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#Sansmoile7mai

Comment Macron a rendu presque impossible le recours des salariés à la justice prudhommale

A l’heure où des appels à faire barrage au FN par un vote Macron se font entendre, il est intéressant de se pencher sur l’une des multiples conséquences délétères pour les droits des salariés qu’a engendré la loi du 6 août 2015, dite « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » ou « loi Macron ». Derrière cette formule alambiquée se cache la volonté évidente d’exaucer un à un les vœux du patronat et parmi eux : la mise hors d’état de nuire des prud’hommes.

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Imposée par le 49.3 et saluée par le Medef, cette loi qui assouplit les conditions de travail le dimanche et la nuit, libéralise les lignes nationales de car et facilite les licenciements collectifs frappe aussi très fort la justice prudhommale, principal outil de défense juridique des salariés.

Entré en application au 1er août 2016, le décret qui précise les contours des nouvelles procédures a introduit l’obligation de saisir les prud’hommes par le dépôt d’une requête écrite extrêmement complexe. Prenant prétexte de désengorger les juridictions prudhommales en évacuant les dossiers incomplets, la réforme vise en réalité à dissuader nombre de salariés de faire valoir leurs droits. Les chiffres sont très clairs : « Sur la période allant d’août à décembre 2016, nous avons constaté une baisse de 40 % du nombre de saisines par rapport à la même période en 2015 », affirme Anne Dufour, présidente CFDT du conseil de prud’hommes (CPH) de Paris, qui précise que cette tendance s’est poursuivie en janvier et février 2017.

Une baisse drastique se fait aussi remarquer du côté des prud’hommes de Bobigny, où l’on observe environ un tiers d’affaires nouvelles en moins entre le premier trimestre 2016 et le premier trimestre 2017. Une diminution telle que la juridiction a été « obligée d’annuler un bureau de conciliation sur le collège de l’encadrement par manque de demandes », affirme Jamila Mansour, présidente CGT du conseil de prud’hommes de Bobigny (Seine-Saint-Denis), pourtant le deuxième conseil en France en nombre d’affaires derrière celui de Paris. Il se semble pas que cette baisse des requêtes soit liée à une diminution des revendications des salariés, bien au contraire : « Beaucoup d’entreprises s’installent, et la Seine-Saint-Denis compte de grosses structures. On a beaucoup de plans sociaux sur le territoire. La baisse du nombre d’affaires ne correspond pas à la réalité », explique la juge.

En réalité, en filtrant les dossiers incomplets (quand ils pouvaient être complétés au fur et à mesure de la procédure auparavant), la loi Macron empêche les salariés les mois formés aux questions judiciaires de se défendre. Désormais, pour espérer déposer une requête conforme aux exigences du décret, le recours à un avocat est absolument inévitable ce qui implique bien sur de débourser des sommes importantes. C’est une difficulté encore plus prononcée pour les référés, c’est à dire les affaires urgentes. Aux prud’hommes de Paris, « si on fait la comparaison entre les trois premiers mois de 2016 et les trois premiers mois de 2017, les référés ont chuté de 47 % », précise Anne Dufour. À Lyon, le nombre de référés a chuté quasiment de moitié entre la période août 2015-février 2016 et août 2016-février 2017. « En référé, ce sont souvent des salariés de PME qui saisissent les prud’hommes seuls, pour obtenir des rappels de salaire ou des attestations Pôle emploi, qui n’ont pas l’argent pour prendre un avocat et qui ne côtoient pas de syndicalistes. Ce sont parfois des personnes qui ne maîtrisent pas bien le français, et qui ne sont pas en capacité de remplir la requête écrite », analyse Anne Dufour.

Pour Claude Lévy, défenseur syndical CGT, cette réforme participe d’une tentative de « professionnalisation des prud’hommes ». « Avant, on pouvait mandater un syndicaliste d’une union locale pour défendre un salarié. Maintenant, il faut être désigné défenseur syndical, sur une liste agréée. Il faut constituer tout le dossier dès la saisine. On n’a pas le droit à l’erreur dans les demandes, il faut produire l’ensemble des pièces dès le début. Si on oublie quelque chose, il faut refaire une procédure », explique-t-il. La mascarade est grotesque : ces tâches sont absolument impossibles à réaliser dans le cadre des dix heures mensuelles allouées aux défenseurs syndicaux par le dit décret.

A défaut de pouvoir les détruire directement, complexifier les règles d’accès aux prud’hommes sous prétexte de faciliter et d’accélérer le traitement des dossiers est une méthode très efficace pour rendre caduque la moindre tentative de contestation d’une décision patronale. Il s’agit d’une logique évidemment reprise par la loi Travail, qui plafonne les indemnités prud’homales au point où même dans le cas d’une victoire au tribunal, il n’est pas dit qu’elles permettent de rembourser les frais d’avocat. A ce prix, à quoi bon chercher à faire valoir ses droits ?

Le projet de Macron et du patronat est clair : ultra-libéralisme et casse des conditions de travail mais pour ce faire, il faut exterminer tout ce qui ressemble de près ou de loin à la possibilité pour les travailleurs de se défendre. Mais c’est oublier que nous sommes des millions, prêts à riposter.


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