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Affaire Alexis Kohler

Conflit d’intêret d’A. Kohler. Macron est intervenu pour défendre son bras droit, révèle Médiapart

Coup dur pour l’exécutif. Médiapart révèle ce mercredi une lettre de Macron datant du 1er juillet 2019 à l'attention du Parquet National Financier (PNF) en charge du dossier d'Alexis Kohler, secrétaire général de l'Élysée, inculpé pour conflits d'intérêts et prise illégale d'intérêts depuis juin 2018. Quinze jours après la réception de cette lettre, le parquet national financier signait un rapport disculpant et classant sans suite cette affaire alors qu'un premier rapport, datant du 7 juin 2019, accablait Kohler !

Agathe H.

24 juin 2020

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Crédit photo : François Lafite

Qu’est-ce que l’affaire Kohler ?

Tout commence en 2018, lorsque Médiapart révèle les liens familiaux entre Alexis Kohler, à l’époque chargé des transports et sous directeur à l’Agence de Participation de l’État (APE) et la Mediterranean Shipping Company (MSC). En effet, celui qui est aujourd’hui le numéro deux de l’Élysée est un cousin au second degré de Rafaela Aponte, co-fondatrice et principale actionnaire de la MSC. La MSC, croisiériste et premier client de STX France, société s’occupant des chantiers navals de Saint-Nazaire.

Conformément à la loi, « un agent public ne peut passer des contrats avec une entreprise, la contrôler, traiter des dossiers qui la concernent alors qu’il a des liens familiaux ou des rapports de proximité avec elle. Enfreindre cette règle, c’est risquer d’être accusé de prise illégale d’intérêts, punie par une sanction pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison, selon le code pénal. » rappelle Médiapart

Cependant, et c’est là où est le problème, d’après le premier rapport d’enquête du parquet national financier (PNF) datant de 2018 conforme à ce que Médiapart avait révélé : « Alexis Kohler n’avait jamais établi, en dépit des obligations légales, une déclaration d’intérêts, ce qui l’aurait obligé à révéler ses liens familiaux avec MSC. »

« Ainsi en sa qualité de membre de l’APE siégeant au conseil d’administration de STX France [dont l’État est actionnaire à 33,4%] , Alexis Kohler a pris part à cinq votes favorables à des opérations en lien avec MSC » et à profiter de sa place dans l’administration publique pour « mettre les moyens de l’État à disposition du croisiériste »

A la suite des révélations de Médiapart, c’est Anticor, une association de lutte anti-corruption qui porte plainte contre Alexis Kohler pour « prise illégale d’intérêts » en juin puis en août 2018 et finalement en juillet 2019. L’enquête est finalement classée sans suite en août 2019 alors même que Médiapart avait déjà révélé le conflits d’intérêts majeurs que représentait la présence de Kohler au conseil d’administration de STX France et sa participation à des votes avantageux alors même qu’il entretient des liens familiaux avec MSC, principal client de STX France

Macron, sauveur des intérêts de son bras droit

Mais, cette affaire n’en reste pas là. Médiapart vient de révéler une lettre que Macron a rédigé le 1 juillet 2019 à l’attention du PNF chargé de l’enquête sur son bras droit.

Pour revenir sur la chronologie, après les plaintes d’Anticor datant de 2018, le PNF rédige un premier rapport le 7 juin 2019 « totalement accablant pour Alexis Kohler. Il pointe les faits, les mensonges et les manquements du haut fonctionnaire, qui a totalement ignoré pendant plus de dix ans la notion de conflit d’intérêts, les risques de prises illégales d’intérêts. » confirme Médiapart

Quelques jours plus tard, le PNF reçoit une lettre de Macron, venant en soutien à Kohler. Dans celle-ci il affirme que Kohler n’est jamais intervenu au moment où il était son directeur de cabiner dans des dossiers liés à MSC : « Lors de ma prise de fonction de ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, j’étais déjà informé de vos liens familiaux avec les actionnaires de contrôle de MSC (...) Vous m’aviez d’ailleurs formellement remis, au moment de votre entrée aux fonctions de directeur de mon cabinet, un courrier demandant à ne jamais avoir à traiter des dossiers et questions concernant cette société » ». Le président avait donc connaissance des liens familiaux d’Alexis Kohler avec les actionnaires de contrôle de MSC, et qu’il a pu, sans produire de déclaration d’intérêts, dans le cadre des fonctions qu’il a exercées au ministère des finances de 2008 à 2016, avoir connaissance voire intervenir sur les dossiers intéressants l’entreprise MSC.

De plus, Macron a écrit cette seconde lettre de soutien en tant que président, venant user de l’autorité et des pouvoirs que lui confère sa fonction pour changer le cour du procès de son collaborateur. Outre le fait que le PNF soit nommé le Président de la République, cette intervention présidentielle dans un procès montre que le système judiciaire peut être mis sous pression quand celui-ci ne couvre pas les intérêts des hommes politiques et des classes dominantes.

« Cette note se révèle être une pièce essentielle dans une opération commando pour blanchir le secrétaire général de l’Élysée et enterrer promptement l’affaire Kohler. Car il y a un avant et un après cette lettre » insiste Médiapart

« En effet, le 18 juillet 2019, un second rapport, qui lui se veut définitif, est rédigé par le même commissaire. Il a été réduit d’une bonne dizaine de pages : tous les faits dérangeants contre Alexis Kolher ont été expurgés. Le rapport dédouane totalement le secrétaire général de l’Élysée de tout, insiste sur sa « bonne foi ». Ce qui permettra au procureur de la République financier adjoint, Jean-Luc Blachon, de classer promptement l’enquête préliminaire sans suite, le 21 août 2019. Un soulagement pour l’Élysée et Alexis Kohler. » vient conclure d’enquête de Médiapart.

Kohler et les siens ne sont pas inquiétés par la justice de classe

Cette affaire, comme l’affaire Benalla en 2018 ou l’affaire Balkany, maire de Levallois-Perret, coupable de corruption et de blanchissement de fraude fiscale emprisonné pendant 5 mois avant d’être libéré pour « raison de santé » illustre tout autant l’impunité des dirigeants politiques, de leurs proches et de ceux qu’ils servent.

Cette justice à deux vitesses, au service de la classe dominante, ferme les yeux sur les agissements de ces hommes d’Etat, permettant aisément leurs fraudes et les laissant, à l’exemple de Balkany, se déhancher dans les rues à l’occasion de la fête de la musique.

Le caractère de classe de ce système judiciaire se réaffirme quand il participe à accabler la famille Traoré en enfermant Bagui et Youssef Traoré (frères d’Adama, tué par la police le 19 juillet 2016 à Beaumont-sur-Oise) pour « menaces, outrages et violences envers des gendarmes et policiers » . Quand les témoins ne sont pas entendus, quand les rapports médicaux sont faussés ou encore quand le président intervient dans le procès de ses proches, il semble évident que ce n’est pas ce système qui donnera justice pour Adama, Floyd et tous les autres, ni qui fera respecter une hypothétique séparation des pouvoirs ou fera cesser les conflits d’intérêts.


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