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Il va y avoir du sport...

A la veille de l’Euro, un seul mot d’ordre pour la police : répression

FD #PolicePasPrête c’est le hashtag qui circule ces derniers jours sur Twitter pour évoquer la préparation des forces de l’ordre avant l’Euro de football qui démarre ce vendredi. Si ce hashtag est la plupart du temps accompagné d’une photo d’hooligans au crâne rasé, à la musculature fortement développée et aux idées d’extrême-droite, il pose la question de la gestion de cet événement sportif par les forces de l’ordre.

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Laissons de côté ces énergumènes nationalistes se servant du football comme prétexte pour se battre, comme à Marseille où hooligans anglais et russes se sont donné rendez-vous le 11 juin. Intéressons-nous plutôt à la majorité des supporters, ceux pour qui l’Euro est avant tout une fête. Ils seront entre 7 et 8 millions de supporters venus de toute l’Europe, certains munis du précieux sésame leur donnant accès au stade, et d’autres venus simplement pour profiter de l’atmosphère de la compétition au sein des bars et autres fan-zones.
90 000 policiers, militaires, agents de sécurités français et étrangers sont mobilisés pour l’Euro. Ce dispositif draconien répond selon Bernard Cazeneuve aux menaces d’attentats, l’Euro 2016 a d’ailleurs servi de prétexte à la prolongation de l’état d’urgence. Cependant, les attentats de janvier et novembre ne doivent pas servir d’épouvantail face à la politique française de gestion des supporters. Bien avant ces tragiques événements, la répression régnait déjà.
En mars 2014, je me suis moi-même rendu à Lille pour assister à la rencontre opposant le LOSC au FC Nantes. Arrivé depuis Nantes avec des amis, j’ai découvert le nouveau stade de Lille construit spécialement pour l’Euro 2016, doté d’un toit dernier cri, d’une ambiance aseptisée, de places aux prix exorbitants et surtout d’une sécurité ultra-renforcée. Après avoir été guidé vers les sous-sols du stade, j’ai sagement fait la queue pour acheter ma place. Quelle n’a pas été ma surprise lorsqu’un policier est passé à côté de moi et a ordonné à son chien de me sauter dessus afin de me renifler. Devant les interrogations des supporters, on nous a simplement rétorqué : « on est en mode Euro 2016, on se prépare  ». Pris entre l’envie de rire ou de pleurer en imaginant des milliers de supporters de toute l’Europe subir ce traitement, je me suis ensuite dirigé vers la tribune. Après de nombreux escaliers, une dernière étape s’imposait avant de pouvoir intégrer la tribune. Un stadier m’a fouillé s’excusant presque de l’organisation déplorable, j’ai dû ensuite passer à travers un détecteur de fumigènes muni d’un tourniquet pour finalement me trouver face à plusieurs CRS. L’un d’entre eux m’a ordonné de lever les bras pour me fouiller (chose qui avait déjà été faite par le stadier) puis a exigé que je mette les mains contre un mur afin de prolonger la fouille. Après avoir soigneusement inspecté mon baume à lèvres et jugé (après une longue réflexion) qu’il n’était pas dangereux, j’ai enfin été autorisé à rejoindre ma place. Ont pris place dans la tribune, environ 500 supporters nantais, des ultras côtoyant de simples groupes de supporters, des indépendants, des familles et … des CRS ! En effet, le fait d’être filmé durant toute la rencontre par des membres de la SIR (Section d’intervention rapide : des CRS en survêtements bleus pour résumer) ne suffisant pas, des CRS ont pris place dans la tribune. Le principal groupe de supporters nantais est lui entré en tribune 15 minutes après le coup d’envoi étant donné la lenteur du dispositif de sécurité et ayant vu la majorité de son matériel lui servant à animer la tribune confisquée.
Ce récit n’a rien d’exceptionnel, et, est au contraire très révélateur, depuis que la France a été désignée comme pays hôte de l’Euro 2016, le ministère de l’intérieur et les instances du football ont sonné le branle-bas de combat, objectif : des tribunes sécurisées vidées de tout supporter revendiquant le droit de brandir un fumigène. C’est tellement mieux un spectateur acceptant de payer sa place 40 euros, son sandwich et sa boisson 10 euros, qui s’assoit et qui ferme sa gueule. Depuis, la répression des supporters augmente sans cesse. L’année suivante, les supporters nantais ont été interdits de déplacement à Lille. Les supporters de tous les clubs sont concernés de la Ligue 1 à la CFA2 (5e division). La Division Nationale contre Le Hooliganisme (DNLH) a été créée dès 2009, chargée officiellement de lutter contre le hooliganisme, un phénomène fortement minoritaire en France. Cette instance dirigée par le commissaire Antoine Bouthonnet cherche en réalité à faire la chasse aux plus fervents supporters. La DNLH symbolise parfaitement la politique française de gestion des supporters qui pourrait être résumée en un mot : répression. Les cas de violences aveugles des forces de l’ordre la saison dernière sont nombreux, par exemple, suite à une légère altercation entre deux supporters monégasques au stade Vélodrome, les CRS ont décidé de gazer l’ensemble de la tribune. Autre exemple, quelle n’a pas été la surprise des supporters lensois attaqués par les CRS à la descente de leur bus au Havre ! Les supporters servent de cobayes en matière de répression policière, la perte d’un œil par un manifestant à Rennes en avril dernier fait écho à l’attaque au flashball subie par les supporters bastiais à Reims en février, attaque durant laquelle un Bastiais a lui aussi été éborgné. Ce cas n’est pas unique, « Casti » - supporter montpelliérain ayant perdu lui aussi un œil – en témoigne ! Le policier a d’ailleurs été acquitté pour une soi-disant légitime défense. Les interdictions de manifestation qui fleurissent font sensiblement penser aux Interdictions Administratives de Stade (IAS), le principe est simple : condamner administrativement à une interdiction de stade avant de décider si la personne est coupable ou non. La plupart du temps, ces décisions sont cassées en justice mais seulement après que le supporter ait purgé sa peine !!

