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COP21. Capitalisme et changement climatique

Conférence de Paris sur le climat. La mascarade est en marche

Léo Serge & Rosa P. Dans six mois, à partir du 30 novembre 2015, doit se tenir à Paris la conférence sur le climat COP21. Des négociations internationales se déroulent actuellement pour la préparer, impliquant 195 pays. Malgré les discours optimistes des gouvernements, il n’y a aucune avancée, rien de concret. Les associations sont inquiètes. Cet échec programmé a pour conséquence que les négociations décisives vont avoir lieu en dehors d’un cadre global, autrement dit les pays riches vont, une nouvelle fois, s’arranger entre eux en faisant mine de s’inquiéter des effets, mais sans jamais pointer du doigt les causes.

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Une conférence déjà bien mal partie

Après l’apostrophe écologique du Pape, formulée dans son encyclique du 18 juin, et le rendez-vous à Lyon, en ce tout début juillet, des collectivités locales pour faire entendre leur voix, la préparation de la COP 21 paraît enfin lancée. Mais peut-on se contenter de rendre nos villes et nos usines plus « éco-friendly » sans toucher au mode de production lui-même, sans contraindre la concurrence entre les plus gros pollueurs du monde ? Car la COP 21 c’est avant tout le passage en force d’un « impossible capitalisme vert », comme l’a écrit Daniel Tanuro.

Tout le monde le sait, le problème du changement climatique est universel : même si ses impacts touchent en premier lieu les parties les plus fragiles de la population mondiale, aucun pays de la planète n’est épargné. Il ne s’agit pas uniquement de fixer un objectif de réduction de la production de gaz à effet de serre, mais également de travailler sur la différenciation des efforts entre pays pauvres et riches. Les blocages sont toujours là parce que les pays développés comme les pays émergents ne veulent pas remettre en question leurs politiques actuelles d’énergie renouvelable et d’économies d’énergie. Or le niveau actuel ne permettra pas de rester en-dessous du seuil de 2°C de réchauffement d’ici 50 ans. Au-delà de ce seuil, les conséquences seront pourtant catastrophiques et difficiles à estimer – typhons, ouragans, canicules, incendies, élévation du niveau de la mer, bouleversement des écosystèmes… La seule certitude, c’est qu’avec ces bouleversements imprévisibles il va falloir s’attendre à un nombre croissant de réfugiés climatiques, en plus des réfugiés politiques.

Cette absence de prise en considération de l’avenir a une explication rationnelle. Les mêmes États discutant sur le climat sont ceux qui, tous les jours, versent des milliards de dollars de subvention aux industries fossiles, construisent des centrales à charbon et à gaz, autorisent les forages de pétrole et de gaz de schiste, signent des traités de libéralisation du commerce. Autrement dit, les Etats qui causent climat, ce sont des États capitalistes qui mènent des politiques capitalistes. Anecdote symptomatique, même les industries fossiles participent aux négociations. Un peu comme si les industries du tabac participaient aux discussions sur le tabagisme à l’Organisation Mondiale pour la Santé.

Vouloir agir sur les effets du problème (les gaz à effet de serre) et non sur ses causes (les modes de transports, de chauffage, de production industrielle, la mondialisation des échanges, l’agriculture…), cela revient, au mieux, à vouloir « réformer » ou « moraliser » le capitalisme, mais empêchera d’apporter la moindre solution cohérente. De véritables économies d’énergie exigeraient la mutualisation des moyens de transport, d’énergie, de production. Mais cela va à l’encontre de la logique de la propriété privée, et n’existe au mieux qu’à des échelles embryonnaires. La relocalisation qui serait nécessaire pour diminuer, par exemple, le volume des transports empêcherait les capitalistes de jouer sur les coûts de la main d’œuvre et de maîtriser les flux (de marchandises comme de personnes) conformément à ses intérêts : cette relocalisation ne saurait donc avoir lieu. Une agriculture locale avec des cycles courts de production-consommation ainsi que la fin de l’agrobusiness productiviste, supposerait de plus la lutte contre la grande propriété terrienne.

