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Justice de classe

"Après avoir été tabassé par la BAC, la justice me réclame des milliers d’euros"

Nous relayons ici l’histoire de Michel, interpellé violemment en 2016 par la Brigade Anti-Criminalité et se trouvant désormais confronté à la Justice, une histoire qui témoigne une fois de plus du rôle de la Justice servant les intérêts de la classe dominante, réaffirmant que l’impunité policière s’exerce de manière légitime au sein de la société actuelle.

Correspondant-e-s de Rennes

16 juillet 2020

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Nous utiliserons ici des extraits d’un article du Bondy Blog, datant de 2016 qui relate la violence subie par Michel lors de son interpellation

Au moment des faits, Michel a 19 ans, et profite d’une soirée au bar avec des amis au port des Sables d’Olonne. A la sortie d’un bar, un de ses amis sous l’effet de l’alcool semble provoquer la police postée en face, il se fait aussitôt interpellé. Michel, lui, voit la scène de loin et cours vers eux pour tenter d’intervenir : «  J’ai couru jusqu’à leur voiture pour tenter de convaincre les agents de ne pas l’embarquer, mais ils ne voulaient rien entendre » (Bondy Blog). Seulement, quelques instants après, une voiture de la Brigade Anti-Criminalité (BAC) arrive au niveau de Michel, deux policiers en sortent, et commencent à l’interpeller violemment, selon lui sans aucun motif apparent. Alors que le compte-rendu d’enquête stipule que Michel s’est accroché à la portière et qu’il aurait donné un coup dedans, lui affirme : “qu’à aucun moment je n’ai touché le véhicule”. Les policiers immobilisent Michel et usent de la force pour le faire rentrer dans la voiture. Une fois partis, tout au long du trajet, Michel raconte que l’un des agents de la BAC le frappe violemment au visage : “Alors que la voiture roule, il m’assène de coups de poings au visage, surtout à la bouche et au nez. Il m’a mis une dizaine de coups au moins”. Alors que les deux autres policiers dans le véhicule restent de marbre, Michel crie “arrêtez, arrêtez”, et raconte “Il avait vraiment la haine dans les yeux ; il ne voulait que frapper, frapper, frapper. Je n’arrivais pas à bouger. J’étais obligé de cracher mon sang dans la voiture”. Le rapport d’enquête fait d’ailleurs état de traces de sang à l’arrière de la voiture. Une version bien différente de celle donnée par la police qui décrit Michel comme se “débattant violemment, entraînant des blessures à l’un des fonctionnaires”.

Arrivé au commissariat, Michel se fait menotter et attend pendant une heure, jusqu’à se faire emmener au Centre Hospitalier des Sables d’Olonne, où il se fait ausculter et délivrer un certificat médical, qui signale : “une hémorragie au niveau de l’œil gauche, un saignement du nez et un oedème au niveau des lèvres”. A son retour au commissariat, il se fait placer en garde à vue pour “outrage à agents et acte de rébellion”. Même s’il reconnaît avoir insulté l’agent qui était en train de le frapper lors du trajet entre le port et le commissariat, la violence qu’il a subi n’est ni justifiée, ni proportionnée à ses yeux. Cette interpellation, dont la violence parait terrifiante, ne signe que le début d’une longue bataille qui n’est toujours pas terminée. En effet, rapidement après être sorti de garde à vue, Michel porte plainte pour coups et blessures contre le policier de la BAC et pour non assistance à personne en danger contre les deux autres policiers présents au moment des faits. Cette plainte sera plus tard classée sans suite, par “manque de preuves”.

Seulement, le lendemain de son arrestation, une amie partage sur Facebook une photo du visage de Michel pour témoigner de la violence qu’il a subi, photo partagée plus de 3000 fois. Michel raconte qu’il est rapidement menacé par les forces de l’ordre, forcé de supprimer la photo après un appel à son domicile, freinant ainsi les contestations naissantes autour de l’affaire.

De là commence un long combat juridique pour le jeune homme. C’est par la presse locale que Michel apprend que les forces de l’ordre ont déposé une plainte à son encontre, et ce pour les motifs “d’outrage à agent”, et “rébellion”. Michel, qui s’estime victime d’une violence policière puis de pressions insoutenables, se retrouve alors empêtré dans une histoire judiciaire kafkaïenne. La victime se retrouve désormais appréhendée comme coupable. Deux ans s’écoulent, deux années pendant lesquelles Michel a été jugé sans même en être prévenu, la police justifiant cette absence d’information par le fait qu’un huissier aurait été contacté pour informer Michel mais qu’il n’a jamais pu passer, sans donner plus de détails. Il reçoit seulement un courrier qui annonce le résultat du jugement : condamné pour les motifs cités plus haut, il se retrouve à devoir près de 50.000 euros de dommages et intérêts au policier qu’il aurait “blessé”, et près de 20.000 euros au commissariat dans lequel il avait été emmené. Coupable avant même d’avoir pu se défendre, il fait opposition dès qu’il en est informé, ayant reçu quelques jours plus tôt le dossier de l’enquête réalisé par l’IGPN sur son cas, celui-ci qualifiant l’action des forces de l’ordre comme disproportionnée. Cela permet donc à Michel de lancer une autre plainte pour que son ancienne plainte soit remise à la page et pour repousser le jugement. Le jugement, repoussé, a donc eu lieu le 21 septembre 2019, Michel est alors condamné à environ 11.000 € de dommages et intérêts, il fait appel. Actuellement en attente de l’appel, son jugement a été repoussé à cause de la crise de la Covid-19.

Le cas de Michel est malheureusement loin d’être une exception, et cette affaire est belle et bien démonstrative d’une justice au service de l’impunité policière. Victime à la fois de la violence légitime accordée aux forces de l’ordre et de la justice qui l’incrimine, Michel se retrouve à devoir des milliers d’euros à son agresseur. Une affaire tristement similaire à bien d’autres, comme en 2018, où un manifestant violenté par Alexandre Benalla le 1er mai a été jugé coupable pour violences contre un policier, où encore la récente annonce du non-lieu pour les deux policiers accusés dans le cas d’un étudiant rennais, éborgné par un tir de LBD en 2016 lors d’une manifestation contre la loi Travail, qui rappelle que face à la justice, la violence de la police peut s’exprimer impunément. Aussi, cette affaire prend toute son importance dans la situation actuelle, à l’heure où à l’international, des milliers de personnes sortent dans la rue pour s’ériger contre le racisme systémique et les violences policières, dénonçant à la fois la justice qui relaxe systématiquement les forces de l’ordre et qui criminalise les victimes de cette violence, comme c’est le cas ici. Alors que Balkany, condamné à plusieurs années de prison, peut se déhancher en toute impunité, Michel, lui, victime de violences policières est endetté de plusieurs milliers d’euros, et pris de peur dès qu’il croise un agent de la BAC. Pour Michel, il est nécessaire d’exiger immédiatement la relaxe et que justice lui soit rendue, tout en portant son nom dans les luttes actuelles, pour dénoncer ce système judiciaire au service de la classe gouvernante qui perpétue la violence légitime des forces de l’ordre.

Une cagnotte a été lancée pour financer les frais d’avocats de Michel, que nous relayons ici : https://www.lepotcommun.fr/pot/cpbix5v0


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