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« Faisons entrer le mouvement des Gilets jaunes partout »

Du blocage des ronds-points au blocage des entreprises !

Retrouvez ci-dessous la tribune d’Anasse Kazib sur le mouvement Gilets jaunes et le besoin de construire la grève générale dans la situation sociale la plus tendue des dernières décennies.

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Alors que le mouvement des Gilets jaunes arrive à son deuxième mois de lutte depuis l’Acte 1 du 17 Novembre, on constate qu’il n’a eu de cesse d’évoluer, passant d’un mouvement statique sur tous les axes routiers lors de l’Acte 1, à un mouvement qui s’étend à travers la présence massive en manifestation le samedi dans les grandes villes. Il va falloir que cette évolution continue, non pas en délaissant la stratégie du début des ronds-points et des manifestations du samedi, mais bien en construisant un Acte final, celui du blocage définitif et de la grève générale illimitée jusqu’à satisfaction.

Soyons fier d’être Gilet Jaune !

C’était jusqu’à présent un sentiment partagé par beaucoup de Gilets jaunes, une sorte de gène, ne pas oser se revendiquer Gilet jaune dans son entreprise. Comme si nous étions un peu, cheminot, plombier, fonctionnaire, du lundi au vendredi et Gilet jaune le samedi. Cela s’explique sûrement par le coté spontané de ce mouvement, organisé depuis les réseaux sociaux et non traditionnellement comme cela existe à travers le militantisme dans les facs ou les entreprises. Ce mouvement est sans précèdent dans notre histoire avec une grande tradition de lutte et de mouvements insurrectionnels. Si l’histoire ne se répète pas de manière mécanique, il ne faut cependant pas se détacher de celle de notre classe, celle de 1936, 1968 ou 1995. L’histoire est là pour nous transmettre des enseignements, comme ce mouvement des Gilets jaunes est en train de transmettre un certain nombre d’enseignements pour notre classe.

Beaucoup, comme moi, ne sont pas issus du démarrage de ce mouvement, lorsque lui-même s’appelait « mouvement contre la hausse des taxes ». Non, je ne me reconnaissais pas, comme beaucoup, dans ces mots d’ordre, loin des revendications de classe. Aujourd’hui nous sommes nombreux chaque samedi depuis l’Acte 1 ou 2, à être aux cotés des Gilets jaunes, à aller discuter avec eux, etc… Malgré tout, j’ai encore moi-même du mal à écrire à la première personne et à me définir comme un Gilet jaune.

Alors oui je vais sauter le pas, je suis Gilet jaune, je suis même Gilet jaune fluo. Je ne pense pas qu’être Gilet jaune relève uniquement de porter un gilet ou d’occuper un rond-point. Pour moi être Gilet jaune, c’est avant tout être de celles et ceux qui n’en peuvent plus de ne pas arriver à vivre correctement, qui en on marre de ces décennies de politique bourgeoise, de ces politiques néolibérales, ne visant qu’à précariser la classe ouvrière. Marre des affaires Cahuzac, Balkany, Guéant, Sarkozy, Fillon etc… Marre de savoir que mes impôts, qui sont majorés de 10% en cas de retard, servent à payer le coiffeur de François Hollande, la moquette de l’Élysée, ou encore les 14700€ de salaire de Chantal Jouano. Alors soyons fiers en réalité d’être Gilet jaune. Il est temps que toutes celles et ceux qui sont mobilisés depuis le début, avec tous ceux qui ont rejoint la lutte au fur et à mesure comme moi, mettions notre pierre à l’édifice. Nous sommes nombreux à ne pas pouvoir occuper un rond-point, mais je fais partie de celles et ceux qui ont une tradition de lutte par la grève.

Quoi de pire aujourd’hui pour le gouvernement Macron, qu’un élargissement du mouvement par l’organisation de la grève partout ou cela est possible.

Jupiter n’est plus !

Je me rappelle du lendemain de l’élection de Macron et cette démoralisation générale que cela a suscité partout en France, dans la classe ouvrière. J’ai mangé du « ils ont voulu Macron, ils assument maintenant », « il est invincible », « il est trop fort », « il ne cédera jamais », « il va défoncer tout le monde ». J’ai pu faire le même constat au début de la « Bataille du rail », en voyant également comment la lutte a effrité le coté jupitérien de Macron, et cela s’est accéléré avec l’affaire Benalla, ou encore le départ de Hulot, Flessel ou Colomb.

