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Hypocrisie gouvernementale

Dissolution de Génération Identitaire : pourquoi le gouvernement n’est pas un allié contre l’extrême-droite

Gérald Darmanin a annoncé le 26 janvier qu’il comptait étudier la dissolution de Génération Identitaire, « scandalisé par le travail de sape de la République » de l’extrême droite. Mais, en terme de lutte antifasciste, on ne peut évidemment rien attendre du gouvernement.

Arthur Fontane

28 janvier 2021

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Génération Identitaire, islamophobes et anti-migrants depuis 2012

2012. Issue du Bloc Identitaire, l’association Génération Identitaire est créée. Son acte fondateur ? L’occupation d’un chantier d’une mosquée à Poitiers lors de laquelle les militants déploient des banderoles islamophobes, notamment une proclamant : « Souviens toi de Charles Martel », en référence à la bataille de Poitiers, remportée par les armées franques de Charles Martel sur l’armée Omeyyade en 732. En tout cas, le ton est donné : Génération Identitaire se place, dès sa fondation comme une organisation anti-migrants et islamophobe. Ses actions suivantes ne feront que confirmer cela : un mur érigé devant un centre d’accueil pour les demandeurs d’asile en 2016 à Montpellier, des patrouilles dans les Alpes en 2018 pour empêcher les migrants d’entrer sur le territoire, l’occupation de la CAF de Seine Saint Denis en 2019, ou encore l’attaque d’une association de soupe solidaire à Rouen en décembre dernier. Toutes ces actions islamophobes ont fait de Génération Identitaire un des principaux groupes activistes d’extrême droite, toujours à la limite du para-militaire.

Mais voilà, depuis quelques jours, Gérald Darmanin semble choqué au plus haut point par la violence de leurs actions. En effet, il y a une semaine, Génération Identitaire a organisé une action anti-migrants dans les Pyrénées, près du Col du Portillon (Haute Garonne). Cette action a eu lieu un mois seulement après la relaxe en appel de trois cadres de l’organisation, poursuivis pour l’action qui avait été organisée dans les Alpes en 2018. Renforcé par l’acquittement de leurs militants, Génération Identitaire a donc récidivé, assuré que la justice ne les condamnerait pas.

Le gouvernement et la justice bourgeoise main dans la main dans leur politique anti-réfugiés

Face à ces groupes d’extrême droite dont les actions ne font que renforcer le climat réactionnaire et putride dans lequel les musulmans sont, toutes les semaines, accusés d’être aux fondements des problèmes qui secouent la société française, le gouvernement veut maintenant s’élever en grand défenseur des migrants, en dissolvant Génération Identitaire. En effet, le ministre s’est dit « scandalisé » par leurs actions, assurant étudier la dissolution du groupe. Darmanin, qui a annoncé il y a quatre mois qu’il allait interdire aux associations de Grande-Scynthe de distribuer des repas aux réfugiés, se montre maintenant scandalisé par les actions de Génération Identitaire ! Car si les actions de Génération Identitaire ne cessent de stigmatiser les réfugiés fuyant la guerre et les persécutions, une chose est sûre : l’action du gouvernement les fait souffrir de manière bien plus importante. Destruction des tentes des migrants de Grande-Scynthe à la veille du réveillon par les CRS, interdiction pour les personnes jugées comme réfugiées d’entrer dans les centres commerciaux, évacuation du campement de place de la République en novembre à Paris, inscription du délit de solidarité dans la loi asile et migration, enfermement de nourrisson dans des centres de rétention… Tous les jours, le gouvernement montre son acharnement dans une politique anti-migrants. Et il veut aujourd’hui faire croire qu’il est une barrière contre l’extrême droite ! Il en est en réalité le ciment, le chef de chantier et l’ouvrier, développant, tous les jours, une rhétorique et une politique qui ne fait que renforcer les groupes comme Génération Identitaire.

