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Augmentez les salaires !

Débrayage au Technicentre SNCF du Landy : « Ça fait huit ans que nos salaires sont gelés ! »

Ce mercredin les cheminots du Technicentre SNCF du Landy ont débrayé. Face à l'inflation et à la vie chère, ils revendiquent des augmentations de salaire, de meilleures conditions de travail et des embauches. Interview de Karim Dabaj, militant SUD-Rail Paris-Nord et technicien de maintenance au Landy.

Mahdi Adi


et Alexis Taïeb

28 juin 2022

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Crédit photo : Facebook SUD-Rail Paris Nord

Révolution Permanente : Ce mardi, les cheminots du Technicentre SNCF du Landy ont débrayé et posé la caisse. Peux-tu expliquer les raisons de la colère, et comment s’est déroulée la journée ?

Karim Dabaj : Il y a trois sujets importants. Nous, les cheminots, ça fait huit ans que nos salaires sont gelés. Et comme tout le monde, on est touché par l’inflation et on ne voit rien arriver au niveau des salaires. Donc les collègues se sont dit que ce n’est plus possible et qu’il fallait débrayer. Donc on l’a fait aujourd’hui sur les équipes de journée, et les équipes de nuit vont le faire également.

Le deuxième point, c’est sur les conditions de travail qui se sont beaucoup dégradées, notamment à cause de la vétusté du matériel. Enfin il y a la question du manque d’effectif. Sur mon établissement par exemple, il nous manque 80 travailleurs, mais on n’arrive pas à recruter tellement le travail n’est pas attractif et les salaires misérables. On travaille sept jours sur sept, jours et nuits, en trois huit, le week-end... Personne ne veut d’un travail aussi difficile et contraignant, avec un salaire aussi bas. Donc voilà, avec tout ça réuni, la colère explose.

R.P : Comment la direction a-t-elle réagi face à vos revendications ?

Karim Dabaj : Cette après-midi, tous les services ont débrayé. La direction est donc venue au contact des cheminots, ce qui nous a permis de nous exprimer et de lui faire savoir que, pour nous, ce n’était pas possible de travailler dans ces conditions, particulièrement avec la conjoncture. Donc on été face à face, et on leur a dit notre ras-le-bol général.

Aujourd’hui, c’était un premier avertissement pour la direction. Le 6 juillet, il y aura une négociation nationale, donc si elle ne nous propose rien pour nos salaires - parce qu’elle nous a donné quelques primes récemment mais qui ne nous aident absolument pas à joindre les deux bouts - on se battra à nouveau.

R.P : Dans les grands médias, on entend régulièrement que les cheminots seraient des "privilégiés". Peux-tu nous raconter quelles sont les conditions de salaire d’un cheminot ?

Karim Dabaj : La réalité, c’est qu’aujourd’hui un cheminot à l’embauche est payé en dessous du SMIC. Ce n’est que grâce à certaines indemnités, comme les horaires de nuits, que l’on peut basculer au-dessus du SMIC. Cela veut dire que concrètement, si tu viens d’être embauché, mais que tu ne peux pas bosser la nuit, tu es payé en dessous du SMIC. Donc quand le gouvernement annonce plus de 10 % d’inflation pour la fin de l’année, il ne te reste plus rien pour vivre, tu survis.

Tous les jours, j’ai des témoignages de collègues, qui me racontent leurs difficultés à joindre les deux bouts. Il y a ceux qui ont des problèmes de logements, et d’autres qui ont des difficultés pour payer le gasoil, notamment ceux qui travaillent la nuit ou qui habitent loin, qui sont obligés de prendre la voiture pour aller bosser et à qui cela revient très cher. Et puis évidemment il y a tout ceux qui me disent qu’avec l’augmentation du prix de tout ce qui est matières premières, farine, pain ou huile, ils ne s’en sortent plus.

R.P : Comment s’exprime la dégradation des conditions de travail des cheminots, en particulier dans les Technicentres ?

Karim Dabaj : Pour te donner un exemple, aujourd’hui au Technicentre du Landy (où on fait notamment la maintenance des rames TGV, TER, Regiolis, Thalis, Eurostar...), tu peux être amené à ce qu’on te demande de libérer une rame en quatre heures. Mais pour faire ce travail, il faut normalement être six. Or la plupart du temps, on n’est que deux. Donc forcément, les cadences sont infernales, les gens pètent les plombs, et ça devient impossible.

Et après, il y a la question de la vétusté des installations. Il faudrait faire de gros travaux et la direction aurait largement les moyens de le faire. Mais ce qui lui pose problème, c’est que ça prendrait beaucoup de temps. Donc ils ne le font pas, et forcément les conditions de travail sont impactées par ce biais. Et notre santé aussi.

R.P : Le 6 juillet, il y a un appel à la grève à la SNCF national et intersyndical (CGT Cheminots, Sud-Rail, CFDT Cheminots) pour les salaires. Plus en général, on voit également une colère autour de cette question, et certains secteurs relever la tête comme les travailleurs de l’aéroport de Roissy, ou ceux de chez Total qui ont commencé un mouvement pour revendiquer 300 € d’augmentation pour tous. Comment vois-tu la perspective d’une jonction avec d’autres secteurs du monde du travail ?

Karim Dabaj : Quand on parle du salaire, on parle de tout le monde. Donc maintenant, c’est la jonction qu’il va falloir faire. Si on reste dans des luttes isolées, on aura le minimum. Les patrons ne seront pas forcément inquiets et essayeront d’éteindre les incendies rapidement avec des 0,9 ou 1 % d’augmentation, ce qui serait totalement dérisoire. Aujourd’hui, on a besoin d’au moins 300 ou 400 euros d’augmentation de salaire pour tous. Et encore, ça ne ferait que rattraper les dix dernières années.

Mais si aujourd’hui on veut aller chercher plus que des miettes, pour obtenir de vraies augmentations de salaire, c’est face au gouvernement qu’il va falloir se battre. Pour ça, il va falloir fédérer toutes les entreprises, et pas seulement celles qui sont mobilisés aujourd’hui. Il faut rallier tout le monde, le secteur public mais aussi le secteur du privé, et il va falloir mettre le gouvernement et le patronat face à leurs responsabilités. On ne veut pas de petites primes et ou des cacahuètes, on veut de véritables augmentations de salaires.

Pour cela, je suis sûr d’une chose, c’est que les salariés sont capables de le faire. Il faut en discuter sur le terrain, dans les assemblées générales, pour que les décisions soient prises entre nous, par les travailleurs. Il nous faut des revendications communes et partir tous en ensemble dans le même sens.


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