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Dissolution de Génération Identitaire : Macron et Darmanin ne sont pas nos alliés contre l’extrême-droite

Ce mardi, le gouvernement a décrété en conseil des ministres la dissolution de Génération Identitaire. Une décision qui, loin d’apporter une réponse face à l’extrême-droite dont le gouvernement agite les idées au quotidien, apparaît avant tout comme une manœuvre avec 2022 en vue.

Paul Morao

3 mars 2021

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Crédit photo : Julien Mattia/AFP

Génération Identitaire : l’organisation d’extrême-droite finalement dissoute

Hier midi, Gérald Darmanin annonçait sur Twitter la dissolution de Génération Identitaire dans un tweet pour incitation « à la discrimination, la haine et la violence. » Dans le décret, présenté en Conseil des Ministres, l’Etat évoque pêle-mêle les activités de Génération Identitaire et leur caractère raciste et considère que, du fait de son mode d’organisation, le groupe d’extrême-droite peut être assimilé à une « milice privée ».

Annoncée en février dernier, cette dissolution met ainsi fin à l’existence d’une organisation d’extrême-droite principalement présente à Lille, Lyon et Toulouse, qui s’était faite connaître par des actions médiatiques xénophobes et racistes à l’image de l’invasion des locaux de l’association SOS Méditerranée, de l’opération « Defend Europe » visant à empêcher symboliquement des migrants de passer la frontière française, ou encore du déploiement d’une banderole lors d’un rassemblement organisé par le Comité Adama en juin dernier. Des opérations de communication au service d’un message ultra-réactionnaire, qui s’ajoutent à des actions physiquement violentes révélées notamment dans le cadre d’un reportage d’AJ+ tourné en infiltration en 2018 au bar La Citadelle, créé par un militant de GI.

Une décision qu’une partie de la gauche a accueilli comme une victoire, à l’image de la France Insoumise. « La dissolution de #GenerationIdentitaire est une mesure de salubrité publique. Nous la demandions depuis des années. Le racisme n’est pas une opinion, mais un délit. Il n’a pas sa place en République. Ce jour marque une victoire. Le combat continue. » a notamment tweeté Bastien Lachaud, député LFI, suite à l’annonce de la dissolution, laissant entendre que le gouvernement aurait permis une avancée contre l’extrême-droite en dissolvant l’organisation.

Une manœuvre politicienne…

Cependant, si personne à gauche et à l’extrême-gauche ne pleurera Génération Identitaire, cette dissolution, opérée à l’heure où le gouvernement reprend les thématiques et le vocabulaire de l’extrême-droite mérite d’être interrogée. En effet, les derniers mois ont été marqués par la prolifération dans le débat public de débats réactionnaires, initiés fréquemment par le gouvernement lui-même. Dénonciation de « l’ensauvagement » et de « l’islamo-gauchisme », dissolution du CCIF et de BarakaCity, vote de la loi séparatisme : le gouvernement a mené une offensive tous azimuts contre les musulmans ainsi que les étrangers ces derniers mois.

Dans cette séquence, le gouvernement joue sur un fil pour tenter de se distinguer de l’extrême-droite tout en récupérant ses thématiques. Pour cela, il se présente en porteur d’une solution républicaine et légaliste mais conséquente aux questions identitaires et xénophobes traditionnellement associées à la droite et à l’extrême-droite. La posture de Gérald Darmanin lors du débat du 11 février, cherchant à faire passer Marine Le Pen pour une amatrice, jouant sur sa connaissance des chiffres et des dossiers pour se parer des vertus de l’expertise, piquant sa « mollesse » avant de se poser en garant du droit d’asile ou d’affirmer que « l’Islam est compatible avec les valeurs de la République », est une incarnation nette de cette démarche.

Dans ce cadre, Génération Identitaire, ses opérations violentes, son racisme et sa xénophobie affichés sans fards, constitue un épouvantail idéal et dissoudre cette incarnation de l’extrême-droite décomplexée permet à Macron et Darmanin de se racheter une image républicaine à peu de frais. Peu importe que le contenu du décret dénonçant « l’instrumentalisation systématique de faits divers en les attribuant à des immigrés », attisant « le ressentiment d’une partie de la population à l’encontre des étrangers » ou des « agissements violents à l’encontre d’étrangers » s’applique si bien au gouvernement et à sa police…

… loin de constituer une réponse face à l’extrême-droite

Par ailleurs, l’idée que la dissolution constituerait en soi une « victoire » mérite d’être discutée. La dissolution n’est en soi pas anodine pour une organisation, et cet outil a d’ailleurs été utilisé pour faire taire des organisations luttant contre l’islamophobie telles que le CCIF. Mais dans le cas de Génération Identitaire, l’organisation, issue de l’organisation Unité Radicale, dissoute en 2002, les militants d’extrême-droite étaient particulièrement bien préparés à ce scénario.

