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Justice pour Adama

Assa Traoré porte plainte pour « dissimulation de preuves » contre la juge d’instruction : le combat continue

Alors qu'un rapport d'expertise belge rendu en début d'année a confirmé que la mort d'Adama Traoré était due à son interpellation, la juge d'instruction en charge de l'affaire sort une nouvelle pièce au dossier, dans le but de dédouaner les gendarmes. Empêchée de consulter le document, sur lequel pèsent de lourdes suspicions de falsification, Assa Traoré porte plainte contre la magistrate.

Antoine Weil

29 septembre 2021

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Assa Traoré © AFP

Nouveau scandale dans l’affaire Adama Traoré : alors que la justice a versé une nouvelle pièce au dossier d’enquête, afin de remettre en question l’expertise médicale qui a confirmé la responsabilité des gendarmes dans la mort d’Adama, les juges refusent à la famille de consulter ces nouveaux éléments. En réaction, Assa Traoré et ses soutiens ont répondu par une action coup de poing au Tribunal de Grande Instance de Paris et portent désormais plainte contre la juge d’instruction en charge de l’enquête pour « dissimulation de preuves, faux en écritures publiques et tentative d’escroquerie au jugement ».

Dans cette vidéo, les soutiens de la famille Traoré affichent ainsi leur détermination face à ce nouveau déni de justice :

Suspicion de faux documents, interdiction d’accès au dossier : Assa Traoré porte plainte contre la juge d’instruction

Cette plainte intervient en réponse à la dernière offensive contre la famille Traoré, impulsée par la justice il y a quelques semaines. Dans un premier temps, un rapport rendu en début d’année et réalisé par des experts médicaux belges a confirmé que l’interpellation violente d’Adama Traoré, tué le 19 juillet 2016, et les « manœuvres d’immobilisation à caractère potentiellement asphyxiant » réalisées par les gendarmes, étaient bien la cause de la mort du jeune homme. Pourtant, la justice, en la personne de Françoise Foltzer, juge d’instruction chargée de l’enquête, a sollicité à nouveau ces experts belges sur la base d’un nouvel élément. La magistrate a en effet présenté un dossier médical d’accident de travail d’Adama Traoré, qui selon elle pourrait infirmer l’avis émis par les experts médicaux.

Derrière cette nouvelle manoeuvre, il s’agit de faire pression sur les médecins qui ont contredit la justice et la police et, plus largement, de relancer l’hypothèse d’une mort accidentelle, causée par une malformation cardio-respiratoire et non par l’interpellation policière, malgré les nombreuses expertises qui prouvent le contraire. Cette hypothèse, que l’expertise finale des médecins belges devait définitivement enterrer, revient dans le dossier à la faveur d’un document complètement nouveau, dont personne parmi les avocats et la famille Traoré n’a entendu parler depuis plus de 5 ans de procédures depuis la mort d’Adama.

Or, la justice empêche la famille de consulter ce document, pourtant central puisqu’il permet de relancer toute l’affaire : une entrave sans précédent dans ce genre d’affaire. Maitre Yassine Bouzrou, avocat des Traoré, explique ainsi : « C’est la première fois de ma carrière que l’on me refuse l’accès à un dossier ». Dès lors, Assa Traoré et ses proches ont toutes les raisons de penser qu’il s’agit d’un faux, utilisée par la juge dans une manoeuvre désespérée de disculper à nouveau les forces de l’ordre.

L’accusation de falsification de preuve portée contre la juge d’instruction est d’autant plus crédible lorsqu’on connait le passif de la justice dans cette affaire. Dans son acharnement contre la famille Traoré, elle a en effet multiplié les mensonges, menaces et arrestations arbitraires. On ne peut que se rappeler du cas terrible de Bagui Traoré, frère d’Adama et dernier à l’avoir vu en vie, qui a passé 4 ans en prison préventive, accusé contre toute vraisemblance de violences contre une centaine de gendarmes lors de la nuit d’émeutes qui a suivi le drame, accusation auquel la justice n’a eu d’autre choix que de renoncer. Elle a ainsi relaxé Bagui, déclarant son innocence, après 4 années passées en prison pour rien.

Cet ultime coup de force judiciaire, en plus d’illustrer le refus de donner justice aux victimes de violences policières, s’inscrit dans le long acharnement judiciaire menée à l’encontre de la famille et des soutiens d’Adama Traoré. Cependant, il marque aussi la volonté de la justice de protéger à tout prix la police, ce qui est récurrent dans ce genre d’affaire, mais se trouve accentué dans le cas de l’Affaire Traoré du fait du rapport de force politique que la famille a su imposer.

L’État refuse de rendre justice à la famille Traoré

Ce nouveau rebondissement constitue en effet une entrave supplémentaire à l’affirmation de la vérité sur l’affaire, et repousse encore plus l’espoir de justice.

Après 5 ans de procédures, au cours desquels la police a menti sur l’heure du décès le déroulé de l’interpellation comme les conditions de la mort d’Adama Traoré, et qu’elle a eu recours à des expertises partisanes, réalisés dans le but de dédouaner les forces de l’ordre à tout prix et d’expliquer qu’Adama souffrait de malformation respiratoire. Ces expertises, le Comité Adama a à chaque fois prouvé leur caractère fallacieux, jusqu’à l’ultime rapport fourni par les médecins belges, censé clore le débat.

Avec ce nouvel élément sorti par la juge d’instruction, et l’interdiction faite aux avocats de la famille Traoré de le consulter, on comprend que la justice ne veut pas faire advenir la vérité sur cette affaire. Si cela est commun aux affaires de violences policières, qui débouchent très rarement sur des procès à l’image des affaires Gaye Camara, ou Ibrahima Bah, la détermination de la famille Traoré, qui poursuit le combat après des années de procédure, et le rapport de force qu’elle a su imposer, pousse en effet la justice dans ses derniers retranchements.

C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’interdiction d’accès au dossier et la probable falsification de preuve : dans une affaire très médiatisée qui symbolise le caractère systémique des violences policières et la nature raciste de la justice qui les couvre, reconnaitre la responsabilité des policiers dans la mort d’Adama serait un désaveu majeur pour toute l’institution policière.

C’est cette même pression face au rapport de force impulsé par le Comité Adama qui conduit l’État à contre-attaquer, à travers un acharnement judiciaire sans précédent contre la famille et ses soutiens qu’il faut comprendre comme une réaction.

Aussi, alors que c’est l’existence de manifestations massives qui a permis à la famille de faire entendre sa voix, à l’image du rassemblement historique du 2 Juin 2020 au TGI , il est clair que l’action en justice entamée contre la juge d’instruction ne pourra aboutir sans un rapport de force conséquent. C’est pour cela qu’il est important d’être dans la rue contre toutes les violences policières, de soutenir la famille Traoré et d’appuyer le Comité Adama dans cette nouvelle étape pour faire advenir la vérité et la justice.


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