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Opportunisme électoral

À la Sorbonne, Jadot mime la radicalité pour mieux vendre son projet de capitalisme vert

Lors d’une conférence présidentielle à l’université Paris 1, Yannick Jadot s’est adressé aux étudiants présents en revendiquant un « programme de rupture avec le système en place ». Mais derrière les anecdotes sur son passé de jeune écolo altermondialiste et ses envolées sur la légalisation du cannabis, le candidat EELV pour 2022 a une nouvelle fois montré qu’il est bel et bien le défenseur du capitalisme vert.

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Capture d’écran du live de l’association Débattre en Sorbonne

Ce lundi au centre René Cassin de Paris 1 Panthéon-Sorbonne avait lieu une conférence de Yannik Jadot à l’occasion d’un cycle sur les élections présidentielles organisé par des associations de l’université, dont entre autres Débattre en Sorbonne. Devant près de 300 étudiants, les organisateurs ont introduit le candidat EELV en grande pompe : « on vous accuse injustement d’être un écologiste de droite », et de finir « vous et moi on se prend un verre ? ».

Pendant près de deux heures, le candidat a répondu aux questions des associations sur les thèmes de l’économie, la jeunesse, la démocratie et l’écologie. Impatient de répondre à la première question d’un membre du staff lui reprochant de « défendre un modèle économique qui nous met sur la touche » et de ne pas honorer le mot d’ordre « fin du monde fin du mois, même combat »« Y a un moment où je vais parler ou bien ? » – Yannick Jadot a tenté de « lever quelques malentendus » sur son projet.

Lucide quant à son public probablement composé de jeunes manifestants pour la cause climatique, il a enchaîné son propos en expliquant qu’il n’est pas de ceux qui pensent « qu’un peu de technologie et de croissance verte ça suffira : mon écologie c’est celle qui change ce système, qui change de modèle économique en mettant au cœur de ce projet les plus fragiles qui sont au cœur des inégalités écologiques et sociales ».

Des propos qui contrastent avec ses interventions récentes – il expliquait aux patrons réunis à l’université du Medef défendre « le capitalisme européen et le modèle social européen, qui ne sont pas les modèles chinois ou américain » - mais aussi avec son programme libéral.

L’écologie au service des classes dominantes

Relatant ses faits d’armes en tant que jeune altermondialiste sensible à la cause écologique et aux conséquences de la mondialisation – « j’ai travaillé deux ans au Burkina Faso avec des paysans » – le candidat a expliqué à Paris 1 qu’il était impossible de trouver « une mesure économique et écologique qui ne soit pas une mesure sociale dans [son] programme ».

Une affirmation qui ne fait pas long feu au fact checking dès lors qu’un pilier de son programme repose sur l’augmentation de la taxe carbone, notamment pour les ménages. D’une part, le projet 2022 d’EELV prévoit en effet d’instaurer une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne et de relocaliser l’économie pour « préserver la compétitivité des entreprises européennes face au moins disant environnemental ». Une logique protectionniste primaire qui nie le rôle central des multinationales européennes dans l’émission de dioxyde de carbone dès lors que 27 multinationales françaises émettent par exemple 1.854,82 Mt CO2e, soit plus de quatre fois les émissions territoriales de la France, selon l’association Notre affaire à tous.

D’autre part, EELV compte bien augmenter le prix de l’essence pour les ménages, comme l’exprimait à plusieurs reprises Sandrine Rousseau désormais ralliée à Yannick Jadot. Si ce dernier s’est défendu lors de la conférence de porter exactement la même revendication – ne la trouvant pas suffisamment réaliste – force est de constater que cette mesure anti-sociale apparait dans le projet programmatique avec la nuance d’être accompagnée d’un « mécanisme redistributif vers les ménages les plus précaires » : autant d’imprécisions sur le montant et le champ d’application d’un tel mécanisme s’il était mis en place et ne permet pas d’évacuer l’essence punitive à l’encontre des pauvres d’une telle taxe.

Jadot président des jeunes ? Quand le candidat EELV fait du Macron

La question lui avait été posée d’entrée par un intervenant. Une analogie qui semble plaire au candidat, qui a choisi de se montrer proche de la jeunesse en faisant de la légalisation du cannabis une de ses revendications phare pour les moins de 25 ans. Demandant aux étudiants dans la salle qui avait déjà fumé du cannabis avant de lever la main également, Yannick Jadot se veut cool et en phase avec les aspirations des jeunes.

Pour autant, le programme du candidat est loin d’être conséquent sur ces dernières, notamment en matière de lutte contre la précarité étudiante. S’il a revendiqué la mise en place d’un revenu d’existence aux alentours de 900 euros pour les 18-25 ans, il est probable que le candidat ait été porté par son auditoire dès lors que si l’on s’en tient à ce qu’il inscrivait dans son projet officiel et expliquait lors de ses précédentes allocutions, EELV prévoit plutôt le versement du RSA – aux alentours de 565€ donc – aux jeunes. Un montant qui n’a donc rien à voir avec sa déclaration en conférence à Paris 1 et qui se place 57% en dessous de ce qu’il faut pour vivre décemment en tant qu’étudiant vivant dans la capitale selon une récente étude de l’UNEF.

