Du côté de Brasilia

Covid-19 au Brésil. Bolsonaro et les militaires préparent une catastrophe pour les travailleurs

Philippe Alcoy

André Augusto

Tatiana Magnani

Covid-19 au Brésil. Bolsonaro et les militaires préparent une catastrophe pour les travailleurs

Philippe Alcoy

André Augusto

Tatiana Magnani

André Augusto est membre du Comité de rédaction d’Esquerda Diário et il revient sur les luttes de pouvoir entre des forces réactionnaires au Brésil en ces temps de Covid. Des factions parfois opposées mais qui, cependant, sont d’accord sur un point : faire que les travailleurs payent de leur vie la pandémie de Coronavirus.

Crédit photo : Marcos Corrêa / PR

RP Dimanche : Le Brésil est le scénario d’une crise non seulement sanitaire, mais aussi politique. Bolsonaro, de plus en plus isolé politiquement, alterne entre un comportement négationniste, qualifiant le Covid-19 de « petite grippe », et une attitude plus conciliante. Des personnalités, autrefois proches du président, se démarquent également politiquement de lui et sa base sociale se réduit de plus en plus. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la crise politique au Brésil, la réduction de la base politique de Bolsonaro et les différents projets de bonapartisme des fractions de la bourgeoisie face à la crise ?

André Augusto : La situation politique brésilienne est assez convulsive, et les disputes entre différentes fractions de la classe dominante ne cessent de s’aggraver en pleine pandémie. Il suffit de voir que le ministre le plus populaire de Bolsonaro, le ministre de la Santé Luiz Henrique Mandetta, qui était maintenu en fonction par les militaires, a été limogé cette semaine après s’être opposé de manière provocante la politique de santé de Bolsonaro, en direct, lors d’une adresse à la nation, ce qui a irrité les militaires car cela « brise la hiérarchie en public ».

En ce qui concerne le régime politique brésilien, nous connaissons un régime de transition, dans lequel Bolsonaro conserve une partie importante du pouvoir (en se mobilisant et en s’appuyant sur sa base sociale, qui reste assez large). Mais le facteur le plus dynamique de la situation est l’avancée du haut-commandement militaire dans des ministères importants (le général Braga Netto au ministère de la Chambre civile [équivalent à un premier ministre], qui est en relation avec le Congrès) alliés à José Dias Toffoli, président de la Cour suprême (STF), à Rodrigo Maia (président de la Chambre des députés) et aux gouverneurs, en particulier le très droitier gouvernement de São Paulo, João Doria.

Ces acteurs forment une sorte de « bonapartisme militaro-institutionnel », qui s’oppose à Bolsonaro mais représente une autre variante bourgeoise de politiques d’ajustement contre les travailleurs. Il s’agit d’une situation complexe dans laquelle Bolsonaro, pour l’instant, réussit à se maintenir à flot au cours de la crise et à stabiliser sa figure de gestionnaire crédible dans la situation : selon les données de Datafolha, 52% de la population considère encore Bolsonaro comme un leader compétent dans cette crise, et 59% sont contre sa démission, même si la majorité de la population condamne sa position face à la pandémie et s’est prononcée contre la démission de Mandetta, qui s’est opposé à la ligne de relâchement du confinement.

Ce poids relatif de Bolsonaro lui permet de se battre pour obtenir un rapport de forces favorable et pour contrebalancer l’avancée du « bonapartisme militaro-institutionnel » (sommet des forces armées, Congrès, Cour suprême) qui cherche à cornaquer sa politique. Cette situation est fluide, et peut changer rapidement, car la pandémie de coronavirus n’a pas encore atteint son pic au Brésil : pour l’heure, il y a 33 000 personnes infectées et 2150 morts dans le pays.

Dans la mesure où la crise commence à frapper plus fortement ici, l’attitude négationniste de Bolsonaro et la pression au redémarrage de l’économie - en accord avec la pression exercée par Donald Trump aux États-Unis pour relancer l’économie au milieu du chaos sanitaire - peuvent lui coûter cher.

