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Coronavirus. Mesures inadaptées, refus du droit de retrait : la colère des agents de la RATP

Face à l'épidémie du Coronavirus, des travailleurs de différents secteurs ont fait le choix ces derniers jours d'exercer leur droit de retrait. Dans les transports en commun, des agents de la RATP jugent les mesures mises en place inadaptées, inefficientes et dénoncent l'attitude d'une direction qui face au droit d'alerte et au droit de retrait répond par la menace. A quel point les entreprises, guidées avant tout par la peur de perdre des gains, garantissent-elles la sécurité et la santé des salariés ? Le droit de retrait va-t-il s'étendre chez des salariés qui sortent tout juste d'une grève reconductible contre la réforme des retraites et ont perdu toute confiance en leur direction ?

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Crédits photo : Martin Bureau. AFP

Après le personnel du Louvre, ce sont les chauffeurs de bus, des réseaux de bus franciliens Transdev et Keolis, très exposés au public, qui ont décidé lundi d’exercer leur droit retrait pour dénoncer le manque de moyens alloués en réponse à la propagation du virus. Le droit de retrait exercé massivement par les salariés - 70% des 350 chauffeurs sur le réseau Keolis - a manifestement mis la pression sur la direction qui a répondu aux inquiétudes et promis, entre autres, des kits de protection, la désinfection des bus après chaque service, un état des lieux des vitres de protection pour s’assurer qu’elles fonctionnent, un état des lieux de stocks de produits, la neutralisation des quatre places avant... Surtout, la direction a assuré qu’il n’y aurait aucune perte de salaire suite à l’exercice du droit de retrait par les salariés.

Ce mouvement tend à s’étendre à la RATP ces derniers jours. Mardi 3 mars, ce sont les GPSR (groupe de protection et de sécurité des réseaux) de la Gare de Lyon qui ont décidé d’exercer leur droit de retrait suite à une rupture de stock de gel hydroalcoolique et à l’absence de savon sur leur lieu de travail. Face aux critiques, la direction s’est retranchée derrière les directives du ministre de la santé et leur a précisé que leur journée serait « pointée en code 800 », soit une absence injustifiée qui implique la menace d’une sanction disciplinaire. Quelques heures plus tard, la direction a fini par leur remettre du gel avant que les agents ne reprennent leur poste. Une situation qui n’est pas isolée à la RATP où la colère face à l’attitude de l’entreprise est de plus en plus importante.

« La RATP met en danger ses salariés »

Les préconisations à la RATP sont arrivées au moment du premier cas détecté dans l’Oise. La direction a estimé le 27 janvier dernier que la situation liée à l’émergence du virus ne pouvait pas être qualifiée (encore) de danger grave et imminent, et qu’il s’agissait de prendre des mesures de précaution et de prévention pour limiter la propagation du virus. Les mesures prises étaient les suivantes : mise à disposition de gel hydroalcoolique, mise en place de distributeur de gel hydroalcoolique au niveau des entrées, monter la vitre anti-agression pour les machinistes, point d’infos sur l’état de l’évolution de l’épidémie... Depuis une semaine, des agents RATP estiment que ces préconisations sont légères, inadaptées, que leur mise en place est inefficiente et que tous les corps de métiers ne sont pas protégés.

Plusieurs syndicats de la branche RATP ont décidé de monter au créneau lors d’un premier CSSCT (commission santé sécurité et conditions de travail) le 27 janvier, estimant que la direction ne doit pas seulement limiter, mais empêcher la propagation du virus. La réponse de la direction a été de se cacher derrière les recommandations et procédures mises en place par le ministère de la santé et de rappeler qu’au stade 2 n’étaient reconnus ni la gravité, ni le danger imminent de la situation. Le 3 mars, suite à une séance exceptionnelle de CSSCT, les syndicats CGT RATP et Unsa RATP sont repartis avec la promesse de l’application des préconisations émises le 27 janvier, et l’obtention d’un kit composé de gants, de lingettes, et de masques pour les conducteurs.

