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Passe ton bac d’abord

Bac 2020. Évaluer ou éduquer ? Blanquer a choisi !

Contraint par la crise sanitaire à abandonner la tenue des épreuves du bac et du brevet à la fin de l’année scolaire, le ministre de l’Education Nationale a annoncé ce vendredi que les examens relèveraient du contrôle continu. L’annonce, qui a pu être un soulagement pour les élèves et leurs familles, s’est toutefois transformée en injonction au travail et à la performance scolaire pour maintenir le « niveau » des élèves, même en période de crise. Est-il vraiment impossible d’envisager une autre continuité pédagogique que celle du travail inutile et de la déshumanisation de l’école ?

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Pour le ministre, maintenir l’illusion de la bienveillance tout en exigeant la performance

« Notre but, c’est d’avoir à la fois un bon niveau général de nos élèves, et d’avoir l’égalité sociale ». Ces deux objectifs, posés dès le début du discours de Jean-Michel Blanquer pour expliquer le choix du contrôle continu, peuvent sembler louables. Toutefois, ils apparaissent immédiatement en contradiction avec la situation concrète dans les familles, où l’école à distance implique, de fait, une aggravation des inégalités sociales déjà présentes en temps normal. Les élèves ne bénéficient en effet pas tous des mêmes ressources matérielles et familiales, et, en plein confinement, il est encore plus difficile d’assurer le suivi et de faire progresser les élèves quand on sait que certains enfants n’ont pas de connexion internet, ou doivent partager un ordinateur avec plusieurs frères et sœurs, ou encore que, dans certaines familles, les parents maîtrisent mal le français, voire pas du tout… Et ce ne sont pas les quelques heures de suivi individualisé promises pour les vacances qui vont remédier à ces difficultés ! Impossible, dès lors, d’atteindre ce « bon niveau général » soi-disant attendu par le ministre.

Mais qu’importe. Ce petit exercice de communication n’est, en fin de compte, qu’un moyen pour faire passer la pilule de la continuité pédagogique malgré la mise en place du contrôle continu, qui aurait pu permettre aux élèves et aux familles de relâcher un peu la pression. Alors que certains élèves doivent faire face à des difficultés familiales, aux angoisses liées à la maladie et au confinement, au stress provoqué par la rupture avec l’école, pour Jean-Michel Blanquer, « ne pas léser les élèves, c’est leur garantir que oui, il y a la passation d’un baccalaréat en 2020. […] Je veux donc leur adresser un message d’encouragement à travailler […] les encourager à travailler et à travailler pour leur futur. Parce que le travail qu’ils font en ce moment-même et ensuite est évidemment bon pour leur futur. » Traduction : même si nous avons dû nous résoudre à annuler les épreuves en raison du confinement, ne croyez pas que le contrôle continu vous permettra d’échapper à la pression scolaire. On retrouve alors, appliqué à l’école, le discours tenu par le gouvernement autour de la nécessaire continuité de l’activité pendant la pandémie, au mépris de la santé et de la vie des travailleurs. A l’école comme à l’usine, la vie passe après la « productivité » et il faut maintenir, coûte que coûte, l’activité pour servir « l’économie »…

Une incitation à la performance scolaire alors même que « les parents d’élèves demandent à ce que s’arrête la pression qui s’exerce sur eux et leurs enfants »

Le passage des examens au contrôle continu aurait pu constituer une réponse aux parents et aux syndicats enseignants qui ont demandé au ministre de réduire les exigences en termes d’apprentissages, prenant en compte les difficultés que rencontrent familles, élèves et enseignants. Dès la deuxième semaine de fermeture des écoles, la FCPE, principale association de parents d’élèves a en effet alerté sur l’impossibilité pour les famille de suivre le rythme imposé sur injonctions du ministère. Quelques jours plus tard, dans un courrier adressé à Jean-Michel Blanquer conjointement avec l’intersyndicale de l’Education Nationale, on peut lire : « Face à l’ampleur de la tâche, se développent culpabilité parentale, stress, situations conflictuelles provoquant au mieux renoncement au pire des violences verbales ou physiques. » De même, représentants de parents et d’enseignant.e.s insistent sur la priorité à donner au maintien des liens entre l’école, les élèves et leurs familles, afin de « rassurer et accompagner », et demandent, lors de la réouverture des établissements solaires, la reprise des éléments du programme là où ils se sont arrêtés le 13 mars.

En insistant à l’inverse sur la nécessité de poursuivre le « travail » (le mot est répété 4 fois dans le discours du ministre…), on constate ainsi que le choix du gouvernement se fait finalement à rebours de la demande des professionnels et des familles. Tout se montrant rassurant en donnant un message clair sur la poursuite de l’année – les examens finaux n’auront pas lieu – le gouvernement montre une fois encore son refus de prendre les mesures nécessaires pour répondre aux problèmes posés par la pandémie – l’annulation pure et simple des examens, ou l’abandon d’une continuité pédagogique visant à « occuper » les élèves en renforçant leur stress dans une situation où ils sont coupés du milieu scolaire.

Maintenir le lien social en cohérence avec les besoins des familles : pour une autre continuité pédagogique

Lorsque, pour garder la face, le ministre renforce la pression à la performance et à la productivité au sein de l’école, il pose de fait la question des objectifs assignés à l’école. Bien qu’elle soit de plus en plus réduite à une machine à faire ingérer des connaissances, la crise montre que l’école reste un lieu privilégié de lien social, ce dont témoignent de nombreux élèves qui vivent difficilement la rupture brutale avec leur établissement scolaire.

Dans l’immédiat l’école devrait avant tout privilégier le lien et l’accompagnement des élèves par leurs enseignants, essentiel à l’éducation et à la progression dans les apprentissages. Comme le demandent les représentants des familles et de personnels, le temps du confinement devrait ainsi être l’occasion de renforcer les liens entre enseignant.e.s, familles et enfants, et non d’assommer les élèves de travail en utilisant des supports auxquels certains n’ont même pas accès. Pour cela, il apparait nécessaire de développer l’équipement en matériel et en personnel des établissements scolaires

La situation démontre par ailleurs l’absurdité de vouloir répondre aux objectifs d’un programme scolaire sans lien avec l’expérience quotidienne des élèves et la réalité du terrain. Familles, enseignants et élèves devraient avoir la possibilité de décider ensemble de la manière dont ils peuvent adapter les apprentissages en fonction de leurs besoins, de leur rythme, et des compétences à acquérir. Cet objectif, très partiellement affiché par l’Education Nationale nécessiterait de débloquer les moyens économiques et matériels nécessaires, ce que se refuse de faire le gouvernement, qui priorise, et ce malgré la pandémie, les intérêts des grands patrons et des investisseurs.

Pour devenir le cadre « bienveillant » que prétend – selon ses discours – vouloir mettre en place le ministre, l’école ne doit pas être le lieu d’une pression inutile aux apprentissages et centrée sur l’évaluation et la performance. Elle doit ainsi être pensée comme un lieu d’épanouissement, et non de reproduction de savoirs uniquement destinés à formater des enfants en fonction d’objectifs politiques et économiques, déconnectées des besoins réels de la société.


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