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Nouvelle brèche ?

Alliance Collomb-LR à Lyon : nouvelle déflagration au sein du macronisme

Ce jeudi 28 mai, l’ex-ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, prend la parole aux côtés de ses nouveaux alliés, et annonce son alliance avec LR. En cédant, la tête de liste à François-Noël Buffet, l’ancien du PS qui avait été l’un de ceux qui avaient aidé à faire émerger Macron politiquement et à lui faire remporter la présidentielle soulève une vague d’indignation au sein de LREM. Après l’émergence d’une aile gauche, bientôt celle d’une aile droite ?

Tyshka Rostov

29 mai 2020

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Crédits photo : AFP/Archives 2016

Après avoir régné presque 20 ans sur Lyon, et après un échec cuisant lors du premier tour des élections face aux Verts ; Gérard Collomb à juger plus sage de céder le trône de la métropole à LR. Voyant qu’il ne gagnerait pas par lui-même la première place, il annonce ce jeudi, à la grande surprise du monde politique, son alliance avec LR pour les élections de la métropole. Alliance confirmée par suite de son rendez-vous avec Laurent Wauquiez, incarnation de la droite traditionnelle, qui lui a donné sa bénédiction.

Cet arrangement se fait sur un échange de bons procédés entre la métropole et la commune. En effet la ville de Lyon fait l’objet d’un scrutin inédit qui différencie la ville de la métropole, ayant donc deux élections distinctes, donc deux premières places à attribuer. Ainsi si d’un côté, Gérard Collomb s’efface donc de la métropole, et laisse la place au candidat LR François-Noël Buffet, de l’autre, il obtient qu’Étienne Blanc, candidat de droite pour les municipales, se retire de la course pour laisser la place à Yann Cucherat, le poulain de Gérard Collomb. Ainsi, si l’accord lui reste défavorable, l’ex-ministre montre qu’il n’a pas l’intention de lâcher le navire, et malgré l’odeur de fin de règne qu’il sent venir, il sait où placer ses pions pour continuer d’avoir un œil et une main sur la ville de Lyon.

Gérard Collomb, macroniste de la première heure, qui a fait partie des premiers soutiens actifs à Emmanuel Macron lors de la campagne de 2017 ; a ainsi surpris tout son monde et se montre une nouvelle fois « précurseur » en macronie.
Si l’ancien ministre PS avait ouvert la voie au projet macroniste cherchant à dépasser le clivage gauche-droite sur les débris du Parti Socialiste et la débâcle de LR, il ouvre cette fois la voie à une alliance inédite avec la droite traditionnelle que le macronisme était censé dépassé cherchant notamment autour des dernières européennes à incarner le « parti de l’ordre » pour consolider la base sociale du fillonisme. Mais comment en est-on arrivé là ?

Une bouée de sauvetage de dernière minute qui sauve les intérêts individuels des barons de Lyon

Collomb subit un échec cuisant le 15 mars, lors du premier tour des élections. EELV (Europe Ecologie les Verts) est arrivé loin devant en tête du premier tour. Il est évident que cette perspective de se faire battre par les Verts est à l’origine de cette décision hâtive. L’angoisse de perdre la mainmise sur la ville qu’il a gouverné pendant près de 20 ans a pris le pas ouvrant la voie à une alliance à priori « contre-nature ». Ainsi Collomb s’assure avec cet échange de bons procédés, un candidat municipal proche de lui ; mais se laisse aussi la chance et la possibilité de remplacer Wauquiez à la présidence de la région au cas où ce dernier se consacrerait à la campagne pour 2022. Voilà comment l’ex-ministre a placé ses pions pour s’assurer une fin de règne en douceur.

Des manœuvres d’appareils illustrant s’il le fallait encore que dans des circonstances politiques qui implique la survie politique où d’aide mutuelle, LR et LREM savent se fondre. Incapables d’avouer leurs manœuvres, et leur opportunisme pour servir leurs intérêts d’appareils ; ils justifient cette alliance électoraliste par la dangerosité de la crise du coronavirus. En effet, Buffet invoque la nécessité de « se réunir » pour faire face à « la crise extraordinaire du Covid ». Collomb défend aussi cette position quand il dit « Mais aujourd’hui, nous voulons une union pour affronter la crise qui s’annonce et permettre la reconstruction de Lyon ». Cette alliance n’existe pourtant bel et bien que pour « faire barrage » à la potentielle réussite des Verts. On perçoit l’ironie de cette volonté de faire barrage aux Verts en faisant fusion.