La question à souligner est que les facteurs de pouvoir au sein du « bonapartisme militaro-institutionnel » ne présentent aucune alternative à la politique sanitaire de Bolsonaro : de même que ce dernier, ils empêchent sciemment la mise en place de tests massifs pour la population, l’ouverture de places en soins intensifs, l’augmentation du nombres de respirateurs mécaniques, et ce afin de préserver les profits des capitalistes. Indépendamment des véritables conflits au sein du régime, il s’agit de différentes variantes putschistes qui cherchent à décharger la crise sur le dos des travailleurs.

RPD : Les militaires se sont maintenus au-dessus des conflits et ont essayé d’apparaître comme des modérateurs. Actuellement, l’armée semble renforcée avec l’entrée de Braga Netto comme nouveau « président opérationnel ». Qu’est-ce que cela dit sur la situation actuelle au Brésil ?

AA : Le sommet des forces armées au Brésil, l’un des piliers fondamentaux du coup d’Etat institutionnel de 2016, aux côtés du pouvoir judiciaire et du Congrès, contre Dilma Rousseff, a aujourd’hui un rôle de « puissance modératrice » dans la situation. Représentés au gouvernement par Braga Netto, le général Luiz Ramos et le ministre de la Défense Fernando Azevedo (sans compter le vice-président Hamilton Mourão, qui est général de réserve), les militaires mènent une politique visant à préserver Bolsonaro contre toute tentative de destitution, tout en l’écartant de la « direction immédiate » des efforts face à la pandémie.

Pour donner un exemple clair, Nelson Teich, le nouveau ministre de la santé en remplacement de Mandetta, se dit « dans la ligne de Bolsonaro », mais défend la ligne de l’OMS et les mesures de confinement, à l’inverse de Bolsonaro. Et l’armée, qui a soutenu sa nomination, a adopté les mêmes mesures en son sein. Cette situation d’accumulation du pouvoir politique par les Forces armées est l’aboutissement d’un processus qui s’est produit au début du gouvernement en 2019, dans le sens où le président réactionnaire d’extrême droite a rempli ses ministères de militaires.

Maintenant, il faut savoir que les Forces armées n’ont pas une position homogène. Le haut-commandement cherche à contrôler et à modérer Bolsonaro, tandis que les officiers subalternes, les sous-officiers ou la troupe sont plus enclins au Bolsonarisme. Pour éviter les frictions à l’intérieur des casernes, les généraux cherchent un équilibre difficile à maintenir face à la politique erratique de l’exécutif fédéral. Ces derniers jours, suite à la décision des militaires de « laisser tomber » Mandetta, ils élaborent avec le gouvernement un plan pour relâcher les mesures de confinement dans les villes qui ne souffrent pas des effets du coronavirus, afin d’atténuer les effets négatifs de la paralysie économique. En même temps, ils soutiennent indirectement les mesures de contention de Bolsonaro défendues par le pouvoir judiciaire, qui a laissé aux gouverneurs le soin de décider de la réouverture de l’économie.

En tout cas, dans cette ambiguïté intéressée, l’armée accumule des forces et accroît son ingérence bonapartiste et réactionnaire dans la politique, et se prépare à agir de manière plus répressive contre toute révolte des travailleurs, surtout dans les secteurs les plus précaires, qui sont les plus touchés par la crise sanitaire et la crise économique.

RPD : Que pouvez-vous nous dire sur la situation économique du Brésil

La situation de l’économie brésilienne est assez instable. Depuis le coup d’État institutionnel de 2016, l’objectif de la bourgeoisie était de récupérer les presque 8 % du PIB perdus entre 2014 et 2015, suite à un impact plus important des effets de la crise internationale au Brésil. Cet objectif n’a pas été atteint, l’économie brésilienne a connu une croissance très faible, n’ayant progressé que de 1 % en taux annuel sur la période 2017-2019, même en lançant des attaques brutales contre la classe ouvrière, telles que des réformes du droit du travail et de la sécurité sociale.