Face à cette politique ultra-répressive, les supporters ont décidé de s’organiser, l’ANS : Association Nationale des Supporters, a notamment été créée. Son but est de former une association représentative et légitime pour dialoguer avec les pouvoirs publics et garantir les libertés des supporters. Cependant, tout dialogue est vain si un des deux interlocuteurs s’y refuse. En effet, les instances du football font la sourde oreille et continuent leur politique répressive main dans la main avec les forces de l’ordre. Tout au long de la saison, de nombreux supporters ont tiré la sonnette d’alarme, expliquant qu’en continuant ainsi, la France en tant qu’organisatrice de l’Euro courrait à la catastrophe. Face à l’échec de sa politique répressive, la DNLH a pris une décision : augmenter encore la répression ! Résultat, la finale de la coupe de France qui avait lieu le 21 mai dernier au Stade de France opposant le PSG et l’OM et qui devait faire figure de grande répétition avant l’Euro a viré au cauchemar. Rapidement débordées à cause d’une organisation calamiteuse qui n’a tiré aucune leçon de ses échecs répétés, la « gestion » des supporters lors de ce match fut catastrophique.

Il faut espérer qu’aucun supporter ne sera blessé durant l’Euro, mais au regard de la « gestion » répressive des supporters français ces dernières années, le pessimisme l’emporte. Quoi qu’il arrive, on peut être sûr qu’en cas de problèmes entre forces de l’ordre et supporters, la faute en incombera forcément à ces derniers. Mise face à ses limites, la police n’aura qu’une réponse : renforcer la répression. D’ailleurs, la loi Larrivé (du nom du député Les Républicains de l’Yonne, Guillaume Larrivé) votée en février dernier renforce encore l’arsenal judiciaire contre les supporters. Ces derniers pourront être fichés. Encore une fois, ce n’est pas que du foot, les supporters d’abord, les manifestants ensuite, bientôt tous les opposants politiques ? « Pas de liberté, pas de dialogue, pas de juge indépendant, c’est Larrivé de la dictature », cette banderole déployée par les supporters stéphanois risque malheureusement de s’avérer prémonitoire.


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