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États-Unis

Des militants d’extrême-droite français impliqués dans l’invasion du Capitole ?

Une donation d’un demi-million de dollars et les déclarations d’un obscur groupe d'expats français aux États-Unis interrogent sur le rôle de l’extrême-droite française dans les évènements du Capitole.

Philippe Alcoy

20 janvier 2021

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L’invasion du Capitole par des manifestants d’extrême-droite a fait les gros titres de toute la presse planétaire. Un évènement qui est le reflet d’une situation politique et sociale profondément polarisée dans la principale puissance mondiale. Cinq personnes sont mortes lors de l’attaque, ce qui interroge sur la sécurité au sein de l’une des principales institutions de l’État et montre l’inquiétude du régime face à la capacité de certains groupes d’extrême-droite suprémacistes à s’attaquer à ces institutions.

A la suite de cette manifestation réactionnaire le FBI a lancé plusieurs enquêtes pour déterminer s’il s’agissait d’une action spontanée des manifestants ou s’il y avait eu préméditation de la part de groupes plus structurés. La participation d’ex-soldats et membres de l’appareil de sécurité dans l’invasion du Capitole inquiète les autorités nord-américaines. « Les récentes arrestations de vétérans et d’anciens membres des forces de l’ordre soulignent l’inquiétude du ministère de la Justice quant au fait que certains des agresseurs pourraient avoir fait partie d’efforts plus coordonnés pour attaquer le Congrès et qu’ils ont employé des compétences spécialisées dans l’agression. Des vidéos et des photos ont révélé des scènes effrayantes d’émeutiers se faufilant à travers la foule à l’intérieur du Capitole en formation serrée, portant des équipements tactiques, portant des entraves et utilisant des signaux visuels pour communiquer », relate le New York Times.

Un informaticien suprémaciste français fait un énorme don avant de se suicider

Mais au milieu des investigations une information interroge sur le financement des organisations d’extrême-droite et le lien de celles-ci avec des éléments suprémacistes français. En effet, on a découvert que le 8 décembre dernier, presque un mois avant l’attaque du Capitole, un informaticien français d’extrême-droite se faisant appeler « Pankkake », a fait un don de 28,15 Bitcoins (autour de 522 000 dollars) à plusieurs figures, médias et organisations d’extrême-droite aux Etats-Unis (22 destinataires différents).

Le principal bénéficiaire de cette donation a été Nick Fuentes, figure notoire de l’extrême-droite raciste, qui a reçu 13,5 Bitcoins (près de 250 000 dollars). Photographié aux alentours du Capitole lors de l’invasion, pour le moment on ne sait pas s’il a pénétré dans le bâtiment ou non, ni si ces donations faisaient partie d’un plan préétabli pour financer l’attaque.

Quoi qu’il en soit, son acte montre bien que les idées de l’extrême-droite sont en train de se répandre dans plusieurs pays du monde et qu’elles trouvent des financements multiples. Dans le cas de l’informaticien français, des recherches du site Chainalysis ont révélé que celui-ci a fait sa donation le jour même où il s’est donné la mort. Dans un texte, qui est une lettre d’adieu, publié automatiquement sur son blog le 9 décembre, « Pankkake » explique : « je ne peux plus me voir comme finissant mes jours de plus en plus diminué, n’apportant plus rien à la société, ne combattant plus pour la préserver. Et c’est une des choses qui ont radicalement changé chez moi ces dernières années : ce qui se passe après ma mort m’intéresse. C’est pourquoi j’ai décidé de léguer ma modeste fortune à certaines causes et certaines personnes. Je pense et j’espère qu’ils en feront un meilleur usage que moi ».

Dans cette même lettre, au milieu d’explications sur son geste, l’individu expose ses idées racistes. Comme beaucoup de suprémacistes nord-américains, il exprime un négationnisme vis-à-vis du Covid-19 et surtout une forte inquiétude face au mouvement Black Lives Matter en reprenant en outre à son compte des discours nauséabonds sur l’assassinat de George Floyd : « Je noterais tout de même que l’ennemi est intérieur. C’est l’autoflagellation constante, la haine de soi, de ses ancêtres, de son héritage (…) C’est une tendance de fond, mais cette année en particulier a montré la soumission totale de la population, tout d’abord acceptant une violation de libertés inégalée face à un virus moins dangereux que la grippe saisonnière, puis en s’agenouillant devant un criminel aguerri mort d’overdose en résistant à la police ».