Aujourd’hui voila que ce mouvement sans précédent a complètement confisqué l’horloge du temps qu’avait Macron. Le « maître des horloges », qui même s’il fait semblant de tenir, est en réalité affaibli, politiquement, mais également physiquement et psychologiquement. Lui qui à 39ans a pu accéder à la présidence, sans n’avoir jamais été élu comme député ou maire. Ce jeune Amiénois a en somme eu une vie où tout ce qu’il a pu entreprendre, que cela soit sentimentalement, ou professionnellement a toujours réussi : millionnaire chez Rotchild, Ministre de l’Economie, Président de la République, Champion de la planète. Voila maintenant que la machine est bloquée, terré dans son bunker de l’Élysée en Décembre, annulant ses déplacements, restant maquillé pour masquer les impacts physiques du mouvement des Gilets jaunes sur son visage. Certains de ses collaborateurs, expliquant en off aux journalistes « on dirait qu’il a pris 20 ans en un mois ».

Celui qui essayait de réapparaître lors des vœux du 31 Décembre, debout, droit dans ses bottes, voulant défier « la foule haineuse », a vite déchanté et a pris au sens figuré un chariot élévateur dans la tronche avec cet Acte 8, que visiblement le gouvernement avait complètement sous-estimé. L’Élysée a également annoncé l’annulation de la présence du président Macron au sommet de l’économie à Davos en Suisse, endroit où il avait l’habitude d’être présent pour conforter le capitalisme, dans les contre-réformes qu’il allait entreprendre en France. Cela montre que Jupiter le bulldozer n’arrive plus à avancer ses contre-réformes, incarné à travers son image de président totalement décomplexé, osant dire aux chômeurs de traverser la rue, ou encore que dans une gare il y avait des gens qui étaient tout et d’autres rien.

Alors qu’attendons nous, pour élargir le mouvement à travers la grève générale pour continuer à taper sur le clou tous ensemble ? Faut-il attendre que, tel le phœnix, Macron renaisse de ses cendres ?

La grève générale ne se décrète pas, mais elle se milite !

Nous les entendons un peu partout, ces prophètes de la défaite, fanatiques de la démoralisation et de la léthargie généralisée. Ceux qui lorsqu’on parle de grève générale, répètent en boucle, « elle ne se décrète pas » ou encore « il n’y a pas de bouton à presser pour la déclencher ». Il est vrai que lorsqu’on dit cela, on n’a rien dit. Personne n’a une seule seconde à l’idée qu’il y a dans le tiroir de Martinez un bouton rouge avec écrit « appuyez ici pour la grève générale ». Non, les Gilets jaunes et les travailleurs ne sont pas des imbéciles qui ne comprennent rien à la lutte. Mais une chose est sure, la grève générale ne va pas démarrer si personne ne milite pour.

Quel aveu de faiblesse de dire, dans une des situations les plus convulsives et combatives des cinquante dernières années, que la grève ne se décrète pas et que les gens ne veulent pas se battre. A quoi sert donc le syndicalisme, si dans une période aussi importante, les militants ne sont pas envoyés au front, sur le terrain, pour sillonner chaque recoin d’usine, de chantier, d’entreprise, pour motiver les travailleurs et travailleuses, en leur faisant comprendre que c’est aujourd’hui, que se jouent les retraites, la hausse des salaires, le maintient de l’assurance chômage etc… Que si nous voulons stopper la machine des défaites, c’est aujourd’hui, avec toutes celles et ceux que nous appelions de nos vœux, qui sont dorénavant dans la rue et plus déterminés que jamais.

Comment peut-on dire que les travailleurs ne sont pas motivés pour se battre, qu’ils sont démoralisés ? Comme si la lutte était une question de motivation, ou de température, parfois on entend cela, « il y a moins de manifestants car il pleut ». Il est clair que si une manifestation ou une grève est sans perspective, les gens préfèrent la chaleur de leur domicile, plutôt que se les cailler pour rien. La grève c’est politique c’est une question de perspective, de but à atteindre, pas de si on préfère dormir ou marcher de Bastille à République. Je ne milite pas pour des merguez et écouter HK Saltimbanque, je milite et manifeste, car je considère que notre camp a la possibilité de gagner, d’aller au bout d’une lutte, obtenir des choses partielles ou plus.

