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Le green washing face à la lutte des travailleurs

Biocoop. Retour sur une décennie de lutte des salariés

A Paris, les grévistes de deux magasins Biocoop parisiens viennent de voter leur participation à la journée de grève nationale du jeudi 17 septembre. Alors qu’une coordination se met en place pour construire une mobilisation au niveau national au sein du réseau Biocoop, l’entreprise tente de se couvrir en déclarant sur Twitter que le conflit ne concernerait qu’une minorité de salariés. Pourtant, les grèves à Biocoop ne datent pas d’aujourd’hui et ce sont souvent les mêmes revendications qui reviennent depuis maintenant 10 ans.

1er septembre 2020

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En septembre 2011, les salariés de Biocoop Chambéry étaient en grève face au mépris de leur direction et avaient tenu des piquets. Ils réclamaient l’application de la législation du travail, à savoir être classifié en fonction des tâches effectuées dans le magasin. En effet, après plusieurs mois de demandes salariales, ils n’avaient obtenu des résultats que pour 3 d’entre eux. Leur revendication était tout simplement l’application de la convention collective.

Cela fait étrangement écho à la mobilisation actuelle des travailleurs de Biocoop – Le Retour à la Terre qui réclament la revalorisation des salaires car ils effectuent des tâches des grades au-dessus sans aucune reconnaissance de leurs qualifications. Les choses n’ont fait qu’empirer au fil des années avec l’arrivée chez Biocoop S.A. de porteurs de projets directement issus de la grande distribution et d’écoles de commerce comme Eric Bourgeois (ex-Carrefour) et Claire Bourdon (ex-Lagardère).

C’est dans ce contexte de remaniement interne qui se traduit par l’ouverture de plus de 50 magasins par an majoritairement en SARL franchisée où les salariés n’ont aucune voix au chapitre que Biocoop a décidé de supprimer la grille évolutive des salaires de son cahier des charges général. Cette grille des salaires permettaient auparavant d’évoluer selon son niveau d’expertise et d’avoir des augmentations de 5 % mais Biocoop la jugeait trop avantageuse pour les salariés.

En novembre 2017, la moitié des 60 salariés des quatre magasins Biocoop Mayenne Bio Soleil (Laval-Ouest, Laval-Est, Azé et Mayenne) avaient cessé le travail, provoquant la fermeture de trois des quatre sites. Ils dénonçaient une plus grande charge de travail par salarié, la pression psychologique, des écarts de salaires importants et des relations tendues avec la direction locale.

A l’issue d’une réunion avec le directeur général, la CFDT avait obtenu satisfaction sur l’ensemble des revendications : un audit social indépendant, des élections des représentants du personnel, une prise en charge des suivis psychologiques, la subrogation pour maintien de salaire lors des arrêts maladie, le remplacement du personnel absent, et la fin des temps partiels subis, ainsi que du matériel plus adapté.

Mais au printemps 2018, les salariés de la Biocoop Mayenne bio Soleil avaient décidé de reprendre la grève constatant que l’état d’esprit de la direction n’avait pas évolué et que les départs, les démissions et les burn-out se poursuivaient. En deux ans, c’était déjà 22 salariés qui étaient renouvelés à cause de la dégradation des conditions de travail, des plannings changés au dernier moment augmentant les frais de garde pour les travailleurs.

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, c’est en novembre 2018 que débute la première grève à la Biocoop L’Auzonne de Carpentras qui durera jusqu’à 4 jours suite à des licenciements abusifs, le non-respect de la grille des salaires par rapport aux tâches effectuées et la non prise en compte des demandes des salariés concernant l’organisation des élections des délégués du personnel. Mais comme souvent au sein du réseau Biocoop, les patrons refusent d’écouter et de négocier, alors un nouveau mouvement de grève débute dans leur magasin en janvier 2019 avec les mêmes revendications. Sur leur piquet de grève, on pouvait notamment lire sur leur banderole « Licenciements abusifs, menace, diffamations des salariés, pressions. Salariés en grève ! »

Mais la grève à Biocoop ne se limitent pas qu’aux salariés des magasins. En effet, les salariés des plateformes n’en sont pas à leur premier conflit. Leur travail consiste à réceptionner, stocker, approvisionner tous les jours sur une large gamme de produits, recevoir les commandes des magasins, les informer sur la disponibilité des produits, préparer les palettes, les livrer, assurer un service après vente.