Et si le gouvernement poursuit ses politiques nationalistes et réactionnaires, la justice ne fait que suivre : depuis des années, les militants qui aident tous les jours ces personnes fuyant la misère et les guerres que mène la France à l’étranger sont poursuivis par la justice. Cédric Herrou en est sûrement l’exemple le plus éloquent, arrêté au moins cinq fois et condamné deux fois pour délit de solidarité. C’est cette même justice qui a acquitté les membres de Génération Identitaire en décembre dernier et qui enferme dans des centres de rétention administrative des milliers de demandeurs d’asile. Autant dire qu’on ne peut rien attendre de celle-ci.

Dissoudre Génération Identitaire : un coup de comm’ politique qui ne changera rien

Une chose est donc sûre : on ne peut rien attendre du gouvernement et de la justice pour lutter pour les droits des migrants et des réfugiés. Par ailleurs, si Gérald Darmanin arrivait à dissoudre légalement Génération Identitaire, cela ne changerait que peu de choses. Évidemment, ceux-ci se retrouveraient, pour un court laps de temps, entravés dans leurs actions réactionnaires. Mais en réalité, une telle dissolution leur apporterait un large espace médiatique leur permettant de développer encore plus leurs idées, qu’ils pourront insuffler dans de nouveaux groupes avec de nouveaux noms. A l’instar d’Action Française, qui a été dissoute en 1936, les idées et les personnes restent, et la dissolution ne changera rien à cela. On ne peut pas lutter contre l’extrême droite en utilisant et en développant leurs idées à grande échelle.

Mais là n’est pas le but du gouvernement, qui à travers cette dissolution poursuit son renforcement autoritaire. Cela pourrait paraître à contresens après la dissolution de Baraka City et du CCIF, mais, en réalité, la dissolution de Génération Identitaire permettrait à Macron de développer sa politique actuelle, comme nous l’expliquions dans un article sur son l’interview chez Valeurs Actuelles : « se saisir de thématiques ancrées à droite pour dialoguer avec cet électorat, tout en recentrant son discours pour apparaître plus modéré que l’extrême-droite et ainsi rendre plus acceptables ce tournant auprès de sa majorité parlementaire et de son électorat « progressiste »  » : voilà la stratégie politique de Macron. Et si le président mène une politique d’équilibriste, ses méthodes ne changent pas, mettant de plus en plus en avant un État fort et au dessus de la société civile, utilisant comme outils politiques les dissolutions et la répression. Or, dans le contexte d’une situation sociale et sanitaire toujours plus explosive, les attaques se renforceront et se multiplieront encore plus envers l’extrême gauche et le mouvement social, qui apparaissent comme des bombes à retardement pour le pouvoir en place.

Face à l’extrême droite, seul un mouvement profondément antiraciste pourra faire reculer les idées réactionnaires et avec elles les groupes qui les propagent. Le développement, ces derniers temps, des mouvements contre le racisme et les violences policières ont été un pas dans ce sens. Mais faute de soutien d’un mouvement ouvrier, qui, dans son ensemble, reste en marge de ses mouvements, suggérant que ceux-ci ne concerneraient que les quartiers populaires et non l’ensemble des salariés, exploités et opprimés, ce mouvement semble pour l’instant trop faible face à un gouvernement qui ne cesse de propager les mêmes idées que les Ménard, Le Pen et Zemmour. De surcroît, la dissolution de Génération Identitaire pourrait devenir un prétexte contre les associations et partis les plus fervents défenseurs de la cause des migrants, qui pourraient se voir eux mêmes dissous, par un gouvernement qui se défendrait de lutter contre « toutes les extrêmes ». Pour toutes ces raisons, attendre quelque chose de Darmanin dans la lutte contre l’extrême droite c’est déléguer à l’État une lutte que seule l’alliance du mouvement ouvrier et du mouvement antiraciste pourra mener à bien.


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