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Interview avec un salarié d’Air France à Roissy, syndiqué CGT

Agent d’exploitation au sol chez Air France, un métier à haut risque

Propos recueillis par Flora Carpentier Révolution Permanente a interviewé A. à l’issue du rassemblement devant l’Assemblée nationale, ce jeudi. Cet agent d’exploitation au sol à Roissy parle des conditions de travail, extrêmement nocives pour la santé des travailleurs, ainsi que des risques du métier. C’est ce qui explique que les travailleurs soient d’autant plus remontés quand on les traite de voyous. A. est satisfait que le rassemblement ait mobilisé à la fois chez les personnels du sol et de bord, et a salué la présence des nombreuses délégations syndicales. Il regrette néanmoins que le rassemblement ait eu lieu dans un endroit confiné : « on aurait préféré qu’il y ait un effet de masse dans Paris, que les gens voient qu’il y a une action ».

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Tu fais partie du personnel au sol, en quoi consiste votre travail ?

Le responsable zone avion, c’est celui qui est responsable de décharger et charger un avion. Tout ce qui sort d’un avion, on contrôle. Tout ce qui rentre dans l’avion, on contrôle aussi. Ce ne sont pas que des bagages, il y a aussi des palettes, des marchandises dangereuses, etc. Si les gens savaient ce qu’il y a dans les soutes, ils ne prendraient plus l’avion. Quelle que soit la compagnie, il n’y a pas que des bagages, il y a des gens qui payent pour du fret. Il peut y avoir des matières dangereuses, radioactives même… Nous quand on travaille sous un avion on sécurise tout ça. On fait attention parce qu’on sait qu’il y a des vies humaines en jeu. C’est ça le transport aérien. Ça ne parle pas que de passagers et de bagages.

C’est un métier à haut risque ?

Oui. Il y a déjà eu des accidents, sur les anciens avions qui étaient à hélice, on a perdu des collègues dont la tête a été tranchée parce qu’on n’entendait pas les moteurs. Ou bien parce que l’agent n’a pas respecté la distance de sécurité et qu’il a été aspiré par la force d’aspiration du réacteur. On est briffés sur tout ça.

Alors c’est bien beau de parler de l’image d’Air France… Combien de fois j’ai entendu dire « oui mais tu travailles chez Air France, tu es bien ». Non, je ne suis pas bien. Comme toute société, on a des avantages. Chez EDF, il y a l’avantage de l’électricité, à la SNCF il y a l’avantage des transports, chez Air France il y a l’avantage des avions. Pas de problème avec ça. Mais il faut voir au bout du compte les dangers qu’il y a comme pour toute entreprise : un agent EDF peut s’électrocuter sur une ligne à haute tension. À la SNCF un gars peut se faire renverser, mourir sur une ligne ferroviaire. Chez Air France, on peut mourir aspiré par un réacteur d’avion.

Pareil sur les risques d’incendie, on est formés par des pompiers qui viennent tous les jours nous parler des risques d’explosion, par rapport au carburant, etc. On est très vigilants par rapport à tout ça. Alors nous dire qu’on est des voyous… pour un agent qui prend toutes ses responsabilités pour sécuriser un avion, faire attention aux marchandises dangereuses, au risque d’incendie, au risque sur les vies humaines, et à diriger son équipe au mieux pour qu’un avion soit sécurisé et arrive à destination… il faudrait m’expliquer le terme de voyou. Il y a un gros paradoxe, et je crois que le mécontentement est là.

Vous assumez des grosses responsabilités concernant la sécurité… la valorisation suit ?

Il faut savoir que dans certains domaines, nos métiers chez Air France ne sont pas reconnus par l’État. Ca concerne les employés d’exploitation au sol : les pistards comme les gens du cargo… ceux qu’on appelle des voyous. Ca veut dire que demain, un employé qui a plus de vingt ans d’ancienneté, s’il se retrouve à la rue, son expérience ne sert à rien, il n’a aucune valorisation auprès de Pôle Emploi.

