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Critique de film

« Brooklyn Yiddish » : cloisonnement communautaire

Ce premier long-métrage fiction de Joshua Z. Weinstein, une immersion dans la communauté juive ultra-orthodoxe de Borough Park à Brooklyn, a été sélectionné à Sundance et à la Berlinale. Il a également remporté le prix du Jury au Festival de Deauville 2017.

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Une critique d’Erica Farges, initialement publiée sur son blog.

Le personnage central de Brooklyn Yiddish est Menashe (Menashe Lustig), un épicier vivant dans ce quartier juif ultra-orthodoxe de Brooklyn, dont le titre original du film porte d’ailleurs le nom. Menashe est séparé de son fils, Ruben (Ruben Nibroski), suite au décès de sa femme, car la tradition hassidique lui interdit de l’élever seul. L’enfant vit donc chez son oncle et sa tante depuis la mort de sa mère, tant que Menashe ne trouve pas une autre épouse. Cette décision, comme tous les aspects qui régissent la vie des membres de cette communauté, n’a aucun fondement juridique, ici, ce sont la tradition et les principes religieux qui priment. C’est ainsi que se dresse à l’écran le portrait d’une communauté isolée du monde qui l’entoure avec ses propres règles, coutumes et langage.

Le récit se resserre encore plus, assez rapidement, de la présentation de ce microcosme au portrait personnel de Menashe, qui aux yeux extérieurs fait partie de cette communauté, mais la caméra intimiste, presque documentaire, montre un homme exclu par ses pairs à cause de sa maladresse et de sa difficulté à se soumettre aux traditions rigides. Le protagoniste est comme enfermé dans un endroit où il ne trouve pas sa place. La relation de Menashe et Ruben est mise au cœur du film avec une grande authenticité. Un autre élément central du film est le deuil, et surtout, le deuil de Menashe, à travers la remise en question de ses croyances et la culpabilité que cette remise en question engendre.

Les acteurs non-professionnels, dont la plupart des personnages conservent les prénoms de leurs interprètes, assurent la sincérité, la justesse et le naturel de Brooklyn Yiddish. Bien qu’aucun des acteurs ne soit juif hassidique dans la vraie vie, ils ont tous un lien personnel avec l’acteur principal, Menashe Lustig, qui est vraiment un épicier. Il n’est pas surprenant d’apprendre que le réalisateur, Joshua Z. Weinstein est, à la base, documentariste. Face à l’impossibilité de faire un documentaire sur cette communauté très fermée, il décide donc de se tourner vers la fiction.

Brooklyn Yiddish provoque une perte de repères, non seulement car le film présente un milieu hermétique à son environnement proche, mais aussi car il parvient à y trouver de la douceur et de la bienveillance qui contrastent avec la rigidité de cette communauté. C’est un film qui sait faire parler de manière subtile les émotions de ses personnages sans jamais porter de jugements sur eux ou sur les situations qu’ils vivent.


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