rodolfo Hernandez, qui fera face à Petro est un populiste de droite dont le CV donne la teneur d’un programme particulièrement réactionnaire. Ce patron du BTP et millionnaire, qui a été maire d’une grande ville du pays, a tout d’un Trump ou d’un Bolsonaro à la colombienne. Connu pour ses sorties racistes et misogynes et pour avoir avoué son admiration pour Hitler, il n’aura eu de cesse de monter dans les sondages grâce à une campagne fondée sur une dénonciation démagogique de l’establishment et des politiciens corrompus. Une petite prouesse pour ce patron des travaux publics en réalité proche de la classe politique et qui au cours de son mandat de maire a été trempé dans des affaires de… corruption.

Petro profite au premier tour d’une avance de plus de 10 points sur son rival et jamais dans l’histoire électorale du pays une telle avance a pu être déjouée au second tour. Pourtant l’arrivée surprise au second tour de Rodolfo Hernandez pourrait bien rendre plus compliquée que prévue la victoire de Petro. En effet, malgré sa campagne populiste anti-corruption aux accents dégagistes, Rodolfo Hernandez peut d’ores et déjà compter sur le soutien explicite de la droite traditionnelle défaite . Un soutien qui lui permet de s’assurer d’importants reports de voix, et qui montre que Rodolfo Hernandez pourrait certainement constituer une porte de sortie pour l’uribisme aujourd’hui en crise (du nom d’Alvaro Uribe, ancien président et figure de la droite dure qui a dominé le paysage politique colombien jusqu’à maintenant). De plus, candidat pour la première fois, Hernandez, avec son discours populiste tentera de faire figure de nouveauté face à un Gustavo Petro candidat pour la troisième fois.

Nul doute que dans un tel contexte Petro poursuivra sa quête de respectabilité afin de tenter de convaincre la bourgeoisie colombienne et l’impérialisme américain qu’il peut être le président qui calmera la colère et assurera la statu quo et la stabilité du régime colombien. A suivre donc, jusqu’au second tour qui aura lieu le 19 juin prochain.


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