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Élections présidentielles brésiliennes

Brésil. Bolsonaro remporte les élections les plus manipulées de l’histoire récente du pays

Avec 55% des voix, Jair Bolsonaro, le candidat d’extrême-droite, a été élu président au Brésil. Il remporte les élections les plus manipulées de l’histoire récente du pays, avec un scrutin placé sous le signe des manœuvres judiciaires et la tutelle des Forces Armées, s’inscrivant directement dans la continuité du coup d’Etat institutionnel de 2016.

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Bolsonaro représente les aspirations les plus esclavagistes de la bourgeoisie brésilienne à l’égard des travailleurs, des femmes, des noirs et des LGBTs avec, derrière lui, le soutien du capital financier étranger et de l’impérialisme américain. Pour autant, Bolsonaro devra, dans un contexte de polarisation politique très fort, s’affronter à de nombreuses contradictions s’il souhaite gouverner et appliquer son programme ultra-libéral. Il est donc plus que jamais nécessaire de s’organiser contre l’autoritarisme, l’extrême-droite et ses attaques anti-démocratiques et anti-sociales, afin de mettre en échec Bolsonaro.

Jair Bolsonaro, le candidat du PSL, enregistre 55% des votes contre 45% pour Fernando Haddad, le candidat du Parti des Travailleurs. Les manœuvres judiciaires et la tutelle des Forces Armées ont permis que les élections s’inscrivent dans la continuité et l’approfondissement du processus du coup d’Etat institutionnel de 2016, Bolsonaro bénéficiant de la radicalisation du sentiment anti-PT et de l’effondrement de la droite traditionnelle (en particulier l’important recul du Parti de la social-démocratie brésilienne, le PSDB).

Bolsonaro exprime une radicalisation du discours religieux, promettant des attaques contre les droits démocratiques. Lors de son premier discours d’après l’annonce des résultats, celui-ci a prié et fait de nombreuses références religieuses, jurant devant Dieu de réaliser les réformes contre les travailleurs que souhaite le marché financier. Lors du discours qu’il avait fait après le premier tour, il avait souligné ce qui serait l’une de ses marques de campagne, la radicalisation de son discours anti-gauche, en promettant d’enfermer ou d’expulser tous les « rouges » du pays.

Il sera le huitième président brésilien depuis la transition démocratique, et un nouveau cycle s’ouvre dans le pays. La bourgeoisie va tenter d’imposer un nouveau rapport de force entre les classes, en faisant peser le programme esclavagiste de Bolsonaro sur le dos des travailleurs et de la population pauvre. Son programme s’inscrit dans une violente continuité des reformes de Michel Temer, en approfondissant la suppression des droits avec la réforme du travail, mais aussi avec les attaques contre le régime des retraites et la privatisation des entreprises d’Etat pour favoriser l’impérialisme.

Mais cela ne signifie pas que Bolsonaro aura le champ libre pour appliquer son programme ; bien qu’il ait remporté les élections, les masses qui ont fait l’expérience des attaques anti-sociales de Temer, et qui associent celles-ci à une dégradation de leurs conditions de vie, ne laisseront pas passer de manière pacifique de nouvelles réformes. Il est nécessaire de s’organiser pour affronter la violente continuité du coup d’Etat institutionnel.

Il faut noter que l’avantage de Bolsonaro a diminué durant la semaine précédant le second tour, ainsi que sa marge de manœuvre. S’il est vrai que la situation politique est polarisée à droite et tourne autour de cette figure réactionnaire qui sera la continuité des attaques de Temer, il est également vrai que ce déclin, dans la dernière ligne droite, est le signe que la lutte de classe sera présente dès les premières périodes de son mandat.