Mais dans les faits, cette alliance de Collomb avec la droite traditionnelle n’est en aucun cas « contre-nature ». On l’avait déjà aperçu sur une photo aux côtés de militants de « La Manif pour Tous », on se souvient aussi de ses propos scandaleux sur le port du voile, de la violente et liberticide loi asile et immigration dont il est à l’origine, cherchant ainsi toujours à ratisser toujours plus réactionnaire.

Une nouvelle brèche au sein du macronisme ?

Le fait que Gérard Collomb, un des piliers fondateurs de LREM, s’allie avec l’ancien monde de Wauquiez, pourrait ouvrir une nouvelle étape dans l’état de décomposition dans lequel se situe le macronisme. Collomb revendique d’ailleurs presque avec fierté le fait de n’avoir pas consulté Emmanuel Macron dans cette décision, et d’être indépendant politiquement. Les réactions catégoriques et intransigeantes des élus LREM, montrent à quel point il y a une pression énorme dans le parti présidentiel, avec un enjeu à ne pas paraître décomposé.

« En choisissant de s’allier avec Les Républicains avec la bénédiction [du président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes] Laurent Wauquiez plutôt que d’œuvrer au rassemblement de notre famille politique, Gérard Collomb franchit une ligne rouge. Je ne peux cautionner un tel accord politique », a estimé le patron de LRM, Stanislas Guerini, dans un communiqué rédigé par ses soins où il exprime sa colère. Le député LREM Jean-Louis Touraine a, lui, dénoncé « l’effondrement des valeurs » du maire sortant.

L’ancien dauphin LREM de Collomb, David Kimefeld, se sent aussi outré, puisque c’est lui que remplacera potentiellement Buffet : « C’est un accord entre Collomb et Wauquiez, une alliance contre nature, qui prend la crise actuelle comme alibi, au mépris des électeurs ». Gérard Collomb l’avait placé à la présidence de la métropole, qu’il dirige depuis 2017, avant qu’ils ne se disputent pour d’autres raisons électorales.

Mais encore là, les avis ne sont pas unanimes. Bruno Bonnell, le député LREM du Rhône. Pour lui, qui reconnaît avoir été surpris comme tout le monde, l’initiative de Gérard Collomb relèverait du chant du cygne. « J’ai été le premier à dire qu’il fallait un accord entre Collomb et Kimelfeld. Ce dernier a refusé… Or, la métropole va avoir besoin d’une majorité de projet pour se reconstruire comme la France en a eu besoin après les grandes guerres », précise le député. Avant d’ajouter carrément que Collomb avec cette démarche est à "l’avant-garde de la macronie"

Au-delà de l’alliance locale entre Collomb et Wauquiez, c’est une vraie problématique plus générale qui se pose pour le parti de Macron. Le même débat se pose dans le Ve arrondissement de Paris, où la candidate LREM et maire actuelle Florence Berthout a négocié une fusion avec la candidate LR qui lui faisait de l’ombre. Cette décision faisait déjà grincer des dents chez toutes l’aile gauche de LREM, qui brandissait les mêmes mots : le refus de franchir cette « ligne rouge ». Des brèches sont en train de s’ouvrir alors sur la gauche de la République en Marche. Ces processus d’alliance et de fusion rend le parti présidentiel chancelant. LREM est de plus en plus affaibli, d’autant qu’il n’a plus aucun candidat officiel pour les municipales. C’est le résultat d’un parti qui s’est construit « ni à gauche ni à droite », et qui s’est laissé guidé par les politiques néo-libérales à appliquer à tout prix.

Après avoir perdu sa majorité parlementaire avec l’émergence d’une aile gauche, les contradictions du macronisme pourraient bien encore s’approfondir. Quand on s’allie avec l’« ancien monde », c’est bien que le « nouveau monde » semble désormais un bien lointain souvenir.


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