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Pas de confinement en prison

Coronavirus dans les prisons françaises : la bombe à retardement

Déjà un mort, une dizaine de cas confirmés et des centaines de personnes présentant des symptômes du coronavirus dans les prisons françaises. Promiscuité, insalubrité… Les détenus en prisons vivaient déjà dans des conditions insalubres, mais la situation devient dramatique pour eux maintenant que l’épidémie fait rage.

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Promiscuité et insalubrité : le lot quotidien des prisonniers en France

Lundi 16 mars, un homme de 74 ans, incarcéré à la maison d’arrêt de Fresnes, est décédé des suites du coronavirus. Cet homme était diabétique, très âgé, et n’avait été incarcéré que 8 jours plus tôt, le 8 mars. Deux infirmières de l’établissement ont également été testées positives au coronavirus.

Le détenu décédé restera anonyme, mais si Balkany méritait de sortir de prison pour des raisons de santé, cet homme âgé et présentant au moins un facteur de comorbidité méritait-il d’être incarcéré dans l’une des prisons les plus vétustes et les plus surpeuplées de France, en pleine crise sanitaire ?

L’application des mesures barrières les plus élémentaires est impossible en prison, où l’on entasse les prisonniers à plusieurs dans des cellules conçues pour une seule personne, où le travail, essentiel pour un grand nombre de détenus qui ont besoin d’argent, se fait forcément en groupe, et où le système de santé est encore plus dégradé que dans le reste du pays. “Dans des établissements surpeuplés, souvent vétustes et insalubres, la prévention comme la prise en charge d’une épidémie sont impossibles. Et les mesures de confinement qui s’appliquent désormais sur l’ensemble du territoire viennent jeter une lumière crue sur la réalité carcérale : privés de la visite de leurs proches et des rares activités et interactions qui donnaient encore un peu de sens à leur quotidien, il ne reste plus aujourd’hui aux détenus que la bassesse de leurs conditions matérielles et la certitude de leur angoisse.” explique l’Observatoire International des Prisons dans une tribune.

L’entassement en cellule au point de dormir par terre, les violences physiques et morales, le mépris, les moqueries de certains surveillants, l’éloignement familial, l’enfermement 22 heures sur 24, le manque de dialogue avec les directions, le manque de personnel pour travailler à l’aménagement de leur peine, etc.”, tant de facteurs qui étaient déjà pesants avant l’épidémie, mais qui deviennent quasi insoutenables aujourd’hui. Depuis le 16, les cas de coronavirus se multiplient en prison, et le gouvernement a mis fin aux parloirs familiaux, pour cause de confinement. Toutes les activités, ateliers, travail, interventions sont suspendus ; ces privations, en plus de l’inquiétude légitime quant à l’épidémie, provoque des tensions.

Dès le mardi 17 mars, les prisonniers de la maison d’arrêt de Grasse se sont révoltés contre la suspension des visites et pour exprimer leur inquiétude face au coronavirus. À Grasse, les prisonniers vivent dans des conditions terribles d’insalubrité et de surpopulation : 673 détenus dans une prison qui contient 574 places. La colère des prisonniers paraît donc d’autant plus légitime alors qu’on leur retire une de leurs seules « libertés » et de leurs seuls liens avec l’extérieur.

En effet, les mesures mises en place face à l’épidémie sont des mesures « barrières », de restriction des visites et d’arrêt des activités culturelles, sportives ou d’enseignement en intérieur. Les prisonniers sont encore plus coupés du monde que d’habitude, privés de leurs proches et privés de travail, donc privés des maigres revenus qu’il est possible de percevoir derrière les barreaux. En 2015, Libération expliquait qu’un détenu avait travaillé 56 heures pour 78 euros net. C’est tout leur lien avec l’extérieur qui est ici remis en question, alors qu’aucune autre mesure n’a été prise pour protéger les détenus et que leur conditions de vie sont déjà déplorables.

Il est légitime de s’indigner face à ces mesures qui réduisent encore un peu le semblant de liberté et de contact qu’ont les détenus alors qu’en parallèle, on ne leur offre aucune perspective sérieuse pour combattre une éventuelle propagation du virus au sein de la prison.

En Italie, des émeutes et mutineries ont aussi eu lieu dans les prisons. Mauro Palma, responsable des droits des personnes détenues, expliquait que “Les détenus ont peur que dans une situation de contagion, le système soit totalement incapable d’y répondre”. Dans le pays, c’est l’armée qui y a été employée pour violemment réprimer les révoltes. Au total, 6 personnes détenues ont été tuées par la répression en Italie.

Gestion de l’épidémie en prison : entre privations et mépris

Face aux risques évidents de multiplication des débordements, le gouvernement fait de la gestion de crise. Nicole Belloubet annonce quelques mesures pour les prisonniers, notamment un certain nombre d’heures de téléphone gratuites afin que les détenus puissent contacter leurs proches. Auparavant, les détenus devaient payer leurs appels téléphoniques au prix fort, mais, privés de source de revenu à cause de l’arrêt du travail, il leur est désormais impossible de contacter l’extérieur autrement.

Problème : seuls 70 établissements carcéraux disposent de téléphones individuels dans les cellules. Les autres disposent de téléphones communs, en trop petit nombres, et qui fonctionnent souvent mal. Pire, en période de crise sanitaire, à moins de désinfecter totalement les téléphones entre chaque appel, ils peuvent vite devenir des nids à virus.

Nicole Belloubet a également annoncé la distribution de 100 000 masques pour les prisons. Mais quand on regarde le détail, ces masques sont destinés aux surveillants, et non pas aux détenus ! Donc en clair, rien n’est prévu pour protéger les prisonniers.

Signe supplémentaire de la gestion criminelle du gouvernement : Nicole Belloubet a, dans un premier temps, totalement écarté la possibilité d’un désengorgement des prisons. À la question “Dans une interview publiée ce lundi par l’agence AEF info, Martine Herzog-Evans, la présidente de la Confédération francophone de la probation, propose de libérer les détenus les moins dangereux pour éviter le risque sanitaire. Qu’en pensez-vous ?”, la ministre répond, dans le journal 20 Minutes, le 17 mars : “Nous ne sommes pas du tout dans cette optique-là !

Avant de se rétracter, quelques jours plus tard, en expliquant que les détenus à moins de deux mois de la fin de leur détention pourraient être libérés de manière anticipée afin qu’ils puissent se confiner chez eux. Des mesures encore insuffisantes, puisqu’elles ne concernent que 5000 détenus ; face à l’urgence, il faudrait libérer les détenus malades, âgés, les prisonniers ayant des peines courtes, etc. Ne pas le faire condamnerait ces personnes à la maladie, voire à la mort.

Et, cerise sur le gâteau, alors que toutes les activités professionnelles sont arrêtées, l’OIP annonce que certains ateliers de travail en prison vont reprendre du service pour fabriquer des masques à destination des soignants. Pour réparer les pots cassé, le gouvernement, qui n’a eu de cesse d’organiser la casse de l’hôpital public, en vient donc à utiliser un secteur de la population non soumis au droit du travail, corvéable à merci, alors même que rien de concret n’est prévu pour les protéger ?

L’État laisse donc croupir les détenus dans des conditions de vie insalubres, et rechigne à désengorger les prisons ; au contraire, il institue aujourd’hui des mesures répressives et menace de peines de prison les personnes ne respectant pas le confinement. En pleine crise sanitaire, il s’agit d’une mise en danger pure et simple de la population carcérale, qui est pourtant bien pratique quand il s’agit de produire des masques à bas prix…


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