Pire : avec la pandémie de coronavirus, la contraction du PIB des États-Unis, de la Chine et de l’Allemagne dans le contexte des perspectives d’une dépression économique mondiale qui n’a de parallèle que dans les années 1930, les perspectives de récession au Brésil sont très grandes, le Fonds Monétaire International lui-même prévoyant une chute de 5 % du PIB brésilien en 2020. De 1901 à 2019, l’activité économique brésilienne, mesurée par le PIB, n’a jamais baissé de plus de 5 % en un an.

Toutes les prévisions de croissance projetées par l’ultralibéral Paulo Guedes, ministre de l’Economie et ex-fonctionnaire de la dictature de Pinochet au Chili, ont implosé. Face à ce sombre scénario, la bourgeoisie brésilienne continue à s’attaquer aux travailleurs. Et ce n’est pas seulement Bolsonaro qui mène ces attaques : le Congrès national, qui se positionne comme « l’opposition institutionnelle » à Bolsonaro, a avancé cette semaine le plan économique de l’Exécutif, qui implique de faire baisser le coût de la main-d’œuvre, d’aggraver sa précarité et de faciliter les licenciements par les patrons (il réduit l’amende pour licenciement injustifié), valable pour les travailleurs entre 18 et 55 ans ! Cela aggrave une mesure déjà prise précédemment par Bolsonaro et Guedes autorisant la baisse des salaires par les patrons, et même la suspension des contrats de travail, en échange du paiement partiel des salaires par le gouvernement.

En contrepartie, le gouvernement a approuvé l’octroi d’une « aide d’urgence » de 600 R$ (autour de 105 euros) pour chaque travailleur dont les activités sont suspendues, mais de nombreux travailleurs se plaignent que cet argent n’a pas été déposé sur les comptes bancaires. Les tensions sociales peuvent être aggravées précisément par l’oppression des patrons que le gouvernement autorise sur les travailleurs, en particulier en pénalisant les secteurs les plus précaires, qui n’ont aucun droit ni accès aux systèmes de santé privés.

RPD : Précisément, quelle est la situation du système de santé brésilien face à la crise ? Pouvez-vous nous dire quelle a été la trajectoire du Système Unique de Santé (SUS), les attaques qu’il a subies et sa réorganisation ?

AA : Le système de santé unique (SUS) au Brésil est un vestige important des luttes ouvrières qui ont alimenté la crise de la dictature militaire brésilienne à la fin des années 1970, puis ont mené à sa chute pendant la transition en 1985-1988. A ce moment-là, une curiosité historique qui montre le rôle du PT comme soupape pour contenir l’élan du mouvement ouvrier afin que la dictature ne soit pas renversée par la lutte des classes, s’est également manifestée dans le domaine de la Santé : dans son programme, il a défendu le « contrôle social » du SUS, comme moyen de diluer le sujet ouvrier.

Quoi qu’il en soit, le SUS a été mis en place à un moment où l’offensive néolibérale détruisait les droits sociaux dans le monde entier. Cependant, il a été sciemment abandonné par tous les gouvernements depuis lors, non seulement par les gouvernements de droite (PSDB), mais y compris par les gouvernements du PT entre 2003 et 2016, au nom de la volonté de privilégier les très hauts profits des monopoles privés du secteur de la santé.

En 2015, Dilma Rousseff a adopté une loi qui a permis, pour la première fois dans l’histoire du Brésil, aux entreprises étrangères d’investir dans le domaine de la santé, en prenant en charge la gestion des hôpitaux. Ces sociétés privées milliardaires sont les lobbyistes des principaux hommes politiques du régime et sont largement représentées à la Chambre des représentants et au Sénat brésiliens (Mandetta a vu sa campagne pour les membres du Congrès fédéral financée par Amil, le monopole américain de la santé, en 2014).

