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Remettre en question l'impunité ?

Affaire Polanski : aller plus loin que le boycott

Récemment, un groupe de militantes féministes a empêché la projection du dernier film de Polanski. L'action a été un succès et a remis la question de l'impunité des hommes puissants dans toutes les têtes et toutes les discussions. Il est maintenant plus que temps de s'organiser collectivement pour répondre aux attaques structurelles du patriarcat.

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Comme nous l’écrivions hier, l’impunité des hommes de pouvoir comme Polanski, qui abusent de leur position pour violer et agresser des filles et des femmes, ne passe plus auprès de toute une génération. L’action réussie d’annulation de la première de son film par un groupe de militantes féministes a été l’expression de cette tendance.

La campagne « Boycott Polanski » est une campagne qui s’inscrit dans une colère grandissante, notamment chez les jeunes femmes qui se politisent au sujet la lutte contre les violences faites aux femmes et qui s’indignent des violences sexistes et sexuelles toujours si prégnantes dans toutes les sphères de la société.

Ce boycott et cette campagne s’attaquent aux crimes sexuels des puissants et en pointent du doigt l’impunité des hommes de pouvoirs. Pour autant, la lutte contre les violences sexuelles doit aller plus loin que la seule action de boycott et d’inciter les gens à ne pas aller voir son film. La question est moins celle de son film que celle de ce que le pouvoir lui permet de faire en toute impunité. La question de « séparer l’homme de l’artiste », utilisée pour discréditer cette campagne progressiste, est d’autant plus absurde quand l’artiste en question utilise le cinéma pour parler des affaires qui le concernent, comme il l’explique lui-même : « Dans cette histoire, j’ai retrouvé des moments que j’avais parfois vécu moi-même. Je peux voir la même détermination à nier les faits, et me condamner pour des choses que je n’ai pas faites. »

L’action de boycott permet de ne pas laisser passer sans rien dire le fait que des hommes de pouvoir accusés de viol poursuivent leur vie « comme si de rien n’était ». Elle a également permis de mettre toutes ces questions au cœur des débats publics. Cependant, il serait insuffisant de penser que l’on peut lutter efficacement contre le patriarcat en boycottant les œuvres de ceux qui en sont l’incarnation la plus éminente. Marlène Schiappa elle-même n’hésite d’ailleurs pas à dire qu’elle n’ira pas voir le film et qu’il faut laisser la justice juger de cette affaire.

Comme pour l’affaire Adèle Haenel, le gouvernement sait très bien que les femmes victimes de violences n’ont pas d’autres solutions que de recourir à la justice une fois les faits commis. Or, comme l’écrit Andrea d’Atri, du collectif féministe Du Pain et des Roses – Révolution Permanente : « Judiciariser l’oppression patriarcale a restreint sa définition, limitant les portées de la punition à une série de conduites incriminées aux quelques individus rendus responsables, isolément ». En réalité, la violence patriarcale n’est pas une responsabilité indiviuelle. La violence patriarcale est systémique et structurelle. Les violences sexuelles ne sont pas produites par des « dérangés » isolés mais sont le produit d’un système dans lequel la culture du viol est inculquée dès le plus jeune âge.

Face à un problème qui est de l’ordre du système, notre réponse ne peut pas se faire uniquement à l’échelle indiviuelle ou à des échelles partielles comme l’empêchement de la diffusion d’un film. Il s’agit de s’attaquer à la racine du problème, au système qui leur donne du pouvoir, les légitime et légitime leurs crimes. Aujourd’hui en France, c’est toute une génération qui est en train de se politiser sur les questions de genre, qui relève la tête et refuse de se taire face aux violences sexistes et sexuelles et à l’oppression. Cette colère, cette injustice et ce sentiment qu’ « il faut faire quelque chose » contre l’oppression patriarcale traverse aujourd’hui de nombreuses femmes et doit nourrir une perspective de lutte plus large.

Il est légitime de mener une campagne pour que les crimes sexuels de Polanski ne restent pas impunis, qu’il soit reconnu comme étant coupable. Il est nécessaire de dénoncer la complicité et la responsabilité de la justice et des gouvernements. Mais cela doit également s’accompagner d’une compréhension claire du système qui nous opprime, afin d’adopter une stratégie à même de le renverser.

A l’heure où des explosions insurrectionnelles naissent un peu partout dans le monde, on voit dans de nombreux pays, notamment au Chili, que les femmes sont en première ligne de bataille des secteurs qui font trembler le gouvernement. Dans les pays comme l’Argentine, suite à quatre ans de mobilisations croissantes, le féminisme et le mouvement des femmes ont confirmé être un acteur politique, un canal d’expression du mécontentement social et de dénonciation des signes de dégradation des démocraties capitalistes : les inégalités, la précarité, les violences sexistes et sexuelles, etc. Les exemples des femmes qui se battent contre ce système dans son ensemble qui nous opprime et nous exploite doivent nous inspirer pour que nous aussi, nous nous organisions et que nous préparions le combat contre Macron, son monde et tout ce système capitaliste et patriarcal.


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