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Ce n’est pas aux travailleurs de payer la crise !

Chantage, menaces… Disney licencie 350 intermittents

Avec les annulations des spectacles et la fermeture du parc pour cause de coronavirus, Disneyland Paris n’a pas hésité à employer menaces et mesures de chantages pour tenter se débarrasser à moindre coût de 350 intermittents. Des mesures que les salariés ont refusé en bloc, avant que le groupe ne décide de rompre leur contrat début avril en invoquant le “cas de force majeure”.

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Crédit image : Disneyland Paris

Le monde du spectacle est à l’arrêt complet depuis le début des mesures préventives contre la propagation du coronavirus. Disneyland Paris n’échappe pas à la règle avec l’annulation de nombreux spectacles, sans visibilité quant à la ré-ouverture du parc. Après les salariés de Magnum, plus grand prestataire audiovisuel de France, et du Cirque du Soleil, c’est 350 intermittents, des chanteurs, danseurs, ainsi que du personnel technique recrutés pour les besoins de ces spectacles qui sont aujourd’hui licenciés par le géant du divertissement.

Au départ, la solution proposée dans une réunion CSE (Conseil Économique et Social) le 29 mars était celle du chômage partiel pour la plupart des salariés du parc (15 000 sur 17 000). Les salariés toucheraient donc 84% de leur salaire actuel versé par l’Etat et la direction de Disney verserait les 16% restant, mais seulement jusqu’au 19 avril.

Trois jours plus tard dans un courrier daté du 1er avril, la direction du parc a cherché à imposer « la rupture anticipée d’un commun accord [du] contrat de travail à compter du premier avril 2020 » en invoquant des « circonstances exceptionnelles » à ses 350 intermittents. Dans une manœuvre claire pour empêcher une riposte collective des salariés, ce courrier demandait impérativement une réponse au plus tard le lendemain 2 avril. Une manoeuvre d’autant plus claire qu’avant ce courrier, plusieurs d’entre eux avaient reçu des appels téléphoniques « du service des castings de Disneyland Paris pour savoir s’ils étaient d’accord pour rompre leur contrat de leur propre chef », comme en témoigne un des salariés dans le journal Le Monde. Des appels assortis de menaces et de chantage, en jouant sur la peur qui habite la plupart des intermittents du spectacle : celle d’être “blacklisté” par un employeur (d’autant plus un géant du milieu), et de perdre non seulement son emploi, mais aussi son carnet d’adresse dans un milieu où l’embauche se fait par le réseau, donc la possibilité de comptabiliser les 507 heures nécessaires pour renouveler son statut d’intermittent et avoir accès à l’assurance chômage.

Les intermittents concernés, avec les conseils du SFA (le Syndicat Français des Artistes interprètes), ont pris la décision de s’organiser collectivement et de faire face à ces menaces en refusant en bloc ces ruptures de contrat “à l’amiable” d’un employeur qui cherchait à se débarrasser d’eux à moindre coût. La réponse de Disney ne s’est pas faite attendre : la direction du parc a déclaré quelques jours plus tard à l’Agence France Presse avoir fait valoir le “cas de force majeure” pour licencier brutalement ces 350 salariés.

Les travailleurs précaires, les premiers à payer la crise

Le groupe, dont le bénéfice net s’élevait à 12,6 milliards de dollars en 2018, a expliqué à l’AFP qu’« il n’y a actuellement aucune visibilité sur la reprise [des] activités et les conditions de performance sont également incertaines », utilisant ses pertes de billetterie pour justifier les licenciements de ses salariés. La crise du coronavirus a entraîné l’arrêt de l’activité de plusieurs secteurs, celui du spectacle mais aussi de l’hôtellerie ou du tourisme, et derrière la crise sanitaire s’annonce une crise économique d’ampleur globale qui touche déjà durement ces secteurs. Les licenciements de Disney s’inscrivent dans la longue lignée des attaques patronales et gouvernementales, à l’échelle mondiale qui visent à faire payer cette crise aux travailleurs.

En France, après les attaques au droit du travail de la “loi urgence coronavirus”, le patronat des entreprises non-essentielles face à la lutte contre la pandémie entendent, avec la bénédiction du gouvernement, conserver leur marge de profit et faire reprendre le travail au détriment des mesures de confinement et de la santé des travailleurs. Dans le monde du spectacle, ce sont les travailleurs les plus précaires aux contrats les plus flexibles, comme les intermittents et les intérimaires, qui deviennent la première variable d’ajustement de ces grands groupes pour pallier au manque à gagner généré par les fermetures et conserver leurs marges de profit. Des économies sur le dos des plus précaires d’autant plus scandaleuses que Disney est tout à fait capable de couvrir entièrement les salaires des travailleurs, puisque ne serait ce que pour des travaux d’agrandissement annoncés pour 2021, l’entreprise est prête à débourser 2 milliards d’euros.

La crise du coronavirus est un révélateur puissant des tensions qui existent dans le monde du spectacle, et met brutalement en valeur l’exploitation des travailleurs les plus précaires que les contrats flexibles rendent jetables aux yeux du patronat qui font d’eux la première variable d’ajustement face à la crise. Ce n’est pas aux travailleurs de payer cette crise et il s’agit pour les intermittents du spectacle, aux côtés du reste du monde du travail, de revendiquer le maintien du salaire réel payé par le patron, et l’indemnisation à la hauteur du SMIC si il est inférieur, pour tous les travailleurs, y compris les freelanceurs, les intermittents et les plus précaires.


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