Cette précarité du SUS, qui dure depuis des décennies, se reflète dans l’état catastrophique de la santé publique : à São Paulo et Rio de Janeiro, pratiquement 70% des lits de soins intensifs sont déjà occupés, et dans les capitales les plus pauvres comme Manaus, dans l’État d’Amazonas (région Nord), tous les lits sont occupés, et les corps des personnes décédées sont placés à côté des patients encore hospitalisés.

Le nouveau ministre de la Santé, Nelson Teich, a déjà déclaré qu’au Brésil nous devrons faire comme en Italie et choisir entre ceux qui vivent et ceux qui meurent. Pendant ce temps, le système de santé privé négocie avec le gouvernement le montant d’argent public à verser pour mettre leurs lits à disposition. Il s’agit d’une situation aberrante créée par les capitalistes et leurs gouvernements, à la veille du pic de la pandémie qui continue frapper le pays. Le coronavirus a trouvé un terrain libre pour naviguer dans les veines ouvertes de la catastrophe sanitaire causée par les patrons et leurs serviteurs au gouvernement, faisant que la préservation de la vie de millions de personnes implique de s’attaquer à la propriété privée.

RPD : Dans quelle situation se trouve la classe ouvrière ?

AA : Les travailleurs sont à la croisée des chemins de la crise sanitaire, surtout les plus précaires. Bolsonaro exprime un mépris ouvert pour la vie des travailleurs, et ce mépris se manifeste dans sa politique négationniste. Mais ce mépris pour la vie des travailleurs existe aussi chez les gouverneurs, les parlementaires de droite et les militaires, tous responsables de la crise.

Les chiffres révèlent que la concentration des décès se produit précisément dans les régions industrielles, où les travailleurs continuent à exercer leurs fonctions sans protection adéquate, et dans les bidonvilles, régions de concentration, de paupérisation sociale, où tout type de mesure de confinement est impossible (des familles entières vivent entassées dans des espaces très réduits). Ainsi, si nous prenons la « géographie de la pandémie », nous verrons que les taux les plus élevés de décès se produisent sur les lieux de travail et dans les quartiers de la classe ouvrière. De plus, le sentiment prédominant dans la classe ouvrière brésilienne est plutôt la peur de perdre son emploi que la vie dans la pandémie, ce qui est utilisé par la bourgeoisie nationale pour approfondir les conditions de précarité, de sous-traitance, de bas salaires, etc.

Cela n’a pas encore conduit à des révoltes de masse ou à des processus de grèves sauvages, comme on le voit en Italie et aux États-Unis ; la crise du coronavirus en est encore à ses débuts au Brésil et, comme nous l’avons dit plus haut, la popularité de Bolsonaro est relativement stable, en raison de l’influence qu’il exerce encore sur les secteurs des travailleurs indépendants et dans les quartiers populaires, qui veulent que l’économie redémarre. Cependant, il est peu probable que la situation subjective des travailleurs reste stable avec l’augmentation prévisible du nombre de décès et d’infections dans les semaines à venir, ce qui pourrait générer d’importants processus de résistance.

RPD : Quelle est la position des directions des principaux syndicats ?

AA : Les syndicats agissent comme un secteur des « Ressources humaines » des entreprises, facilitant la pression des entreprises contre les travailleurs. Certains cas sont notoires. Force Syndicale, une bureaucratie de droite qui a été liée au coup d’État institutionnel de 2016, est maintenant arrivée au point de créer une application pour recevoir et homologuer les « accords » de réduction des salaires et de suspension des contrats avec les employeurs. La CUT et la CTB, centrales syndicales liées respectivement au PT et au PCdoB, sont en « quarantaine » face aux attaques patronales. Pire encore : la CUT a lancé un appel aux travailleurs pour qu’ils acceptent, selon leurs propres termes, « l’articulation avec le Congrès national et tous les gouverneurs, quelle que soit leur affiliation politique et idéologique ». En d’autres termes, ils cherchent à aligner les travailleurs avec les agents du « bonapartisme militaro-institutionnel », avec les putschistes du Congrès et des gouvernements des États, comme Doria ou Witzel (gouverneur de Rio de Janeiro).

