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Deux poids, deux mesures

Campagne contre le harcèlement. Non Mme Pécresse, les harceleurs ne sont pas des animaux…

Ce lundi, une campagne contre le harcèlement dans les transports en commun d'Ile-de-France a été lancée, à l'initiative de Valérie Pécresse. Les affiches mettent en scène plusieurs femmes seules qui tiennent une barre de métro, menacées par… un requin, un loup ou un ours ! L'objectif étant de montrer que « le harceleur n'est pas un homme mais un prédateur ». Un choix vivement critiqué par des internautes, qui ne permet pas selon eux de rendre compte du caractère « banal », et de ce fait structurel, des violences de genre.

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Pour lutter contre les agressions sexuelles dans les transports en commun – qui touche la grande majorité des usagères, 87 % d’entre elles déclarent en effet avoir déjà été victime de harcèlement sexiste, sexuel ou d’agression sexuelle – la mairie de Paris a mis en place une campagne d’information, lancée hier. Un numéro unique, le 31 17, a été mis en place pour que les personnes victimes ou témoins de harcèlement, agressions sexuelles, puissent alerter le cas échéant : « Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel, victimes ou témoins, donnez l’alerte ». Le but de cette campagne étant de « sensibiliser les témoins », « libérer la parole des femmes », et « punir les prédateurs ». Ces « prédateurs » sont dès lors représentés par des animaux : un ours, un loup et un requin. Un choix vivement critiqué sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter :

« #StopAuHarcèlement dans les transports parfait ... mais pourquoi les agresseurs sont-ils des animaux ? Pour sensibiliser et éduquer il faut montrer (ou suggérer) la réalité. Le harcèlement est le fait de Monsieur tout le monde ! Animaliser ne permet pas la prise de conscience. », tweet Céline Malaisé, élue PCF.

« Et si on lâchait la grappe aux animaux qui ne nous ont jamais mis la main au cul dans le métro (ou alors j’ai manqué un épisode) pour parler enfin des violences masculines ? »
Ou bien encore,

« Ok, mais quand c’est pas un ours, un requin ou un loup qui m’agresse, mais plutôt un cadre sup en costume et mallette, j’appelle qui ? »

En réponse à cela, Pécresse a déclaré : « L’objectif c’était de montrer que le harceleur n’est pas un homme, notre objectif n’est pas de stigmatiser les hommes. Notre objectif est de dire que le harceleur est un prédateur. C’est un prédateur, c’est un requin. C’est un ours, un loup, et ça rend aussi le sentiment très fort de menace que ressentent les femmes seules ou les femmes qui se font harceler dans les transports. »

Il est clair que ces mises en scène empêchent de dresser une vision juste de la réalité. Altériser les hommes auteurs de violences sexistes et sexuelles, les ranger dans la case « animal », « prédateur », empêche de voir le caractère structurel des violences de genre, et minimise in fine ce phénomène. Traiter ces violences en terme « d’animalité », de quelques prédateurs qui seraient fous ou marginaux, empêche en effet d’une part de voir que leurs auteurs sont bien souvent monsieur tout le monde : l’ami, le père, le patron, le frère.... et de sortir de l’imaginaire véhiculée par l’idéologie dominante selon lequel les harcèlements, agressions, viols, seraient principalement le fait d’inconnus, dans l’espace public, etc. De plus, traiter les violences sous ce prisme nie le fait celles-ci sont le produit d’un rapport social, d’une oppression, à savoir le patriarcat. Placer le problème du côté de quelques prédateurs permet l’individualisation du phénomène et empêche en effet de remettre en cause la structure sociale qui maintient et nourrit le patriarcat. Ce qui fait les bons comptes de Pécresse et ses amis politiciens.

Ce nouveau plan de lutte contre le harcèlement sexuel a été salué par Marlène Shiappa, déclarant que « ces actions viennent compléter efficacement l’action menée par le gouvernement ». Mais de quelle efficacité parle-t-on ? Si certaines campagnes contre les violences sexistes ont assurément un aspect progressiste et permettent de visibiliser ce phénomène bien trop nié et étouffé, celles-ci n’ont qu’un effet palliatif et celles menées jusqu’ici par les gouvernements et ses relais n’ont pas fait preuve de grande efficacité dans le recul des violences de genre. Cette campagne démontre à nouveau les limites des politiques étatiques sur les questions de genre, qui bien souvent ne sont que des cautions féministes à des politiques qui organisent et imposent une précarisation généralisée dont les femmes sont les premières victimes. Une précarisation qui les rend plus vulnérables et les exposent d’autant plus à des cas de harcèlement, de violences sexistes et sexuelles, notamment dans le monde du travail.

L’hypocrisie de cette classe politique se fait également ressentir lorsque ces derniers - ce qui est le cas de Pécresse ici - se font passer pour les défenseurs de la « libération » de la parole des femmes : « l’objectif est de libérer la parole, sur le harcèlement, c’est vraiment l’omerta », alors qu’ils n’hésitent pas à couvrir les leurs lorsque ces derniers sont trempés dans des affaires de violences sexuelles. Dans ces cas-là, pas de prédateurs, mais des hommes victimes de diffamation.. La place n’est alors plus à la libération de la parole des femmes mais bien à son étouffement...


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