Depuis le début de l’invasion russe d’une partie du sol ukrainien, de nombreux habitants cherchent à fuir les combats pour sauver leur vie. Et ce chiffre ne fait qu’augmenter selon toute vraisemblance. Selon le dernier bilan du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), c’est le cas de près de 6,5 millions de personnes. 3,5 millions auraient trouvé refuge dans les pays voisins, notamment en Pologne et en Roumanie. Selon un porte parole du HCR, c’est « près d’un quart de la population totale » qui a quitté son foyer pour fuir la guerre. On parle déjà de crise humanitaire et le nombre de réfugiés a déjà surpassé celui de la précédente grande vague migratoire de 2015 qui a touché l’Union Européenne suite à la guerre en Syrie.
En France, le premier ministre Jean Castex a déclaré ce mardi soir à l’issue de la cellule interministérielle de crise que plus de 26.000 réfugiés ukrainiens auraient été recensés sur le territoire. Parmi eux, 10.500 se sont vus délivrer une autorisation provisoire de séjour, c’est-à-dire un statut de protection temporaire donné dans le cadre de l’Union Européenne. L’occasion de faire l’annonce en grande pompe de la création de 100.000 places d’hébergement en France, et par là même de se revêtir d’un vernis progressiste. Mais ce progressisme de façade s’écaille bien vite, au simple regard des politiques et surenchères racistes et sécuritaires en matière d’immigration par le gouvernement Macron.
Alors que Macron vient d’annoncer dans une conférence de presse ses promesses électorales, ses déclarations concernant l’immigration apparaissent particulièrement contradictoires avec les dernières annonces de Castex. L’objectif est clair : en 2022, il promet de durcir la chasse aux migrants, en appliquant plus d’expulsions du territoire, et en durcissant les procédures de demandes d’asile.
Les procédures actuelles de demande d’asile sont déjà particulièrement durcies, et ce notamment à l’aide de la loi Asile et Immigration menée par ce même gouvernement en 2018, qui avait considérablement raccourci les délais de dépôt de demande d’asile et les délais de recours en cas de refus. Dans la continuité du mandat depuis 2017, et avant lui les gouvernements précédents, les politiques face à l’immigration ne cessent de se durcir. À deux mois des élections, Macron délivre donc un programme xénophobe à la suite de son premier mandat, qui a pour seul mérite de mettre à nu l’hypocrisie des déclarations de son gouvernement sur l’accueil des réfugiés ukrainiens.
Comme l’interroge Philippe Alcoy dans les colonnes de Révolution Permanente : « c’est tant mieux pour les réfugiés ukrainiens qu’ils n’aient pas à passer par les ignominies auxquelles on a soumis des centaines de milliers de réfugiés venus du Moyen-Orient, d’Afrique ou d’autres contrées. Mais peut-on faire confiance à cet « humanisme » soudain des mêmes dirigeants qui envoient leurs forces de sécurité réprimer et harceler des migrants désespérés ou qui sont responsables directs des milliers de personnes mortes noyées dans les différentes mers qui entourent les frontières européennes ? »
Dans un tweet, Anasse Kazib, cheminot, porte-parole de Révolution Permanente et ancien candidat à la présidentielle, témoigne d’une rencontre avec des étudiants aux papiers ukrainiens qui ont obligation de quitter le territoire français d’ici le 26 mai, parce qu’ils sont Algériens : il dénonce le racisme structurel de l’État français, et le tri sélectif opéré par celui-ci parmi les « bons » et les « mauvais » migrants.
J’ai rencontré à Paris des étudiants réfugiés d’Odessa en Ukraine, ils ont eu les transports gratuits partout sauf en France même en présentant leurs papiers ukrainiens ont leur refuse et ils ont jusqu’au 26 mai pour quitter le territoire vous savez pourquoi ? Ils sont algeriens.
— Anasse Kazib (@AnasseKazib) March 23, 2022
Si même l’ONG Médecins du Monde a réagi cyniquement face à cette annonce en déclarant simplement « Tu vois quand tu veux », c’est pour montrer le deux poids deux mesures entre l’accueil des migrants ukrainiens, et ceux d’autres pays, notamment ceux provenant du Moyen-Orient et du Maghreb. En effet, les places d’hébergement d’urgence sont majoritairement saturées dans la plupart des départements, et au 1er janvier 2020, selon le rapport annuel de l’association La Cimade, le dispositif national d’accueil comptait environ 43.600 places autorisées de centres d’accueil pour demandeurs d’asile. L’annonce de Castex montre donc qu’il est finalement possible de débloquer des hébergements d’urgence face à une situation de crise.
Ainsi, à rebours de ces discours démagogique, au cours de cette guerre néfaste menée par Poutine il nous faut continuer de défendre l’accueil inconditionnel et dans la dignité de toutes et tous les réfugiés, en Ukraine et ailleurs, sans distinction d’origines ou de croyances religieuses, et exiger leur régularisation.
