×

Balance ton Porc : quand les médias transforment un accusé en « victime »

Trois ans après le lancement du #Balancetonporc, Eric Brion, premier accusé par le hashtag, est accueilli partout pour présenter son livre sur le sujet. Dépeint en victime, les journalistes s'attardent sur ce qu'ils appellent « sa descente aux enfers ».

Philomène Rozan

15 octobre 2020

Facebook Twitter

Crédits photo : Compte twitter de Éric Brion

Il y a maintenant 3 ans se lançait le mouvement de dénonciation du harcèlement sexuel #Metoo, suivi de #BalanceTonPorc en France. A l’origine de ce deuxième hashtag, Sandra Muller, journaliste qui tweete alors « “Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit” Eric Brion ex-patron de Equidia #balancetonporc  ». Elle est retweetée des milliers de fois et le hashtag prend de l’ampleur à mesures que les dénonciations se multiplient.

Trois ans après, c’est ce même Eric Brion qui sort un livre :  Balance ton père, Lettre à mes filles, Du premier accusé de #Balancetonporc. Son livre revient d’après le résumé de la Fnac sur ce qu’il nomme « son calvaire ». Le résumé parle du « 13 octobre 2017, [où] la vie d’Éric Brion bascule. » Sur Europe 1 où il était invité pour parler de son livre, le journaliste l’interroge en ces termes : « Pourquoi publiez- vous ? Pour raconter une descente aux enfers, pour montrer les conséquences de ce genre de délation ? ». Si Eric Brion assure aujourd’hui ne pas vouloir utiliser le terme de « victime » pour ne pas se placer sur le même plan que les victimes de viol, l’hypocrisie est palpable. Car à quoi bon ce livre sur ’son expérience’ si ce n’est pour s’en plaindre. Et les journalistes l’ont bien compris de « la descente aux enfers » sur Europe 1, au Point qui disait de lui il y a un an «  Ce père de famille, qui s’est retrouvé du jour au lendemain sans travail et sans compagne, s’est vécu comme la victime d’une « machine à broyer », incapable de se défendre ni de se faire entendre. », tous le peignent en victime. Un exemple édifiant du traitement médiatique qui est réservé à la parole des femmes lorsqu’elles dénoncent les remarques sexistes, le harcèlement ou les agressions sexuelles : c’est leur harceleur que l’on reçoit sur les plateaux.

Et c’est comme cela que trois ans après, on peut entendre dans une interview : « J’ai attendu avant d’écrire ce livre, que la justice passe, qu’elle soit condamnée, c’est très important un vrai procès.  », non pas de la bouche d’une des victimes qui aurait participé à briser l’omerta, mais bien de celle d’Eric Brion, ancien patron d’Equidia. En effet celui-ci profite de la sortie de son livre et de la portée médiatique qui lui est donnée pour revendiquer le procès qu’il lui a intenté pour diffamation et la condamnation qui s’en est suivie. Voilà en effet le post-metoo : une justice patriarcale prompte à museler les femmes et des médias dominants qui ouvrent leurs portes à Eric Brion pour le peindre en victime de lutte contre les violences sexuelles. Donnant libre cours à ses discours sexistes où il minimise des actes - qu’il ne nie pas totalement . « Ce que dit Sandra Muller ne correspond pas exactement à la réalité. Entendre ces mots là à 7h50 quand on prend son petit-déjeuner, ce n’est pas tout à fait comme quand on les prononce à 1h du matin dans une fête. » a-t-il ainsi déclaré au micro de France Inter, en tentant de minimiser le caractère profondément sexiste de sa déclaration. Il reprend ainsi un discours qui tend à faire passer des remarques sexistes pour de la drague, ou à justifier une situation d’agression par un contexte ou par le comportement ou les habits des femmes.

Depuis Metoo, d’autres mouvements similaires se sont lancés, dénonçant le sexisme profond qui traverse tous les milieux. Après Adèle Haenel et le désormais célèbre « maintenant on lève et on se casse » c’est l’industrie musicale qui a été secouée par les terribles révélations sur Moha LaSquale. Mais pour en finir avec les violences sexistes et sexuelles, ces mouvements doivent trouver une incarnation au delà des hashtag et le 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes pourrait être une première étape dans la construction d’un mouvement massif contre ces violences sexistes.


Facebook Twitter

Philomène Rozan

Etudiante à l’Université Paris Cité , élue pour Le Poing Levé au Conseil d’Administration

« Chicken for KFC » : Israël et ses soutiens veulent opposer les femmes et les LGBT aux Palestiniens

« Chicken for KFC » : Israël et ses soutiens veulent opposer les femmes et les LGBT aux Palestiniens


Les conséquences désastreuses de la politique de l'enfant unique

Les conséquences désastreuses de la politique de l’enfant unique

Capitalisme et patriarcat

Capitalisme et patriarcat

Tribune. Les soutiens d'un État génocidaire n'ont pas leur place dans nos luttes féministes !

Tribune. Les soutiens d’un État génocidaire n’ont pas leur place dans nos luttes féministes !

Acharnement : l'État porte plainte contre une lycéenne qui avait dénoncé une agression islamophobe

Acharnement : l’État porte plainte contre une lycéenne qui avait dénoncé une agression islamophobe

Affection de longue durée : l'offensive du gouvernement menace les personnes trans et séropositives

Affection de longue durée : l’offensive du gouvernement menace les personnes trans et séropositives

Une victime de VSS et le syndicaliste qui la défend réprimés par la SNCF : 200 personnes réunies en soutien

Une victime de VSS et le syndicaliste qui la défend réprimés par la SNCF : 200 personnes réunies en soutien

8 mars : après une mobilisation réussie, quel plan de bataille pour les droits des femmes ?

8 mars : après une mobilisation réussie, quel plan de bataille pour les droits des femmes ?