En 2014, Les trois syndicats (FO, CFDT, Unsa) avaient déposé un premier préavis de grève contre la dégradation des conditions de travail mais c’est en 2015 que leur situation met le feu aux poudres. Avec une production en augmentation constante, le site Sainte Geneviève des Bois n’est plus adapté et les travailleurs ne peuvent même plus décharger leurs camions correctement. Près de la moitié des 134 salariés étaient en grève pour obtenir un engagement écrit sur la modulation et la grille salariale. Pape Awe, délégué syndical CFDT dénonçait à l’époque : « Il y a une cinquantaine d’intérimaires aussi et pas d’embauche. Pour une entreprise bio, ce n’est pas très éthique, pas très propre de faire ça. »

Ce recours aux intérimaires n’est pas anecdotique puisque même en magasin, notamment au Retour à la Terre (Paris), la direction a récemment fait travailler plusieurs intérimaires et compte renouveler cette expérience pour remplacer des collègues et potentiellement briser la grève des salariés.

Cinq ans plus tard, les salariés de la plateforme se remobilise. D’abord en septembre 2019, où les salariés de la plateforme Biocoop de Noves effectuent deux journées de grève suite à un incident sur le réfrigérateur d’une plateforme en région parisienne provoquant le transfert de l’activité sur le site de Noves. Le nombre de colis manipulés avaient été multipliés par deux certains jours. La CGT réclamait une prime de 600 euros et un délai de prévenance de quatre heures pour les heures supplémentaires. Suite à la mobilisation des travailleurs, la direction de la plateforme Biocoop de Noves avait finalement accepté de prévenir les salariés trois heures minimum avant les heures supplémentaires et le principe d’une prime versée en octobre.

Mais la situation continue de se dégrader sur les plateformes et en décembre 2019, c’est la gigantesque plateforme logistique de Biocoop à Ollainville qui connaît une mobilisation pour de véritables augmentations de salaires que les travailleurs jugent trop faibles après la négociation annuelle obligatoire (NAO). Les grévistes d’Ollainville dénonce un écart entre les gros et les petits salaires qui ne cesse de se creuser et des conditions de travail qui se dégradent suite à une partie du toit de l’entrepôt consacrée aux produits frais qui s’est écroulée à deux reprises.

Suite à la mobilisation des grévistes d’Ollainville, Patrick Marguerie, directeur de la communication chez Biocoop déclarait « Il s’agit d’un mouvement minoritaire ». Fidèle à son mépris des travailleurs en lutte, c’est ce même Patrick Marguerie qui, suite à la grève dans les deux magasins Biocoop – Le Retour à la Terre cet été, déclarait dans un reportage de France Culture sur le mouvement : « Le contexte économique et surtout la montée en puissance de la concurrence de la grande distribution ainsi que de l’exigence des consommateurs nous conduit sans doute à optimiser, essayer d’être plus compétitif, dans l’ensemble de nos points de vente en évitant d’entrer en conflit avec les salariés puisque je rappelle que Biocoop est une coopérative multi-acteurs, la seule en Europe ».

Si il y a bien une constante chez Biocoop, c’est ce marketing hypocrite qui consiste à dire que les salariés seraient des « coopérateurs » alors que la majorité d’entre eux sont des salariés comme dans n’importe quelle autre entreprise et qu’ils connaissent les mêmes difficultés que les travailleurs de la grande distribution.

Il y a deux semaines, suite à la médiatisation des travailleurs de Biocoop – Le Retour à la Terre, Biocoop National a envoyé un communiqué aux gérants des 650 magasins Biocoop en France pour dénoncer une « instrumentalisation » de la part des grévistes puisque leurs difficultés seraient uniquement liées à un problème local. Cela montre bel et bien que la politique sociale de Biocoop est de se débarrasser des problèmes plutôt que de chercher à les résoudre, laissant les salariés face à leurs difficultés plutôt que d’intervenir et aider à démêler la situation.

C’est pour cela qu’il est important de soutenir la grève des travailleurs de Biocoop – Le Retour à la Terre ce dimanche 6 septembre sur leur piquet de grève au 114 avenue Phillippe Auguste (75011) à 10h, le samedi 12 septembre (plus d’informations sur la page facebook « Le retour à la grève ») et lors de la journée de grève nationale le jeudi 17 septembre où de nombreux travailleurs Biocoop d’autres villes seront présents pour une action commune.

Soutenez la mobilisation des grévistes de Biocoop. Partagez et donnez à leur caisse de grève : ici


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