Les marchés, quant à eux, se sont réjouis de la victoire de Bolsonaro. Les applaudissements des banquiers américains de Goldman Sachs révèlent que les chefs du capital financier mondial, les détenteurs de la dette publique brésilienne, qui volent un trillion de reals au pays chaque année se cachent également derrière le visage de Bolsonaro. Le capital étranger, avec en premier lieu celui des Etats-Unis, espère pouvoir exploiter à un niveau colossal la classe ouvrière brésilienne, et s’accaparer les richesses nationales et leurs principales entreprises comme Petrobas, les banques Banco do Brasil et Caixa Econômica ainsi que La Poste.

L’équipe de banquiers et d’hommes d’affaires millionnaires qui composeront le gouvernement de Bolsonaro aura une fonction spéciale : liquider chaque droit des travailleurs, exploiter la population et assigner à des conditions d’esclavage la population noire et indigène que Bolsonaro et Hamilton Mourão (son vice-président) détestent. Au sein de ces capitalistes qui cherchent à faire payer la crise aux travailleurs, aux côtés des propriétaires terriens et des magnats de la finance, on retrouve des noms comme Jorge Paulo Lemann, l’homme le plus riche du Brésil, propriétaire de Ambev (leader mondiale de la production de bière). Mais aussi Alexandre Bettamio, le président exécutif de la Bank Of America pour l’Amérique Latine ; João Cox, le président du conseil d’administration de la TIM (Telecom) ; et Sergio Eraldo de Salles Pinto, de Bozano Investimentos (fond d’investissement).

Bien que Bolsonaro ait déclaré à la télévision qu’il ferait fermer le Congrès s’il devenait président, promouvant une dictature militaire et la torture, dans un discours de haine envers les femmes, les noires, les indigènes, la communauté LGBT, celui-ci cherche désormais à afficher un visage « démocratique » (dans des élections ouvertement manipulées). Mais nous ne devons pas nous y tromper. Son vice-président Hamilton Mourão -général de réserve connu lui aussi pour ses déclarations polémiques- ne ment pas lorsqu’il dit vouloir en finir avec le 13ème mois. Bolsonaro ne ment pas quand il dit vouloir en finir avec toutes les entreprises publiques et flexibiliser le marché du travail bien au-delà de ce qui a déjà été entrepris par Temer.

Il est clair que les travailleurs n’ont aucun intérêt à soutenir le programme économique ultra-libéral de Bolsonaro et Paulo Guedes, qui ont déjà promis de privatiser la poste, attaquer les salaires, et diminuer « le coût du travail » afin que les patrons puissent licencier et exploiter à souhait les travailleurs, les femmes et la jeunesse.

Les limites de l’application du programme ultra-libéral de Bolsonaro

Une étude DataPoder360 publiée en Octobre 2018 indique qu’à peine 37% des électeurs de Bolsonaro pensent que « le gouvernement doit vendre tout ou partie » des entreprises d’Etat. 44% des bolsonaristes pensent qu’il est préférable de garder ces entreprises sous contrôle du gouvernement. Seulement 30% des électeurs de Bolsonaro sont en faveur de la vente de Petrobras, l’entreprise en charge du pétrole brésilien. Les 60% restants pensent que Petrobras doit être maintenue sous contrôle du gouvernement.

Par ailleurs, selon une étude réalisée début 2018, 86% de la population était contre la réforme des retraites dont Bolsonaro et Hamilton souhaitent faire « leur priorité numéro un ».

Il n’y a aucun doute sur le fait que Bolsonaro rencontrera d’innombrables contradictions pour gouverner, ce qui laissera des brèches pour que les luttes des travailleurs émergent et s’affrontent aux capitalistes et à la droite. Même en faisant toutes les alliances politiques dont il a déjà commencé à dessiner l’architecture, notamment avec les partis les plus corrompus du pays comme le DEM de Rodrigo Maia, grand défenseur de la réforme des retraites, Hamilton Mourão va devoir affronter plusieurs contradictions.