Aucune politique de défense des travailleurs, aucune proposition d’organisation des travailleurs, même avec les difficultés imposées par l’isolement et la crise sanitaire actuelle. Au moment où la crise commence à frapper durement notre classe, la politique syndicale est scandaleuse. Même dans les syndicats dirigés par la gauche comme le Syndicat des métallurgistes de São José dos Campos, dirigé par le CSP-Conlutas, avec le poids du PSTU, un accord de réduction des salaires est accepté sans aucune forme de lutte.

RPD : Quel programme les partis de gauche comme le PT [Parti des Travailleurs] ou de gauche radicale comme le PSOL [Parti socialisme et liberté] proposent-ils ? En quoi consiste le “front large” de l’opposition face à Bolsonaro ?

AA : Pour se distinguer de la politique de Bolsonaro, le PT se limite à être « l’aile gauche » de la politique menée par les gouverneurs et du bonapartisme militaro-institutionnel, qui comme le dit Lula « est plus responsable » que l’exécutif fédéral. Alors qu’il n’existe aucune alternative radicale face à Bolsonaro, le PT maintient une position conciliante. Dans les quatre États du Nord-Est qu’il gouverne, le PT refuse de prendre des mesures à la hauteur de la situation, à commencer par la mise en place d’une campagne de dépistage massive, la centralisation du système de santé, ou l’interdiction des licenciements alors qu’ils continuent à frapper la population. Cette politique du PT s’exprime encore plus clairement dans la ligne des centrales syndicales qu’il influence, la CUT [Centrale unique des travailleurs, premier syndicat du pays, lié au PT] ou la CTB [Centrale des travailleurs du Brésil, dirigé par le PCdoB- parti communiste du Brésil], qui appuient la politique bourgeoise du Parlement et des gouverneurs. Une honte.
 
De son côté le PSOL a publié une résolution de sa direction nationale qui revendique d’en finir avec Bolsonaro, insistant sur la nécessité « qu’une telle destitution se produise de manière démocratique, en l’occurrence à travers la construction d’un front large, avec un soutien populaire ». Nous sommes nous aussi, évidemment, solidaires de la haine légitime de la population contre l’extrême droite et son incompétence, qui s’est exprimée dans certains secteurs par le slogan “Dehors Bolsonaro”, et qui doit aller au-delà, et rejeter aussi les militaires et tous les putschistes. Mais cela ne peut se faire qu’en combattant toutes les franges de la bourgeoisie. La politique du PSOL va dans le sens inverse : elle canalise le juste sentiment de rejet contre Bolsonaro vers un débouché institutionnel, et renforce ainsi le camp du « bonapartisme institutionnel ». L’appel du PSOL à « se joindre aux efforts des gouverneurs » dans une « unité large » qui comprend aussi les partis du coup d’État institutionnel de 2016 (comme la Rede), tant qu’ils s’opposent à Bolsonaro, en témoigne.
 
RPD : Quel est le programme du Mouvement Révolutionnaire des Travailleurs [MRT], qui éditeEsquerda Diárioface à la crise ?
 
AA : Étant donnée la situation concrète de crise économique il est urgent que tous les syndicats se mobilisent pour lancer une vaste campagne sur les réseaux sociaux et les lieux de travail pour faire interdire les licenciements. En d’autres termes, protéger et défendre les travailleurs face à la pandémie, n’accepter aucune réduction salariale, exiger le paiement immédiat de l’indemnité d’urgence et continuer à lutter pour que sa valeur soit élevée à 2000 reals (un peu plus de 350 euros) par mois pour tous les travailleurs sans revenu, pour les travailleurs au noir ou les chômeurs, geler le prix des denrées alimentaires et exiger l’annulation des factures d’électricité, d’eau et de tous les services élémentaires. Le devoir des centrales syndicales est aussi de mener une politique en direction des travailleurs du secteur informel. Exiger des dirigeants syndicaux qu’ils sortent de leurs tanières pour organiser la résistance est une lutte pour la survie de la classe ouvrière. Celle-ci devra dépasser les bureaucraties, pour rendre les syndicats aux travailleurs.

