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Dans l’aéronautique, les patrons suppriment en 6 mois tous les postes créés depuis 10 ans

Dans un récent article du Monde, on apprend que le patronat de l'aéronautique aurait en l'espace de 6 mois supprimé l'équivalent de 10 ans de créations d'emplois dans le secteur. Les effets de la crise sanitaire et économique dont le patronat profite pour mettre en place ces plans de restructuration de l'industrie et de suppressions d'emplois se transforment en une multiplication de plans sociaux et d'accord de performance collective. Une situation catastrophique pour les salariés de l'industrie qui doivent exiger qu'il n'y ait aucune baisse de salaire et aucune perte d'emploi.

Julien Anchaing

6 octobre 2020

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Crédits photo : Christinne Muschi

Les chiffres sont effrayants. Depuis la crise de 2009, les embauches à solde net chez les principaux donneurs d’ordre du secteur n’avaient fait qu’augmenter, avec la création de 11 783 emplois en 10 ans, et ce jusqu’au confinement de mi-mars. Comme le rapporte l’article du Monde : “ A la fin septembre, selon les données recueillies par l’observatoire Trendeo de l’emploi et de l’investissement publiées lundi 5 octobre, le secteur a enregistré une perte nette de 11 950 emplois. Si on ajoute les sous-traitants, on parvient même au chiffre de 13 354 postes supprimés.”

Une suppression des emplois qui risque de durer et s’intensifier. En effet, alors que l’aéronautique semblait jusqu’à présent être un secteur particulièrement pourvoyeur d’emploi et stable, la crise sanitaire et la pandémie actuelle ont eu pour effet une rupture dans le trafic aéronautique international, et avec lui, une crise pour les constructeurs et autres donneurs d’ordres de l’industrie qui affirment ne pas attendre de reprise du trafic avant au delà de 2021.

Une situation désastreuse pour les salariés des grands donneurs d’ordres comme des sous-traitants à leur service, alors même qu’Air France et Airbus annoncent des plans de suppressions d’emplois records depuis mars (respectivement 7712 et 5797 emplois seulement en France), ils sont suivis par une myriade d’entreprises sous-traitantes et autres prestataires de services déterminés à faire payer la crise aux salariés.

En plus des chiffres donnés plus haut, il faut rappeler que près de 63% des emplois supprimés depuis mars en France correspondent à des emplois intérims, première marge de manœuvre pour le patronat pour abaisser ses coûts et faire payer la crise à ses salariés, comme c’est le cas de près de 10 000 intérimaires et salariés du numérique qui ont vu leur mission suspendue par Airbus au lendemain du confinement. Mais il en est de même avec la multiplication des Accord de Performance Collective et autres plans sociaux types Plans de Sauvegarde de l’emplois, grands cadeaux de Macron au patronat pour permettre des démarches simplifiées de baisse de salaires et licenciements. Alors que Derichebourg Aéronautique avait été le premier exemple édifiant d’un accord de performance collective aux conséquences désastreuses sur les salariés ainsi que leurs familles, impliquant des baisses de salaire de près de 600 euros pour certains et le licenciement pour ceux qui en refusaient les conditions, ces deux derniers mois ont été marqués par la multiplication annonces des entreprises sous-traitantes et autres prestataires de services déterminées à faire payer le prix fort aux salariés. C’est notamment le cas du groupe BT2I qui a annoncé la fermeture de deux de ces usines à Caromar et Simair-Colomiers, mais aussi de Daher, Mécachrome ou encore Lisi-Creuzet.

Le patronat aéronautique tel que celui de Safran a aussi opté pour le passage, en plus de ces Accords de Performance Collective, par des accords d’activité partielle longue durée. Une façon de socialiser les coûts avec l’Etat et de recevoir une allocation sur les salaires versés, en échange de pouvoir baisser les salaires à long terme, parfois en ne garantissant que 70% du brut. Et ce types de prétendues solutions intermédiaires ne garantissent en rien aux salariés de ne pas être menacés par de nouveaux APC voire des suppressions directes d’emplois et de plans de sauvegarde de l’emploi, tel que le fait souvent miroiter le patronat tel une menace pour éviter toute réaction de la part des syndicats et des salariés. Il s’agit de plus d’agiter les suppressions de postes à l’étranger, tel que pour Safran qui se félicite de n’avoir “supprimé” aucun emploi en France, tout en rappelant les 18 000 emplois supprimés à l’étranger seulement depuis mars.

Face à cette catastrophe pour des milliers de familles de travailleurs, le patronat est on ne peut plus déterminé à faire passer ces plans de suppressions d’emplois et de baisse de salaire et ce avec le soutien total de l’Etat. Pourtant, difficile de ne pas s’interroger tel que le fait Guy Dutheil dans le Monde : “C’est comme si d’un claquement de doigts les bénéfices de dix ans de prospérité avaient été éliminés !” Et il est totalement légitime de poser la question d’où sont passés les milliards d’euros de bénéfices et des années de prospérité du secteur. Car après des années de bénéfices construit sur le dos des travailleurs de l’aéronautique, le patronat cherche maintenant à leur faire payer la crise, après s’être partagé des milliards d’euros de dividendes entre actionnaires et grands patrons. Et cela s’applique non seulement aux grands constructeurs et autres donneurs d’ordres mais aussi aux patrons des sous-traitants qui chercheraient comme c’est le cas de Lisi Creuset à justifier leurs plans de licenciement par une crise trop forte pour l’entreprise, après avoir profité d’une décennie de croissance sans interruption.

Ces attaques génèrent une colère profonde parmi les salariés, mais reste pour le moment canalisée et orientée vers les négociations comme une fin en soi, comme c’est le cas chez 3A ou chez Airbus. Le premier pas pour faire face à ces attaques est avant tout de préparer un véritable rapport de force avec le patronat, et ce notamment en se niant pour l’ensemble des représentations syndicales à “négocier le poids des chaines” tel que le rappelaient les travailleurs de Derichebourg. Il faut batailler pour un programme qui ne concède aux patrons rien d’autres que le 0 baisse de salaires et le 0 licenciements, comme le proposent déjà les travailleurs de la Rencontre des Salariés de l’Aéronautique à Toulouse qui cherche à organiser tout salariés syndiqués et non syndiqués afin de préparer des réponse collectives et dans la lutte contre les plans des patrons !


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