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Blanquergate

Avenir lycéen : le syndicat pro-Blanquer piloté pour contrer les mobilisations lycéennes

Le syndicat Avenir Lycéen défraie la chronique suite aux révélations de Mediapart et de Libération. Le syndicat pro-blanquer aurait été financé à hauteur de près de 90 000 euros par le gouvernement et serait entièrement sous la coupe de Blanquer.

Boris Lefebvre

24 novembre 2020

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Crédits photo : https://webmedias.ac-nice.fr/lukeion/

Quand tout nous accuse, il n’y a qu’une solution : nier en bloc. C’est la stratégie qu’a adopté Blanquer pour répondre à la crise qu’il traverse suite aux révélations de Mediapart et de Libération à propos du syndicat Avenir Lycéen, totalement dévoué à sa cause : « On voit bien que Libération et Mediapart essayent de faire une affaire à partir de rien ». Un de ses conseillers politiques au ministère renchérit : « Depuis des semaines, LFI et Edwy Plenel ciblent le ministre qui s’est évertué dénoncé l’islamogauchisme ». Détourner l’attention, là encore un grand classique quand on veut noyer le poisson. Pourtant, si l’on se réfère aux déclarations dans Libération de Clairanne Dufour, une des fondatrices de Avenir Lycéen, le son de cloche est bien différent : « C’est dégueulasse. On nous a utilisés, brossés dans le sens du poil en nous filant plein d’argent. Sans contrôle, encadrement, ni rien. Et aujourd’hui, des mineurs sont suspectés de détournement de fonds. Cette histoire est folle ».

Le syndicat Avenir Lycéen est, en effet, sous le feu des projecteurs pour sa gestion plus que suspecte des 65 000 euros fournis par le ministère en 2019 et des 30 000 euros de subvention qu’il a reçus en 2020. Entre frais de bouche, champagne, hôtel de luxe et carte bleue qui passe de main en main, les dépenses effectuées par les membres de ce syndicat né dans le sillage des mobilisations lycéennes en décembre 2018 lors des temps forts de la mobilisation des Gilets jaunes, semblent avoir servi à tout sauf à organiser un congrès fondateur. La raison de cela ? Elle est sûrement à chercher du côté des têtes pensantes de ce syndicat composé de jeunes « tellement gentils » d’après un proche de Blanquer et pour une bonne part d’entre eux... membres des Jeunes avec Macron (JAM). C’est le cas de Maxence Duprez et de Nathan Monteux, tous deux dans les petits papiers du ministère. Clairanne Dufour, parachutée présidente du syndicat, raconte lors de sa première réunion au ministère avoir été étonnée de voir que Maxence Duprez était « comme chez lui » au ministère car il « connaissait tous les conseillers, tous les directeurs de cabinets. Dans les couloirs, il tutoyait Jean-Marc Huart, le DGesco. Il l’appelait par son prénom ». Maxence Duprez et Jean-Marc Huart cogèrent d’ailleurs l’ensemble de la communication numérique du syndicat, toujours d’après Clairanne Dufour.

Entre les soupçons de financement partisan et les proximités entre Avenir Lycéen et les Jeunes avec Macron, Jean-Michel Blanquer se défend d’avoir eu des relations « politiques » avec ce syndicat pourtant totalement dévoué à son programme de réformes. Pourtant, Zoée Perochon-de-Jamatel, élue lycéenne au CSE (Conseil supérieur de l’éducation), affirme que les votes d’Avenir Lycéen allaient « systématique[ment] » en faveur des réformes du gouvernement, y compris quand toutes les autres listes syndicales lycéennes s’y opposaient. Cette stratégie visait à réduire l’influence des syndicats lycéens considérés comme trop à gauche, notamment du fait qu’ils avaient appelé et participé aux blocages des lycées en 2018 pour protester contre les réformes Blanquer. Louis Boyard, représentant de l’UNL, devient alors la voix des lycéens et son discours ne cadre pas avec ce que Blanquer veut imposer aux jeunes. Dans la foulée, les rectorats prennent en main la rédaction des communiqués des lycéens élus au Conseil académique de la vie lycéenne (CAVL) et réécrivent leurs communiqués en imposant « une opposition aux blocus », comme le souligne Zoée Perochon-de-Jamatel. Les élus du CAVL sont aussi conviés à communiquer à partir de 9 décembre 2018 sur les réseaux en utilisant le #avenirlyceen alors que l’association Avenir Lycéen voit déposer ses statuts le 12 décembre. La main du ministre sur les rectorats semble bien être derrière cette manœuvre. Olivier Lelarge, Secrétaire Académique SNES-FSU Orléans-Tours, dénonce cette manipulation de la part des services du rectorat : « le rectorat de l’académie d’Orléans-Tours a instrumentalisé le CAVL pour que des lycéens formulent une proposition dans laquelle ils se disaient favorables à la réforme. Et dire que nous en tant que syndicat d’enseignants, on avait à l’époque été accusé de manipuler les lycéens »

Dernier élément en date qui indique une relation plus qu’étroite entre Blanquer et la structure Avenir Lycéen, la création de la structure Avenir Education, rassemblant élèves, professeurs et parents d’élèves, a bien été pilotée par le ministre en personne. Le 2 juillet dernier, deux jeunes participants à la réunion de réflexion autour de la création de cette nouvelle association, et par ailleurs membres des Jeunes avec Macron, affirment : « On lui a dit qu’on allait partir sur une nouvelle voie qui concernerait plus les professeurs et le personnel de l’éducation nationale […] et le ministre nous a encouragés, il nous a dit :“Oui pourquoi pas, ça pourrait être une bonne idée de votre initiative ». Le 13 juillet, la structure Avenir Education était créée. Le 24 juillet, Avenir Lycéen vote sa fusion avec la structure. Une ancienne présidente de Avenir Lycéen informe alors Blanquer et se voit répondre « Bravo » par un ministre décidément bien content de la réalisation d’affaires qui ne le concernent pas... Malgré cette proximité évidente, le conseiller politique du cabinet du ministre insiste dans une note qu’il « n’y a jamais eu de discussions “politiques” entre le cabinet » et l’ancienne présidente d’Avenir Lycéen.

Les organisations lycéennes, dont les subventions de la part du ministère ont largement baissé tandis que celle de Avenir Lycéen restait coquette, se sont insurgées contre la corruption à l’œuvre dans cette affaire, dénonçant en Avenir Lycéen un « outil de propagande » au service de Blanquer et de ses réformes. Des députés LFI ont réclamé une commission d’enquête parlementaire sur cette affaire afin de faire toute la lumière là où Blanquer réduit l’affaire à quelques « lycéens qui ont peut-être dépensé de manière inopinée l’argent qu’ils avaient » tout en ironisant sur les commission d’enquête « très intéressant[e] pour la démocratie ». Alors que le #BlanquerDemission fleurissait sur les réseaux sociaux à la veille de la reprise et face à l’absence de protocole sanitaire suffisant dans les collèges et lycées, la démission de Blanquer s’impose une nouvelle fois comme une urgence. Des réformes ultra-libérales à l’incurie dans la gestion de la deuxième vague et désormais dans la corruption des syndicats lycéens, le portrait de Blanquer en « Daron noir » n’est plus à faire.


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