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Une vieille tradition de gauche...

Colonialisme de gauche. Mélenchon regrette que les billets de banque algériens ne soient plus en français

Au lendemain de l’anniversaire de la révolution algérienne, Mélenchon a déclaré sa « tristesse » quant à la disparition de la « langue commune », la langue de l’ancien colon français, sur les billets de banque algérien. Une disparition qui date en réalité de... 1964. Une défense de la francophonie et de la « mémoire » coloniale dans la droite lignée de la tradition de la gauche réformiste.

Joël Malo

2 novembre 2022

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Crédits photo : Clément Mahoudeau/AFP

Le 1er novembre est un jour de fête nationale en Algérie en mémoire du 1er novembre 1954, début de la Révolution algérienne pour arracher l’indépendance face à l’impérialisme français. En France, les socialistes seront les meilleurs défenseurs de l’Empire colonial.

Le 29 novembre, un certain François Mitterrand, pas encore très socialiste, mais tout à fait ministre de l’Intérieur, déclare devant des militaires dans les Aurès : « L’Algérie c’est la France ». En 1956, Guy Mollet, chef du gouvernement et secrétaire général de la SFIO (Parti socialiste) décide de l’envoi des appelés du contingent et donne les pleins pouvoirs à l’armée en Algérie.

Mélenchon a bien choisi son jour pour rappeler que le colonialisme social-démocrate n’est pas mort. Le chef de la FI, pur produit du mitterrandisme, a tweeté ce mardi 2 novembre, sa « tristesse » de voir disparaître des billets de banque algérien, la « langue commune », celle du colonisateur français.

Ce qui émeut autant Mélenchon, c’est que ce billet de 2000 dinars, émis en commémoration du 1er novembre 1954 comporte des inscriptions en anglais et non en français. Un symbole de l’échec de la politique de soumission néo-coloniale de l’Algérie par l’impérialisme français (et ses agents Borne et Macron) pour Mélenchon.

Pourtant, depuis 1964, aucune inscription en français ne figure sur les billets algériens. Les nostalgiques n’ont donc à pleurer que le franc algérien, la monnaie coloniale remplacée par le dinar en 1964.

Le colonialisme : une vieille tradition de la gauche française

Candidater à la gestion de l’État impérialiste français, c’est candidater à la gestion de ses affaires (néo) coloniales et au business des capitalistes français dans les pays sous domination. La gauche française est passée experte dans la matière. La gauche réformiste au pouvoir a toujours conduit à un déferlement de violences et de massacres dans les colonies : la paix et l’amitié entre les peuples, comme prétexte pour maintenir les liens de domination, ne leur sert qu’à déguiser l’oppression coloniale.

Le Bloc des gauches au pouvoir en 1924, c’est la guerre du Rif, où l’armée française bombarde et gaze des villages au Maroc. Le Front Populaire – que la France insoumise se propose de reproduire - fait tirer sur les grévistes tunisiens en 1937, dissout l’Étoile Nord Africaine (association pour l’indépendance algérienne) et son ministre (socialiste ça va sans dire) des Colonies, Marius Moutet de déclarer : « Une politique coloniale socialiste aura d’autant plus de chance d’être constructive et durablement féconde qu’elle se préoccupera moins de communiquer d’une manière directe l’idéologie socialiste aux indigènes […] Il faut prendre garde au déchaînement de forces incontrôlables, à la situation confuse et instable, impropre à toute construction positive, qui pourrait sortir d’une action où des notions mal digérées de lutte des classes, certains fanatismes religieux, la nature émotive des Africains, la dissimulation islamique et asiatique et toutes sortes d’influence souterraines se rencontreraient en des réactions complexes et imprévisibles ».

Pour aller plus loin : Les acquis de juin 36 ont été obtenus par des grèves massives, pas grâce au Front populaire !

A la Libération, c’est un gouvernement d’Union nationale (dirigé par de Gaulle et qui réunit notamment la SFIO et le PCF) qui perpétue les massacres de Sétif et Guelma le 8 mai 1945 et réprime les insurrections en Indochine, à Madagascar etc. On ne peut s’empêcher de citer à nouveau François Mitterrand qui, en 1951, en tant que ministre de la France d’Outre-Mer (le ministère des Colonies avait changé de nom) déclarait : l’« avenir de Madagascar est indéfectiblement lié à la République française ».

La continuité françafricaine de Mitterrand, le meurtre de Thomas Sankara en 1987 (dont il ne tient peut-être qu’au caractère secret des archives que Mélenchon et les Insoumis puissent lui rendre hommage et dans le même temps chanter les louanges de François Mitterrand, Président et donc chef des Armées au moment de l’assassinat commandité par la France), les expéditions africaines de François Hollande : la liste est longue du dévouement des sociaux-démocrates au colonialisme français.

Aujourd’hui Mélenchon réprimande les burkinabés qui mettent le feu à l’ambassade française au nom de la « fraternité populaire », et s’émeut de la disparition (depuis 1964 comme nous l’avons vu) de la « langue commune » des billets algériens. De la même manière son enthousiasme à affirmer que la « France n’est ni occidentale, ni européenne : elle est universaliste parce qu’elle est présente sur les 5 continents » s’inscrit dans la droite lignée de cet « humanisme » colonial qui a servi de couverture de gauche à l’impérialisme français.

La NUPES a ainsi permis la réunification de cette grande famille de l’impérialisme de gauche, trop longtemps divisée. Car au-delà des guéguerres et des nuances sur la politique quotidienne, toutes les formations qui la composent partagent une « certaine idée de la France », qui peut se dire insoumise pour offrir quelques mesures sociales aux classes populaires dans la limite des frontières nationales, mais qui à l’échelle du monde est une France qui soumet, pille, exploite et bombarde.

Or, la lutte des travailleurs en France contre les capitalistes, pour l’augmentation des salaires, ne peut éviter de s’en prendre, dans le même temps, aux bases de l’impérialisme français. Total en est un bon exemple : la lutte contre les milliards de profits de ce groupe, pour l’augmentation des salaires des raffineurs ne peut être que reliée à la politique de spoliation de ce fleuron de l’impérialisme français qui saccage la Tanzanie et l’Ouganda pour faire passer ses pipelines et, en lien avec l’État français et les gouvernements locaux, réprime toute forme de contestation. Le mot d’ordre d’expropriation de Total synthétise aujourd’hui toutes ces revendications, pour mener une lutte implacable contre l’impérialisme français.

Pour aller plus loin : Quand l’Internationale Communiste était anticoloniale

Menez la campagne à nos côtés : Indexation des salaires, expropriation des groupes de l’énergie : un programme face à la crise


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