Comme l’explique La Horde dans un article : « Depuis son lancement en septembre 2002 (sous le nom Jeunesses Identitaires), une menace d’interdiction pour reconstitution de ligue dissoute plane sur le mouvement. En réponse à cette menace, les Identitaires vont mettre en place des stratagèmes grossiers pour éviter de tomber sous le coup de la loi et pouvoir rebondir en cas de nouvelle dissolution. Tout d’abord, ils multiplient les associations (Les Identitaires, Jeunesses Identitaires, Bloc Identitaire, le label de musique Alternative-S, l’association Solidarité Kosovo, Paris Fierté…) en prenant soin de ne pas les déclarer dans les mêmes préfectures et avec des équipes dirigeantes différentes, à chaque fois pour éviter que plusieurs cadres d’Unité Radicale se retrouvent à la tête d’un même mouvement, ce qui aurait donné l’opportunité à l’Etat de les interdire. »

Préparés à la dissolution, Génération Identitaire ne tardera pas à reprendre son activité. A ce titre, comme le rappelle l’Action Antifasciste Paris-Banlieue, de la dissolution des Ligues par le gouvernement du Front Populaire en janvier 1936 à la dissolution d’Ordre Nouveau en 1972 jusqu’à celle d’Unité Radicale en 2002 ou du Bastion Social en 2019 : « L’histoire de l’extrême-droite en France est une succession de dissolutions, depuis les ligues fascistes jusqu’à nos jours. Cela fait partie intégrante de leur structuration mais aussi de leur force. (…) GI est préparé à sa dissolution. Sa fin n’est que le début d’une nouvelle phase, la suite d’un programme. »

Pire, la dissolution a été l’occasion pour l’organisation de profiter d’une exposition médiatique inédite. On a ainsi pu voir ces dernières semaines Thaïs d’Escufon, porte-parole de GI, être invitée sur le plateau de Touche Pas à Mon Poste pour y défendre ses idées réactionnaires, tandis que la dénonciation de la dissolution a été l’occasion d’organiser un rassemblement à Paris avec de nombreux représentants d’extrême-droite.

Macron et Darmanin ne seront jamais des alliés contre l’extrême-droite

Derrière la célébration d’une « victoire » face à l’extrême-droite, c’est l’idée que l’État pourrait être un allié contre l’extrême-droite que l’on retrouve. Pourtant quiconque aura vu Gérald Darmanin trouver Marine Le Pen « molle » sur France 2 le 17 février dernier ne pourra que se rendre compte qu’à mille lieux de la combattre, le gouvernement Macron fait le jeu de l’extrême-droite en participant à installer le débat public sur son terrain.

De la loi séparatisme aux procès en « islamogauchisme » en passant par la loi Sécurité Globale, le gouvernement n’a rien à envier à personne en terme d’attaque liberticides et racistes. Sans parler de la répression policière dans les quartiers populaires et contre les mouvements sociaux, qui s’est accentué avec le déploiement d’un arsenal répressif inédit ces derniers mois.

En réalité la dissolution de Génération Identitaire par Macron et Darmanin n’est qu’une mise en scène de l’opposition au Rassemblement National. En faisant mine de s’attaquer à son antichambre militante, il s’agit de diaboliser l’extrême droite pour ressusciter un « front républicain » en vue d’un duel contre Marine Le Pen en 2022. Elle permet à la macronie de se présenter comme le garant de l’ordre, tout en rééquilibrant sa position aux yeux du grand public en pleine offensive islamophobe sans précédent. Mais à rebours de tout projet de front commun avec la Macron et son monde, c’est une alternative politique à la hauteur des aspirations des classes populaires en première ligne face à la crise qu’il s’agit de construire afin de lutter contre l’extrême-droite.

C’est dans la rue les entreprises et les lieux d’études que notre camp social doit construire la riposte, autour d’un programme sans concession avec le projet réactionnaire et anti-social de Macron qui s’accommode et fait le lit de Marine Le Pen. Pour cela il s’agit donc de mobiliser l’ensemble de la gauche syndicale et politique et de l’extrême-gauche, en premier lieu à l’occasion de la manifestation du 21 mars à Paris contre la loi séparatisme et l’offensive islamophobe et liberticide du gouvernement.


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