La « crise climatique » pour le capital : entre déni et perspectives de profits

Des statistiques relevées dans des recherches américaines récentes sur les versements de dividendes permettent de mesurer concrètement l’ampleur du processus de captation au détriment par exemple de l’investissement dans l’innovation. Aux États-Unis les gains sur les actions réalisés par les 500 dirigeants américains les mieux payés représentaient 66 % de leur rémunération globale. On voit mieux le court-termisme que cela implique. De fait les entreprises industrielles financent désormais la Bourse et non plus l’inverse. Rien n’indique une inversion de tendance. Emmanuel Macron dans Le Monde du 24 avril 2015 déclarait que le capitalisme était naïf, porté par une logique d’extraction de la valeur qui conduit à la « folie économique » et « surtout au suicide industriel ». Un constat d’autant plus cynique que Macron est un serviteur particulièrement zélé de cette politique.

Un rapport de l’American Academy of Arts & Sciences publié en 2014 évoque une crise aiguë de la compétitivité américaine lié à l’absence d’investissement à long terme. Amgen ou Pfizer dans l’industrie pharmaceutique, IBM, Intel ou Hewlett-Packard pour l’informatique : toutes les grandes entreprises ont abaissé leur ratio dépenses de Recherche & Développement sur ventes dans les dix dernières années. Toutes ont restauré leur profitabilité en supprimant des emplois. En plus du drame social, c’est évidemment la destruction de la capacité d’adaptation de l’humanité dont il s’agit. Non seulement l’innovation baisse mais elle est orientée vers un seul critère, loi d’airain du capital : le profit immédiat pour le propriétaire.

Sur le plan plus directement écologique, devant les évidences de nombreux rapports sur les prévisions climatiques (Banque mondiale, Agence internationale de l’énergie), beaucoup d’entreprises commencent à voir dans la crise écologique une réelle manne capable de gonfler leurs profits. Evaluer entre 4°, voire 6°, l’augmentation de la température à échelle mondiale ouvre de nouvelles perspectives pour le capital : Monsanto et Syngenta ont, par exemple, commencé dès 2008 à « innover » dans l’agriculture par la mise au point de semences capables de résister à des conditions météorologiques extrêmes, c’est-à-dire à s’adapter en vue d’une crise climatique allant de mal en pis.

Plus sinistre encore, évoquons également le cas de ce que l’on nomme les « dérivés climatiques », où il est possible de spéculer sur les aléas climatiques, et de fait, sur leurs conséquences souvent dramatiques et meurtrières pour les populations impactées ; sans compter le boulevard qui s’ouvre également à toutes les grandes compagnies d’assurance. Le climat n’est plus une condition fondamentale pour toute existence mais une valeur marchande, comme d’ailleurs tout ce que touche le capitalisme. Comme le souligne très justement Naomi Klein dans son récent ouvrage Tout peut changer, capitalisme et changement climatique, « le système actuel est conçu pour inventer de nouvelles façons de privatiser les biens communs et de mettre les catastrophes au service du profit ; livré à lui-même, il n’est capable de rien d’autre ».

Pour le capitalisme, il n’y a pas d’impératif climatique, sauf sporadiquement lorsqu’il peut être rentable. Il poursuivra donc globalement sa logique à tout prix, quel que soit l’état de la planète et des populations. Seules les mobilisations pourront donc faire obstacle, à l’approche et à l’occasion de la COP21 mais également par la suite, à sa logique délétère. Or jusqu’ici, même si elles ont pu être massives à l’image des 400 000 personnes qui ont défilé à New York en 2014, les mobilisations n’ont pour l’instant pas du tout réussi à inverser le cap des politiques menées. Hollande n’a jamais eu la moindre préoccupation pour la question climatique, mais ne manquera d’utiliser la COP21 pour tenter de redorer son blason, à la perspective de 2017, auprès de son électorat sensible à la question écologique, et évidemment en vue de s’assurer le soutien des Verts. Quant à la conférence elle-même, on sait déjà que les voix dissonantes n’y auront pas leur place. Ce sera à nous de faire entendre que la seule façon de sauver le climat, c’est de sortir du capitalisme.


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