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Tribune libre

« Certain.e.s crèvent littéralement la dalle. » Les travailleur.se.s du sexe face à la crise sanitaire

Perte de revenus, répression policière, mal-logement et manque d'accès aux soins, la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement frappe de plein fouet les personne en situation de prostitution et exacerbe la précarité que la grande majorité d'entre elles vivent au quotidien.

Laura Brassier

1er mai 2020

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Crédit Photo : Arman Zhenikeyev via Getty Images

« Certain.e.s crèvent littéralement la dalle. » Anaïs Lenclos, porte-parole du Strass (Syndicat des Travailleu.r.se.s du sexe), dans un article publié par Tétu tire la sonette d’alarme : « on va voir des mortes et tout le monde s’en moque. » Les plus précaires, notamment les étranger.e.s et sans-papiers, se retrouvent livrées à elles-mêmes en proie à une inquiétude grandissante comme le souligne pour le journal L’Obs June Chalot, médiateur santé à Grisélidis : « Pour elles, ce n’est pas simple de savoir ce qu’elles ont le droit de faire et ne pas faire[...] les personnes qu’on a eu au téléphone sont complètement désemparées ». Sans rentrée d’argent depuis le début du confinement, comme le raconte Pamela, travailleuse du sexe interrogée par une journaliste de France 3, et sans domicile (les hôtels n’offrant, pour la plupart, plus de possibilités de logement.) ces travailleur.se.s se voient dans l’obligation vitale de recontacter des clients au péril de leur vie, malgré les risques de s’exposer aux contrôles de police et aux amendes de 135€ pour « non-respect du confinement », et surtout au virus, vu l’impossibilité de respecter les gestes barrières préconisées par le corps médical.

Face à cette situation, le STRASS, Syndicat du Travail Sexuel en France, à lancé le 20 mars dernier une cagnotte permettant d’apporter une aide d’urgence aux travailleuses les plus drastiquement touchées. Ils n’ont pas été les seuls à s’organiser comme le montre le compte Instagram « TaPotePute » qui, dès lors à déjà réunit plus de 11.000 euros de dons via une cagnotte en ligne. Ces cagnottes sont d’autant plus précieuses que la plupart des associations ont dû suspendre leurs maraudes le temps de trouver une façon de s’organiser et de sécuriser les bénévoles et salariés. « Aujourd’hui, nous n’avons pas les moyens de travailler » souligne Giovanna Rincon, directrice d’Acceptess-T qui pointe du doigt le manque de moyens sanitaires mis en place par l’Etat.

La Fédération des Parapluies rouges qui regroupe des associations de santé et de travailleur.se.s du sexe, a adressé un courrier au président de la République pour dénoncer la précarité exacerbée avec la crise sanitaire pour tou.te.s les personnes qui vivent de la prositution, et dénonçant la gestion répressive de la crise dont iels font les frais : Tout le monde veut et doit rester chez soi, mais encore faut-il ne pas en être, ou ne pas déjà en avoir été, chassée. Il faut toujours payer sa chambre d’hôtel ou son loyer, la nourriture, et les produits de première nécessité. Imposer des amendes aux travailleurSEs du sexe ne fait qu’ajouter un peu plus de précarité, qui est pourtant la cause première de leur détresse. » Les signataires réclament ainsi un fond d’urgence « afin de permettre un revenu de remplacement le temps du confinement, sans condition de régularité de séjour, seule solution pour empêcher les prises de risques associées à l’exercice du travail du sexe. » Une revendication restée lettre morte, alors que plus de 100 milliards d’euros ont été mis sur la table pour sauver les grandes entreprises, illustrant les priorités du gouvernement. L’entourage de Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes, s’est contenté de déclarer au Huffington Postque « Par définition, il est très compliqué pour l’Etat d’indemniser une personne qui exerce une activité non déclarée telle que la prostitution. »

Les conditions précaires des travailleur.se.s du sexe ne sont malheureusement pas soudainement apparues avec le Covid-19. En effet, les personnes en situation de prostitution subissent la stigmatisation et l’exclusion sociale entraînant des violences systémiques à leur encontre. A l’instar de la loi de 2016 ou de la loi sur le proxénétisme hôtelier qui les criminalisent et les précarisent encore plus. La précarité que vivent au quotidien la grande majorité des travailleur.se.s du sexe, dont une bonne partie sont au demeurant étranger.e.s, parfois sans-papiers et ainsi privés d’accès au marché du travail, est ainsi accentuée par la gestion répressive et antisociale du gouvernement en ces temps de crise sanitaire.


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