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Procès des cheminots marocains

Chibanis 1. SNCF 0 !

John Strempe La SNCF a été reconnue coupable hier matin de « discrimination dans l’exécution du contrat de travail » et « dans les droits à la retraite » par le conseil prud’homales de Paris. Le jugement qui opposait des travailleurs à la retraite de nationalité ou d'origine marocaine, des « chibanis », employés depuis les années 1970 , par la très publique et républicaine SNCF, a donc donné raison à la majorité des 832 cheminots qui ont saisi les prud'hommes pour avoir été bloqués dans leur carrière et lésés dans le paiement de leur pension de retraite, environ trois fois moins élevée que la moyenne des cheminots.

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Engagés pour faire le pire des boulots

Dans les années 1970, la France passe une convention avec le Maroc afin que le pays lui envoie environ 2000 travailleurs destinés à être embauchés à la SNCF. Pour l’entreprise publique, la seule façon d’obtenir de la main-d’œuvre bon marché, difficilement trouvable dans la France du plein emploi. Ces travailleurs se retrouveront dispersés un peu partout dans le pays mais principalement sur les chantiers les plus durs, avec des conditions de travail déplorable. En plus de cela, ces cheminots d’origine ou de nationalité marocaine étaient engagés en tant que contractuels, un CDI de droit privé réservé aux travailleurs étrangers, et n’avaient donc pas accès au statut de « cadre permanent » ou « agent de statut », avec les acquis liés au statut de cheminot.

Un racisme légalisé

Une différenciation totalement discriminante pour les travailleurs étrangers effectuant le même travail qu’un cheminot français mais ne disposant pas des mêmes droits. Pire encore, ceux qui ont acquis la nationalité française dans le courant de leur vie active ont été rétrogradés au même statut qu’un nouvel embauché, avec une baisse de salaire accompagnant ce « reclassement », lorsqu’ils passaient sur statut cheminot. Cela démontre le racisme légalisé par la SNCF et, par extension, celui de l’État français. Mais cela n’est pas uniquement l’apanage de la SNCF. En France, la préférence nationale n’est pas seulement prônée par le Pen père et fille. Elle est pratiquée, dans la fonction publique, par l’Etat lui-même.

Dix ans de lutte pour faire valoir leurs droits

Certes, ces cheminots ont obtenu gain de cause, mais cela environ plus de quarante ans après les faits. Tous n’ont pas gagné, d’ailleurs. Une vingtaine a été débouté et a fait appel de la décision. Indépendamment de l’indemnité reçue par la majorité des plaignants en première instance, elle ne change pas grand-chose à la sur-exploitation subie tout au long de leur vie, leur incapacité de changer de statut, non seulement au sein de l’entreprise mais aussi socialement, condamnés à rester au bas de l’échelle. Comme le déclarait un cheminot chibani à la sortie du tribunal, parti à la retraite en 2010, il se disait « cassé des pieds à la tête » par son travail au sein de la SNCF. Même content de cette victoire, « cela ne répare pas ma santé, d’autres sont morts ».
Cette victoire ne s’est pas faite du jour au lendemain. Il aura fallu batailler plus de dix ans pour que les travailleurs arrivent à faire valoir leurs droits. De plus, ils sont désormais dans l’attente de la décision de la SNCF, qui a un mois pour décider de faire appel ou non de ce jugement.

Mais ce cas peut faire ce jugement, en effet, pourrait faire jurisprudence. Pour les seuls cheminots, 12000 personnes sur 160.000 sont dans le même cas que ces 832 chibanis, en n’ayant qu’un CDI de droit privé qui les prive des mêmes droits que les cheminots statutaires. C’est bien également la raison pour laquelle celles et ceux qui entendent réclamer « justice » ne pourront le faire qu’en s’organisant et en faisant entendre leur voix.


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