1) Dans la semaine qui a précédé le second tour, Bolsonaro a vu sa côte de popularité baisser et son rejet augmenter après ses déclarations fascistes contre « les rouges », et les menaces de son fils de fermer le Tribunal suprême fédéral. Avec un avantage d’à peine 10%, il aura plus de difficultés que ce qu’il prétend à appliquer les réformes.

2) Il va devoir gérer l’effondrement de son image “antisystème” et “anticorruption” dans la mesure où il va devoir composer une base parlementaire avec la bande de mafieux qui a participé au gouvernement Temer et établir des négociations au sein du Congrès, démarche qu’il avait pourtant reproché au PT.

3) Une partie importante de son électorat n’est pas consciente que son gouvernement va être bien pire en termes d’attaques, de destruction des droits et des conditions de vie que celui de Temer. Une contradiction qui tend à s’accentuer d’autant plus avec l’escalade de démagogie de Bolsonaro au second tour envers l’électorat luliste, en promettant par exemple qu’il n’allait pas augmenter les impôts des plus pauvres et qu’il ne supprimerait pas le 13e mois des familles qui perçoivent les prestations sociales connues sous le nom de « Bolsa familia » (des aides sociales allouées aux familles les plus pauvres et misent en place durant la présidence de Lula).

4) Les zigzags de Bolsonaro sur la question de la privatisation de toutes les entreprises publiques servent à anticiper les conflits qui pourront émerger avec le programme ultra-libéral de Paulo Guedes et les intérêts stratégiques de secteurs militaires et de la bourgeoisie brésilienne.

Il n’est pas possible de combattre ce gouvernement qui représente les grands patrons et la soumission à l’impérialisme étranger sans une énorme force organisée, dans chaque lieu de travail et d’études, avec un programme anticapitaliste et socialiste qui ait une influence sur les secteurs de masses qui se sont affrontés à Bolsonaro dans les derniers mois.

Pour affronter cette dynamique, nous savons que le PT est complètement impuissant. Après avoir gouverné pendant des années aux côtés des capitalistes, assimilant leurs méthodes de corruption et se vantant de leur générer des bénéfices extraordinaires, il a voulu démontrer aux capitalistes qu’il pouvait encore leur être utile en entamant le second mandat de Dilma par l’application de réformes anti-sociales, ce qui a achevé de démoraliser sa propre base sociale, ouvrant le chemin au coup d’Etat institutionnel qui a placé Temer au pouvoir afin d’avancer le plus rapidement possible dans les attaques de la bourgeoisie. Sa stratégie purement électoraliste de contention de la lutte de classe, afin de canaliser le mécontentement sur le terrain des votes, a été incapable d’offrir une quelconque résistance sérieuse au coup d’Etat. Une fois dans l’opposition, sa politique de répondre à la haine distillée par l’opération Lava Jato et par le média Rede O Globo par l’illusion dans le pouvoir judiciaire et en les élections a fini par être complètement impuissante face à la montée de l’extrême-droite.

Pour combattre sérieusement l’avancée de l’extrême-droite et de l’autoritarisme, nous devons exiger aux syndicats et aux centrales syndicales, aux organisations étudiantes et populaires, d’impulser des comités de bases afin d’organiser la résistance et préparer un grand blocage national combiné à des mobilisations de rue dans tout le pays. Au sein de ces comités et organisations de la classe ouvrière et de la jeunesse, nous avons besoin de lutter pour mettre en échec toutes les réformes réactionnaires du gouvernement Temer, et de créer un grand mouvement pour le non-paiement de la dette publique, afin qu’il y ait des ressources pour faire des travaux publics, pour la santé et l’éducation.

Nous ne pourrons battre sérieusement Bolsonaro qu’avec un programme qui réponde de manière radicale aux réelles nécessités de la majorité exploitée et opprimée de ce pays. L’unique réponse radicale et réaliste est celle qui défend la mobilisation des syndicats et la mobilisation sociale pour faire reculer l’avancée de l’autoritarisme et imposer aux capitalistes qu’ils payent la crise.

Traduction : Jade Ruiz


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