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Algérie. Khaled Drareni, journaliste « pro-hirak » condamné à 3 ans de prison ferme

Ce mardi 10 août, la justice algérienne condamnait le journaliste Khaled Drareni à trois ans de prison ferme, après déjà cinq mois derrière les barreaux, pour avoir couvert une manifestation du « Hirak » le 7 mars dernier, interdite pour cause de Covid.

Agathe H.

24 août 2020

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« Incitation à attroupement non armé » et « atteinte à l’intégrité du territoire national », voilà les chefs d’accusations à l’origine de la répression brutale qui s’abat sur Khaled Drareni. Ce journaliste indépendant, fondateur de Casbah Tribune, impliqué dans le mouvement de contestation populaire en Algérie, le « Hirak » en marche depuis le 22 février 2019, contre le régime au pouvoir, et qui est aujourd’hui condamné à 3 ans de prison ferme par la justice algérienne.

 

Le système algérien au bord de l’implosion depuis plus d’un an

La manifestation du 7 mars dernier, interdite par les autorités pour cause de Covid, à été à l’origine de sa mise en détention. Le pouvoir algérien se servant de l’argument sanitaire pour étouffer la révolte populaire qui s’exprimait depuis plus d’un an dans les rues et réprimer les militants et journalistes « pro-hirak ».

En effet, depuis l’annonce officielle de la candidature de Bouteflika pour un 5ème mandat en février 2019, les masses algériennes, avec la jeunesse à l’avant garde, ont rempli les rues contre la classe politique algérienne, symbole de l’anti-démocratisme et de l’autocratie. Poussant Bouteflika à la démission le 2 avril 2019, puis faisant face à la rude répression menée contre le mouvement par Gaïd Salah, chef de l’État major et successeur de Bouteflika, réussissant à repousser à deux fois les élections présidentielles par la pression de la rue avec le mot d’ordre « système dégage ». De plus, les élections du 12 décembre 2019 avait fait émerger, dans une Algérie en profonde crise politique sociale et économique, Abdelmajid Tebboune comme nouveau chef de l’État. Ancien ministre sous Bouteflika, élu avec un taux de participation de 8% lors d’une journée de manifestations et de grèves massives, ce pilier de la corruption du régime a très vite était adoubé par le chef de l’État Français, qui l’appelait alors à «  engager un dialogue avec le peuple  » alors que chacun de ces deux pays connaissait à ce moment même un épisode de lutte des classes historique.
Dans cette affaire, l’implication personnelle du chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, qui a condamné avant même son procès Khaled Drareni de « khbarji » (espion à la solde d’impérialismes étrangers) illustre une nouvelle fois, la volonté d’une reprise en main musclée par le pouvoir en place sur le mouvement de contestation, de ses militants et son expression médiatique.
L’accusation de « khbarji » est issue des liens du journaliste avec la chaîne télévision TV5Monde, co-détenue par des sociétés audiovisuelles françaises, Tebboune cherche à travers cette attaque à incarner une figure nationale, alors que dans un même temps, lui et ses prédécesseurs n’ont cessé de faire des cadeaux aux bourgeoisies impérialistes en rognant sur les acquis de la classe ouvrière et de la jeunesse algérienne. Le dernier exemple en date est la loi des finances 2020, adoptée le 3 juin dernier, prévoyant une baisse drastique des investissements dans les services publics, une remise en cause de la loi 49/51, qui empêchait à l’origine les capitaux privés d’investir à plus de 49% dans les actions des entreprises publiques, ce qui ouvre donc la voie aux multinationales dans la prédation de ce qui reste du service public algérien. De plus, concernant les hydrocarbures, principale ressource du territoire algérien, cette loi prévoit différents allégements fiscaux pour les investissements étrangers, véritable cadeau de plus à l’impérialisme, alors que l’entreprise pétrolière française Total est déjà en situation de quasi-monopole sur le marché algérien. 

Mais les liens entre la France et l’Algérie, cette dernière comme ancienne colonie française jusqu’en 1962, vont plus loin que la seule implication de la France dans la sphère financière. En effet, afin de garantir ses intérêts économiques en Algérie et de maintenir le régime en place, la France y exporte ses savoirs faire en terme de répression, comme dans le monde entier. L’Algérie comme ex-colonie est devenue un véritable laboratoire de l’armée française durant la guerre d’indépendance, certaines méthodes perdurent encore à l’heure actuelle. 

Malgré la situation de crise sanitaire qui a pendant quelques mois fait perdre en radicalité le Hirak, cette nouvelle attaque du pouvoir en place envers l’opposition et particulièrement les organes de presse dans lesquelles elle s’exprime, est à l’origine de nouveaux mouvements de contestation. 

Manifestation devant la maison de la presse à Alger, en soutien à Khaled Drareni

Surtout dans un contexte où le cas de Khaled Drareni n’est pas isolé. En effet, depuis février 2019, les actes de répression violente s’enchaînent. Le 28 février 2019, ce sont des dizaines de journalistes qui manifestait contre la censure du régime de Bouteflika qui ont été arrêtés et embarqués par la police. Ce fut aussi le cas de Karim Tabbou, militant et porte parole de l’Union démocratique et sociale qui fut emprisonné pendant plusieurs mois pour «  atteinte morale à l’armée  » et «  incitation à la violence  »à la suite de son implication dans la contestation du système algérien ou encore l’incarcération de Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des Travailleurs (PT), condamnée en septembre 2019 à 15 ans de prison ferme pour « atteinte à l’autorité de l’armée » et « complot contre l’autorité de l’État » avant d’être libéré en février dernier. Ces exemples de condamnation ne sont que la partie émergée de l’iceberg de la répression à l’encontre de celles et ceux qui veulent en finir avec ce système qui n’a que des crises à nous offrir.


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