Chassons ces prophètes de la défaite qui occupent les postes de bureaucrates depuis tant d’années, amoureux de la chaleur des salons feutrés des ministères et refusant de se bouger. Les choses doivent changer, c’est à la base de se lever et de faire le travail, que l’on soit syndiqué ou non syndiqué, il est temps de ramener le mouvement des Gilets jaunes dans les entreprises.

Arrêtons de nous pincer le nez !

Le syndicalisme traditionnel va vers sa fin, non pas uniquement s’il n’intervient pas dans le mouvement des Gilets jaunes, mais bien parce qu’il montre de plus en plus son incapacité à pouvoir bouger massivement les travailleurs et casser la régression sociale. Nous en sommes là car c’est la conséquence de décennies de dérive, d’un conservatisme et d’un corporatisme militant. J’entends encore certains dire « où était les Gilets jaunes pour la loi El Khomri ? », comme si les Gilets jaunes existaient structurellement avant le 17 Novembre 2018. Donc pour certains bureaucrates soit nous naissons révolutionnaires, soit nous devons nous battre tout seul. J’entends aussi « il y a des fachos ». Oui, il y a quelques fachos, mais il y a des fachos dans tous les mouvements, je n’ai jamais demandé à un cheminot pour le mettre en grève, s’il votait Le Pen ou bien ce qu’il pensait de l’immigration, alors pourquoi se focaliser là-dessus avec les Gilets jaunes ? C’est justement à travers la lutte, les discussions en assemblée, dans le partage, la solidarité, que nous pouvons avancer politiquement pour contrer les tendances à l’extrême-droite que peuvent avoir certains, souvent par désarroi, car ils entendent en boucle que la misère sociale dans laquelle ils sont est due aux exilés et non à ce capitalisme qui cause les guerres, pille les richesses et nous exploitent.

Je ne suis donc pas pour abandonner la grande majorité des Gilets jaunes qui défendent les valeurs de solidarité, de partage, de justice sociale, aux mains de quelques confusionnistes et autres militant FN, qui eux ne cherchent pas à faire gagner le mouvement, mais à récupérer les pots cassés. C’est eux ou nous. Si c’est eux, alors nous courrons à la catastrophe avec une Marine Le Pen au pouvoir façon Bolsonaro ou Salvini.

Il est donc extraordinaire que d’un coté tous les projecteurs soient focalisés sur la situation politique avec les Gilets jaunes, et que de l’autre les organisations syndicales qui se préoccupent plus de la mise en place des CSE, comme s’il ne se passait rien dans le pays, menant leur militantisme comme si de rien était. Commentant l’actualité de temps en temps, plutôt que d’essayer de voir comment intervenir. Je rêve de revoir nos ballons et drapeaux syndicaux à perte de vue, comme à la grande époque. J’aime le syndicalisme, celui qui est aux cotés des travailleurs au quotidien, qui milite pour ne jamais céder de terrain au patronat. Ils sont de plus en plus nombreux chez les Gilets jaunes à comprendre et à appeler les directions syndicales à venir renforcer le mouvement et non le récupérer., c’est normal, ce mouvement a dès le départ rejeté les partis et les syndicats. Mais comme mon père m’a toujours dit, c’est au grand frère d’aller vers le petit frère, c’est donc aux militants expérimentes, d’aller discuter, dialoguer, débattre et même se remettre en question et comprendre la critique. Tous les Gilets jaunes, sauf ceux de l’extrême-droite, qui noyautent le mouvement, veulent une grève générale, et ils sont en train de faire la démarche, comme à Toulouse ou au Havre, pour faire la jonction.

Il va falloir également que les organisations du mouvement féministe entrent réellement dans la danse, celles et ceux qui ont organisé les marches metoo, ou encore nous toutes, avec des milliers de manifestant-es. Pourquoi ces organisations ne viennent-elles pas renforcer et soutenir ces femmes Gilets jaunes qui crient cette souffrance sociale depuis le début, expliquant qu’elles vivent entre violences économiques et violences sexuelles, souvent dans les métiers les plus précaires, jonglant seules entre vie de famille et travail, devant se taire très souvent aux propos sexistes de leurs patrons pour ne pas perdre leur travail ?

Tout se joue maintenant. La fierté doit être mise de coté, pour laisser place à ce à quoi le plus grand nombre aspire, mieux vivre, changer ce monde, pour nous, nos familles et les générations futures. Battons-nous pour tout cela, non pas pour des chapelles en ruine.


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