Pour autant, pour Kevin*, syndiqué CGT, ces mesures sont insuffisantes. Il pointe notamment de multiples dysfonctionnements dans la mise en place de ces préconisations nous révélant par exemple qu’à certains endroits les gels hydroalcooliques sont périmés. « Il n’y a rien de mis en place pour les femmes enceintes, les personnes les plus vulnérables » renchérit-il. Pour lui, il s’agit en réalité de demander bien plus que les préconisations actuelles, « Il faut demander bien plus, porter le fait que les personnels puissent travailler à la maison, que les machinistes ne vendent plus de tickets. Mais la RATP refuse catégoriquement tout cela parce qu’elle ne veut pas perdre d’argent. En fin de compte, tout ce qui a été demandé d’être mis en place n’est pas respecté et la RATP met en danger les salariés ». Les agents ont conscience que la direction est plus préoccupée par d’éventuelles pertes de gain que par la santé de ces agents. Pour Fawzi, machiniste au centre bus de Belliard aussi, « la RATP fait le minimum ». Plus encore, il estime que les salariés devraient pouvoir exercer leur droit de retrait sans crainte d’être sanctionnés, et obtenir au minimum les mêmes mesures que les chauffeurs de Keolis.

Le refus du droit de retrait

Confrontée à des cas de droit de retrait, la réponse de la RATP à ses salariés ces derniers jours a été la suivante : « le risque n’est pas propre à la ligne de métro, la RATP suit les recommandations du gouvernement et de la médecine du travail. Dans ce cadre il n’existe aucun danger grave et imminent de nature à exercer un droit de retrait ». Fawzi qui est allé interroger sa direction sur l’exercice du droit de retrait nous raconte l’échange, « ils m’ont répondu que, d’après la note du ministère de la santé, on était dans la phase 2 et que c’était pour cela que le droit de retrait ne serait pas accordé. Je leur ai expliqué que ce n’est pas à eux de décider ni au gouvernement mais que ce sera à un juge d’apprécier la validité ou non du droit de retrait ».

Depuis lundi les articles sur la légitimité et les conditions d’exercice du droit de retrait se multiplient. « Peut-on exercer son droit de retrait ? », « le Coronavirus justifie-t-il le droit de retrait ? » titrent les journaux en réponse au gouvernement qui a déclaré publiquement que jusqu’à présent le droit de retrait n’est pas fondé si les précautions sont bien appliquées par les entreprises. Les politiques ne sont pas en reste, à l’image de Julien Aubert, député Les Républicains du Vaucluse qui appelait dans L’Opinion à « sanctionner » les salariés qui exerceraient leur droit de retrait d’un « licenciement pour faute ».

La réponse des avocats et des inspecteurs du travail semble pourtant assez unanime dans la presse : l’exercice du droit de retrait revient à l’appréciation du juge prud’hommal. Alors qu’un relatif flou entoure la légitimité de l’exercice du droit de retrait, alimenté par les déclarations de la ministre de la santé, la RATP a choisi de dissuader ses salariés d’en user. Fawzi dénonce les méthodes de pression qu’exercent les directions sur les salariés actuellement pour les faire renoncer à leur droit de retrait. A l’image, des GPSR de la gare de Lyon, un machiniste du centre bus de Belliard qui voulait exercer son droit de retrait et qui, menacé d’un recours au code 800, a fini par reprendre son service.

Une situation à la RATP qui s’inscrit dans un contexte post-grève où nombre d’anciens grévistes sont sous le coup de sanctions disciplinaires de la direction à leur encontre pour faits de grève. Aujourd’hui, ceux qui depuis des années contestent les conditions de travail dégradées, ont fait grève contre la réforme des retraites pendant plus de deux mois, dénoncent la mise en danger de la santé des salariés par la RATP et exigent la défense de leur droit de retrait pour se protéger eux, leurs proches et les usagers.

*Prénom modifié


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