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Le livre qu’on peut ne pas acheter

Après « Que faire ? » de Lénine, « Faire », de François Fillon 

La droite hexagonale souffre du syndrome Trump. Ce n’est pas une maladie rare, chez les réactionnaires. Il s’agit d’un trouble langagier assez simple : plus c’est gros, plus c’est rétrograde, et plus ça passe. Seul Alain Juppé, pour l’instant, se tient à l’écart de la tendance, lui qui a fait de la modération gaulliste sa marque de fabrique. Au plus bas dans les sondages, François Fillon, lui, joue son va-tout, avec un petit torchon qui vient de paraître aux éditions Albin Michel, « Faire ». Tout y passe.

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Jean-Patrick Clech

Pour ceux qui ne le sauraient pas, depuis trois ans qu’il a quitté Matignon, Fillon arpente la France, « sans caméra, avec humilité et discrétion ». Le diagnostic qu’il en tire c’est que « la France n’est pas fichue » (ouf !), que le territoire regorge de « talents formidables [et] d’énergies exceptionnelles » (bien !). Le problème ? « Ces talents, ces énergies sont bridés par une absence de liberté ». Ah !

Fillon, qui n’est pas un fin littérateur et manie la répétition comme d’autres le mauvais tweet, est aussi adepte des formules-choc à mi-chemin entre la langue de bois et le poncif droitier : « la liberté est une rupture ». Sur ce thème du « sarkozysme maintenu », l’ancien premier ministre fait la revue de toutes les entraves et de toutes les chaînes qu’il veut briser, car « il faut avoir le courage de dire que l’excès de protection depuis trente ans conduit aujourd’hui à la paupérisation » du pays. On dirait du Macron dans le texte. À moins que les deux aient le même nègre. Ou qu’alors, à force de se singer les uns les autres, les politiciens de gauche comme de droite répètent les mêmes âneries éculées.

À propos d’âneries, donc, Fillon en propose quelques-unes : abrogation de la durée légale du travail qui serait désormais négociée dans les entreprises avec un plafond de 48 heures hebdomadaires, soit la limite fixée par l’Organisation Internationale du Travail, passage des fonctionnaires aux 39 heures, recul de l’âge de la retraite à 65 ans, dégressivité de l’assurance chômage limitée à 75% du salaire et non 90%. Voici quelques-unes des perles de ce « Que faire » résolument à droite que Fillon présente comme un « programme radical ». On l’aura compris.

Mais là où Fillon bat tous les records, c’est sur la question de « l’immigration », une question vis-à-vis de laquelle il ne s’embarrasse d’aucune fioriture. Il aurait même plutôt tendance à tout mélanger. Il s’en explique dans la dernière édition du Journal du Dimanche. Il faudrait, selon Fillon, faire « sauter le tabou des statistiques ethniques » « si on veut vraiment piloter la politique d’immigration, comme [il] le préconise, permettre au Parlement de fixer chaque année le nombre de personnes que la France peut accueillir, ne pas subir une immigration qui ne viendrait que d’une seule région du monde, qui serait déconnectée de nos besoins et de nos possibilités sociales, il faut avoir la possibilité de savoir qui on accueille, ce que ces personnes deviennent, comment elles s’intègrent. Pour cela, il faut des statistiques ethniques ».

La ficelle est grosse comme un fil de fer barbelé tendu à la frontière hongroise. Quel serait le lien entre les statistiques ethniques qu’il y aurait à mettre en œuvre en France et les besoins de l’économie ? À moins de laisser penser que les Noirs font de bons éboueurs et les Blancs de bons ingénieurs ? Qu’importe. Fillon se dit catholique, fier de l’être, consacre un passage à sa foi, et c’est bien suffisant pour le chapitre « charité bien ordonnée… ».

Le principal problème, c’est qu’à force de filer le train à l’extrême droite, alors que la « gauche » de gouvernement singe le « programme radical » préconisé par la droite, c’est aussi une banalisation complète des idées les plus abjectes qui est distillée au quotidien. Et que l’Élysée ne vienne pas, après, critiquer Viktor Orban et ses sbires. Ils ne font que mener, conséquemment, la politique que la droite (et la gauche) défend ici. Un sérieux avertissement pour notre camp social et pour une extrême gauche qui se devrait d’être, à minima, tout aussi radicale, sur un terrain de classe et internationaliste, que ces sinistres personnages.


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