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Nos vies, pas leurs profits

Amérique Latine : mobilisation internationale des livreurs

Des livreurs de différentes entreprises au Brésil ont lancé une grève le 1er juillet, suivie par d’autres pays d’Amérique Latine, tels que l’Argentine, le Chili, le Mexique, le Guatemala et l’Équateur. C’est un message fort des travailleurs, en majorité jeunes et noirs, contre la précarisation du travail et ce que représente l’uberisation.

Tatiana Magnani

2 juillet 2020

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Par l’initiative de livreurs brésiliens de différents entreprises, telles que UberEats, Rappi et iFood, le 1er juillet a été le point de départ pour une mobilisation nationale des travailleurs de la livraison. Esquerda Diário, média frère de Révolution Permanente au Brésil, a organisé un meeting ayant pour but de faire de ce jour de mobilisation nationale un mouvement international. Parmi les participants, des membres des principaux groupes de livreurs brésiliens tels que Entregadores Antifascistas (Livreurs Antifascistes) et Treta no Trampo, ainsi que des Argentins, Chiliens, Mexicains, Guatémaltèques et équatoriens, se sont mis d’accord d’internationaliser la mobilisation et construire des liens avec d’autres secteurs du mouvement ouvrier.

« Travailler la faim au ventre, en transportant de la nourriture sur son dos, c’est de la torture », disait un des membres de Livreurs Antifascistes. Le taux de chômage avoisinant les 13% au premier trimestre de 2020, les attaques du gouvernement à travers la réforme des retraites et la réforme du travail (et, par conséquent, la flexibilisation du travail) a fait augmenter le nombre des travailleurs dans le secteur informel pendant la pandémie. Et, avec la crise économique, ces soit disant « auto-entrepreneurs » qui sont payés au kilomètre et en moyenne 992 reais (161 euros), un peu moins que le salaire minimum brésilien, et en travaillant plus de 12 heures par jour sans aucun droit de travail, peuvent même être bloqués par l’application et licenciés du jour au lendemain.

Manifestation à São Paulo

La manifestation a été très réussie, arrivant à briser le black-out médiatique, et en rassemblant plus de 1000 travailleurs de la livraison rien qu’à São Paulo. La mobilisation a pu lever le voile sur ces travailleurs essentiels, dont font partie également les professionnels de santé en première ligne contre le covid-19, qui ne disposaient pas de matériels de protection et étaient systématiquement exposés au virus. L’illusion de l’auto-entrepreneuriat est également brisée, les chiffres d’affaires pendant la pandémie des entreprises de livraison n’ayant cessé de grimper (avec une augmentation de plus de 30 % de la demande), tandis que les travailleurs ont vu la rémunération par livraison diminuer.

Les principales revendications sont l’augmentation de la rémunération minimum par livraison et par kilomètre, la fin du blocage des travailleurs sur les applications (les travailleurs qui revendiquaient des droits étaient mis à pied et bloqués sans aucune explication), une indemnisation en cas de vol et accident du travail, la distribution de matériel de protection et l’instauration de congés maladie.

Ces revendications, pourtant basiques, de la mobilisation des travailleurs uberisés met à nu ce nouveau prolétariat précaire, souvent jeune et racisé, soumis au platform labour (pour des entreprises mettant en relation l’offre et la demande sur les plateformes numériques, et qui géolocalisent et notent leurs employés). Ils sont réduits à être des autoentrepreneurs subordonnés, n’ayant aucune garantie sur leurs salaires, leurs droits au travail ou même sur leurs horaires, pour subvenir à leurs besoins. La pointe de l’iceberg du néolibéralisme, poussé à ses limites avec l’accélération de la crise économique sous la pandémie.

À Minas Gerais, les travailleurs entonnaient « le travailleur uni ne sera jamais vaincu »

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À La Plata, les travailleurs de livraison se sont solidarisés avec ceux du Brésil : « On est ici parce qu’on en a marre et on est en colère, parce que les entreprises de livraison comme Rappi, Glovo et Pedido Ya nous rendent encore plus précaires, nous forçant à laisser nos vies dans la rue » et a dénoncé « Il y a quelques jours, un de nos camarades à Cordoba est mort écrasé par une voiture, ils nous exposent à la contagion au milieu de la pandémie, nous n’avons même pas le droit aux congés de maladie. »

Le 1er juillet a été une forte démonstration des travailleurs précarisés contre la propagande capitaliste sur le travailleur « entrepreneur », avec un fort discours de classe, beaucoup d’entre eux reprenant le slogan « nos vies valent plus que leurs profits » et « Black Lives Matter », en déployant un drapeau « motoboys contre la précarisation » et contre Bolsonaro et son programme. Les travailleurs des applications ont pu compter également sur le soutien de différents secteurs, comme les professeurs, ainsi que des étudiants et livreurs d’autres pays. Ils ont montré que, face à cette pandémie et la crise économique, l’issue dépend de l’unité de la classe ouvrière contre la précarisation du travail et contre toutes les attaques envers notre camp social.


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