Pourtant, on est en train de parler d’un mec qui est dit « responsable zone avion », qui a en charge la direction d’une équipe de six agents, doit contrôler la sécurité d’un vol pour ne pas avoir de « crash avion » parce que c’est le premier qui sera interpellé et aura des poursuites pénales. Ce sont des métiers très dangereux. On est formés par Air France quasiment tous les six mois pour ça ! Donc ce n’est pas rien, on a énormément de responsabilités. Un seul agent porte à lui seul la responsabilité de la vie de 1800 passagers par jour. Vous imaginez que si on ne fait pas attention à la sécurité d’un avion, c’est vraiment très grave.

Et votre santé est exposée par ces conditions de travail ?

Notre santé est mise en danger, c’est clair. Non seulement on manipule des matières radioactives, mais ne serait-ce qu’avec le carburant… on respire du carburant à longueur de journée. Si vous regardez l’indice de pollution sur le kérosène d’avion, c’est très grave. Nous on est exposé à ça au quotidien. Il y en a beaucoup qui ont des problèmes de santé, il y en a beaucoup qui partent à la retraite… et combien de collègues on a perdu un mois après ! Un mois après qu’ils soient partis à la retraite, on voit leur affiche, on apprend qu’ils sont décédés, beaucoup par maladie. Ils ne peuvent même pas profiter de leur retraite ! Je ne sais pas si on est considérés comme des matricules ou du bétail. Des cancers il y en a à répétition, des maladies qui se déclenchent chez des personnes en bonne santé, et on ne sait pas d’où ça vient ! Tout ça c’est parce qu’on est en contact avec des produits dangereux, du radioactif… et personne ne parle de ça.

Les produits dangereux, les matières radioactives… Tout ça doit être sécurisé pour éviter tout crash avion. Si on n’est pas là, ça peut être fait par des sous-traitants, mais ils n’ont pas les qualifications requises par la compagnie. Nous on est formés pour ça. On travaille avec des intérimaires qui viennent nous prêter main-forte, mais quand on voit comment ils travaillent, c’est alarmant, parce qu’ils ne sont pas formés. Et il y a énormément d’intérimaires. On supprime nos emplois pour embaucher énormément d’intérimaires. Alors non seulement notre charge de travail et notre responsabilité sont déjà lourdes, mais en plus de ça on doit suivre les intérimaires, faire attention à ce qu’ils font, ils ont accès aux machines, à beaucoup de choses…

Peux-tu nous parler du mécontentement qui s’exprime chez Air France ?

Les employés d’Air France expriment un fort mécontentement sur les conditions de travail. Tous les efforts qu’on a fournis n’ont pas été récompensés, c’est pour ça qu’aujourd’hui on fait entendre nos voix. Dire à un employé de faire des efforts, voir son salaire diminuer pendant que son patron s’augmente… ça ne marche pas. On parle à nos dirigeants et à nos patrons, on leur fait part de notre mal-être, mais ils n’en ont rien à foutre. Cette vidéo qui a été faite par une de nos collègues dans le « dôme », le bureau des cadres, où on voit les salariés en train de parler de leur mécontentement… Pendant ce temps-là ils sont tous regroupés de dos. C’est un manque de respect, ils sont de dos et ils en rigolent, ils s’en moquent. Ça nous a vraiment mis en colère.

Personne ne manifeste pour le plaisir. On est là pour exposer notre mécontentement. Air France c’est une grande société nationale. Quand on entend notre président dire qu’Air France n’est pas la France, ça nous fait mal au cœur. Pourquoi ? Parce qu’il y a une chemise déchirée ? Je lui en achète dix des chemises H&M s’il veut à monsieur le cadre. Mais quand on lui parle et qu’on essaye d’avoir un dialogue, il ne faut pas qu’il fasse le sourd-muet. Ce n’est pas seulement un salarié qui vient lui parler, c’est un délégué élu par plus de mille salariés. Donc ça veut dire qu’il y a mille voix derrière lui qui lui font part de ce mécontentement.


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