Cette voie doit mener à la lutte pour l’occupation et la nationalisation sous contrôle ouvrier de toutes les entreprises qui ferment ou licencient en masse. Il s’agit de s’organiser sur chaque lieu de travail et d’exiger des syndicats des comités de défense et d’hygiène. Ceux-ci doivent être composés de membres démocratiquement élus et participer aux décisions portant sur la mise en arrêt des travailleurs jugés « à risque », qui devront recevoir 100% de leur salaire. Cette revendication doit être portée avec force, surtout dans les hôpitaux, pour les travailleurs de la santé. Il est aussi fondamental que la production non essentielle soit arrêtée, avec une rémunération intégrale pour tous les travailleurs, et la reconversion des grandes industries pour la fabrication de fournitures médicales essentielles afin de combattre le Covid-19.

Voilà ce que serait un « plan de bataille » fondamental, qui, combiné au combat pour un système de santé unifié, centralisé et mobilisant le secteur privé, permettrait de développer l’auto-organisation de la classe ouvrière, la seule capable de mener à bien ces mesures urgentes pour affronter la pandémie. Les gouverneurs soi-disant « raisonnables » n’ont pas suivi jusqu’à aujourd’hui la recommandation de l’OMS : le Brésil continue à être le pays avec le moins de tests réalisés dans le monde, proportionnellement à la population, et alors que 30 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau. Il n’est pas étonnant que ceux qui subissent le plus les conséquences de cette crise dans le pays et le payent avec leur vie sont les populations afro-brésiliennes. C’est pour cela que nous défendons le droit démocratique de la population à avoir accès à tout type de médicament disponible et que la recherche soit librement autorisée pour tester l’efficacité de tous les médicaments pour combattre le Covid-19.
 
C’est dans cette perceptive qu’en tant que MRT et Esquerda Diario – le média frère de Révolution Permanente au Brésil – nous organisons dans tout le pays des comités virtuels pour diffuser ces idées à des milliers de travailleurs, jeunes, femmes, populations afro-brésiliennes et LGBTs, qui s’inscrivent dans la lutte contre Bolsonaro, sans accepter que la décision à propos des changements dans le pays soit retirée des mains du peuple. C’est le peuple qui doit décider, et pour ça, en plus de mettre en place ces mesures d’urgence, les travailleurs doivent batailler pour une nouvelle Constituante, qui soit libre de prendre ses décisions de manière démocratique et souveraine à l’égard de tous les pouvoirs existants et qui permette d’arracher le pays des griffes de l’impérialisme par la suppression de la dette publique, un impôt progressif sur les grandes fortunes, et l’annulation de toutes lois anti-ouvrières prises sous les gouvernements Bolsonaro et Temer mais aussi, avant eux, sous les gouvernements du PT. Dans ce processus, de telles mesures permettraient que les travailleurs aillent jusqu’au bout de leurs revendications qui ne seront pas complètement remplies au sein du système capitaliste, même dans sa forme la plus démocratique que serait la Constituante, et qu’ils puissent défendre un gouvernement du monde du travail, en rupture avec le capitalisme.

Propos recueillis par Tatiana Magnani et Philippe Alcoy.
Traduction depuis le portugais : Philippe Alcoy et Nora Pardi.

VOIR TOUS LES ARTICLES DE CETTE ÉDITION
MOTS-CLÉS

[Amérique latine]   /   [Covid-19]   /   [Crise sanitaire]   /   [Crise économique]   /   [Coronavirus]   /   [Crise sociale]   /   [Jair Bolsonaro]   /   [Brésil]   /   [International]