En donnant sa « modeste fortune » à des personnages sinitres et organisations profondément réactionnaires, ledit « Pankkake » a en effet honoré ses idées nauséabondes.

L’obscure « Légion Lafayette »

Mais les interrogations sur une possible implication d’éléments d’extrême-droite français ne s’arrêtent pas là. En effet, quelques jours après les évènements du Capitole, une chaîne dédiée aux informations sur le monde francophone en anglais sur Telegram publiait une longue interview avec un supposé membre d’une obscure organisation d’expats français et québécois, la Légion Lafayette. Selon ce porte-parole se faisant appeler « Pierre », ce groupe existerait depuis un an et regrouperait entre 800 et 1000 personnes dans 7 états des États-Unis. Leur objectif serait « que les Français puissent s’intégrer dans le moule américain et/ou qu’ils puissent accomplir leur devoir en servant les intérêts de l’Amérique ». Concernant leur composition, il déclare que dans le groupe il y a des Français résidant de façon permanente aux Etats-Unis mais aussi des « touristes » et des étudiants. Mais ce qui pourrait inquiéter et attirer l’attention des autorités nord-américaines c’est le fait qu’il y aurait aussi « un grand nombre d’anciens membres de la police / gendarmerie française. Plusieurs anciens militaires également. Et plusieurs civils qui, depuis leur naturalisation américaine, ont rejoint la Garde nationale ou ont servi comme officiers de réserve ».

Comme l’informaticien « Pankkake », ces énergumènes suprémacistes ont vu dans le mouvement Black Lives Matter et la pandémie de Covid-19 un « moment fondateur » de leur action et leur organisation : « cette décision a été prise à la suite des manifestations de Black Lives Matter. Lors des manifestations du BLM, nous avons vu des manifestants noirs et d’extrême gauche attaquer des symboles historiques et même des symboles français en Amérique, comme la statue de Saint-Louis. Et nous avons vu la même chose se répandre ensuite dans le reste du monde, y compris en France. Même chose avec la vaste pseudo-pandémie de COVID-19, où nous avons vu les libertés civiles diminuer à grande vitesse (...) Ce pays est en train de se retourner pour devenir un proxy utilisé pour détruire tous les peuples européens. Par une opération diabolique d’ingénierie sociale, ils ont fait de l’Européen, du Blanc, la cible à abattre (...) La classe moyenne blanche est unie entre tous les pays du monde, contre un ennemi qui ne connaît pas de frontières, un ennemi qui forme une super-classe qui s’est greffée sur les chefs d’État ».

Ledit « Pierre » affirme que ce groupe profondément raciste enveloppé de complotisme a aussi participé à la manifestation à Washington qui a débouché sur l’attaque du Capitole ; ils auraient été deux groupes de près de 30 personnes en tout ainsi que d’autres petits groupes dans d’autres parties du pays.

Il est très difficile de dire jusqu’à quel point ces informations sont réelles, des spécialistes en terrorisme et d’extrémisme estiment qu’il faut se méfier des informations publiées sur Telegram mais d’autres pensent qu’il ne faut pas exclure complètement la véracité de ces déclarations.

Quoiqu’il en soit, la situation politique polarisée aux Etats-Unis est en train de donner naissance et de renforcer des phénomènes politiques opposés et parfois radicaux. Cette situation a des conséquences politiques au niveau international, d’un côté comme de l’autre. En ce sens, ce n’est pas un hasard que des réactionnaires hexagonaux voient dans la mobilisation massive des opprimés aux États-Unis un danger et tentent de renforcer la réaction dans ce pays. Pour les travailleurs, la jeunesse et l’ensemble des opprimés il s’agit de soutenir et de s’inspirer des phénomènes les plus progressistes. En même temps, nous ne pouvons faire aucune confiance aux institutions et dirigeants de l’impérialisme nord-américain (ni français) pour faire face à l’extrémisme de droite étatsunien, dont les éventuelles mesures liberticides qu’ils pourraient prendre se retourneront inévitablement, et avec beaucoup plus de force, contre les travailleurs, les jeunes et les organisations de la gauche radicale.


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