De quoi laisser une grande marge d’incertitude pour les étudiants précaires, qui devraient continuer à travailler pour financer leurs études. Là encore, le programme de Yannick Jadot n’a rien d’anti-système. Pour lutter contre le chômage des jeunes diplômés, celui-ci prévoit la création de 30 000 emplois jeunes dans le secteur associatif. Outre la critique de la quantité – à titre de comparaison il y a 42 500 étudiants à Paris 1 cette année – cette proposition n’est rien d’autre qu’une politique de contrat précaire pour quelques jeunes. Et si le candidat veut se garder de proposer cette main d’œuvre peu couteuse aux entreprises en circonscrivant l’offre au secteur non-marchand et associatif, c’est finalement la création d’un service civique bis pour les jeunes diplômés que semble prévoir Yannick Jadot. Une mesure finalement très loin de résorber le chômage qui s’élève à près de 10% pour les jeunes ayant fait des études supérieures et près de 50% pour les non diplômés.

Immigration et racisme : le progressisme de façade de Yannick Jadot

Interrogé dans le cadre du thème « Crise de la démocratie » par un organisateur sur sa position sur l’immigration, Yannick Jadot a encore une fois voulu séduire l’auditoire en développant une position bien loin de celle de la réalité portée par son parti. Fustigeant Poutine et Lukachenko qui auraient été « effrayés par 3000, 4000 migrants afghans ou syriens », le candidat EELV a défendu l’accueil « en responsabilité et en dignité » de ce qu’il appelle des « survivants ». Cette intervention contraste avec l’expulsion par la mairie EELV de Bordeaux d’un squat accueillant 150 personnes dont une dizaine de familles réfugiées. En effet, alors que le maire Pierre Hurmic indiquait « souscrire entièrement aux trois missions de SOS Méditerranée : secourir les rescapés, les protéger, puis témoigner », il accompagnait dans le même temps l’expulsion du squat L’Éclaircie et votait contre une motion visant la fermeture du Centre de rétention administrative bordelais alors même que les CRA sont des établissements de détention particulièrement violents et insalubres créés sous le gouvernement de Chirac en 2002.

Mais plus profondément, Yannick Jadot se tient à l’écart de toutes revendications de libre circulation et de régularisation des sans-papiers, alors même qu’elles constituent la condition sine qua none de l’accueil digne que le candidat semble revendiquer devant les étudiants de Paris 1. De fait, l’année écoulée a montré une nouvelle fois l’essence criminelle des frontières. Non seulement lorsque des migrants sont morts noyés dans La Manche, mais aussi lorsque l’Etat pour expulser les personnes en « situation irrégulière » n’a cessé de réprimer les camps à Calais, Paris ou Place de la République. Ainsi, la praxis répressive du maire EELV de Bordeaux n’a rien de dissident mais est au contraire la conséquence d’une position officielle du parti que reprend Yannick Jadot malgré sa critique des méthodes de Lukachenko et Poutine. Plus encore, ce n’est pas anodin que le candidat ait insisté sur le chiffre de « 3 000 ou 4 000 afghans ou syriens » lors de la conférence : c’est une manière de ne pas avoir à discuter d’un accueil inconditionnel des migrants et de l’ouverture des frontières sans apparaitre plus à droite que son auditoire, sensible sur la question.

C’est cette même posture de façade qu’il arbore concernant le racisme, dont le programme sur cette question se résume à l’anonymisation des CV : de quoi contraster largement avec la remise en question de cette oppression comme faisant partie intégrante du système capitaliste par le mouvement Black Lives Matter auquel ont participé des centaines de milliers de jeunes. Interpelé sur son soutien à Gérald Darmanin lors de l’envoie du raid et du GIGN mater la contestation en Guadeloupe, le candidat a d’ailleurs une nouvelle fois revendiqué le « maintien de l’ordre » face à la population se battant contre l’insalubrité des services publics, le chômage mais aussi le chlordécone ayant durablement pollué les eaux. En souhaitant justifier cette position au regard des « dégradations matérielles sur les biens » qui auraient eu lieu en Guadeloupe, Yannick Jadot mobilise directement l’argumentaire du gouvernement lorsque celui-ci réprimait le mouvement des Gilets Jaunes ou encore les mobilisations de jeunesse telles que les manifestations contre les Lois Sécurité Globale ou Séparatisme ou encore celles pour la Palestine. Ainsi, dans la continuité du quinquennat Macron, Yannick Jadot promet en pointillé de réprimer toute mobilisation remettant en question le gouvernement ou l’ordre établi s’il était élu : une réalité bien loin de ses envolées sur les luttes sociales et son combat pour changer le système du début de la conférence.

Anasse Kazib, une candidature résolument révolutionnaire pour les jeunes et les travailleurs

Autrement dit, derrière un discours rougi et opportuniste à l’occasion d’une conférence devant des étudiants de Paris 1, Yannick Jadot est un pur défenseur du capitalisme vert impliquant nécessairement par-là toujours plus de précarisation des jeunes. Face aux attaques à répétition sur l’université publique, l’augmentation du chômage chez les jeunes et l’aggravation des symptômes de dépression chez les moins de 25 ans il est urgent d’opposer à toutes les nuances du capitalisme et ceux qui instrumentalisent les luttes de la jeunesse à des fins électoralistes un programme de rupture avec le projet libéral du gouvernement.

Un programme qui revendique un revenu étudiant à hauteur du SMIC financé par un impôt fortement progressif sur les grandes fortunes et le patronat, un programme qui revendique une université gratuite et sans sélection, un programme qui allie l’urgence climatique à la lutte anti-impérialiste contre le pillage des ressources et l’exploitation des populations par les multinationales. C’est en ce sens que la candidature d’Anasse Kazib, ouvrier de 34 ans issu de l’immigration, permet d’incarner un projet révolutionnaire en phase avec les aspirations légitimes d’une jeunesse en quête d’avenir et d’épanouissement.

Anasse Kazib sera en conférence à Paris 1 le 9 février à 19h30 en Sorbonne pour parler université publique, précarité de la jeunesse, offensive réactionnaire et projet de société avec les étudiants.


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