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Quand on touche à l'un d'entre nous...

A la RATP, la répression met le feu aux poudres : élus du personnel et soutiens envahissent la direction !

La direction de la RATP joue un jeu dangereux en s’attaquant aux élus du personnel à quelques semaines du 5 décembre. Il en fallait du cynisme pour menacer de révocation ceux qui défendent la sécurité de leurs collègues et des usagers en révélant l’état pitoyable dans lequel la RATP fait rouler ses bus. Mais les agents ne se sont pas laissés intimider et ont répondu par une mobilisation exemplaire.

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C’est une véritable « chasse aux sorcières » que décrivait un chauffeur de bus RATP dans nos colonnes en début de semaine, dans un article lu par plus de 25.000 lecteurs, preuve s’il en fallait que la répression des travailleurs combatifs ne passe pas. Ainsi les instances disciplinaires de la RATP avaient convoqué cette semaine 2 agents du dépôt de bus de Belliard dans le 18e, Hani Labidi mardi et Luc Walop jeudi, ainsi qu’Olivier Terriot mercredi au dépôt d’Asnières. Le 4e élu, menacé de révocation au même titre qu’Olivier, est Ahmed Berrahal, élu CGT RATP Bus convoqué le 12 novembre au dépôt de Flandre à Pantin, dont nous publiions la semaine dernière une interview ayant également provoqué l’indignation, avec près de 15.000 visites. Tous sont accusés des mêmes faits aberrants : avoir réalisé un contrôle de bus le 30 septembre dernier au dépôt de Belliard, dans le cadre de leurs prérogatives d’élus du personnel, ayant conduit à démontrer que 70% des bus n’étaient pas conformes aux règles de sécurité. La direction de la RATP, qui n’a semble-t-il pas apprécié que son mépris pour la sécurité de ses usagers soit mis sur la place publique, n’a pas trouvé mieux que de sauter sur l’occasion pour s’en prendre aux élus du personnel par ce qui n’est rien d’autre qu’une pure répression anti-syndicale.

Mais le jeu comporte des risques, et la direction de la régie s’est pris un sacré revers, tant l’indignation a été spontanée dans les rangs de la RATP et au-delà. Ainsi, les trois convocations ont été l’occasion de rassemblements de solidarité qui ont pris une toute autre tournure qu’un entretien disciplinaire. Par la force du nombre, les agents se sont invités dans les locaux pour prendre la défense de leurs collègues, face à des responsables faisant pâle figure et qui ont eu peine à argumenter, tant la manœuvre était grossière. Ainsi, la direction de la RATP a présenté un rapport d’huissier selon lequel les raisons invoquées par les élus pour immobiliser les bus n’étaient pas des « éléments de sécurité ».

Pour Ahmed Berrahal, «  le document est faux, on ne peut pas faire un rapport pour 3 personnes, ça ne tient pas la route. En plus ils ne donnent pas les horaires de contrôle ni les coquilles des bus contrôlés [numéros des bus], ils ne donnent aucune info !  ». Pour lui, « c’est une mascarade, ils se foutent de la gueule du monde ! Ils ciblent directement les élus, les plus fortes têtes, c’est tout ! Parce que d’ici le 5 décembre, s’ils arrivent à nous toucher c’est jackpot pour eux ! Mais je pense qu’il ne vont pas avoir le choix que de reculer, parce qu’on a maintenant la preuve, avec les documents qu’ils nous ont présenté qu’il n’y a rien qui tient la route dans leurs accusations. Quoi qu’il en soit ce qui est sûr c’est qu’on ne lâchera pas l’affaire de notre côté, on ne laissera pas passer cette situation qui est bien trop grave. On informe de la sécurité et en récompense on nous colle des rapports et presque des révocations ! Donc tout le monde se sent concerné, les collègues sont choqués qu’on me convoque, comme les militants des différentes organisations syndicales ».

Le même mobile répressif est pointé par Olivier Terriot, secrétaire CGT du CSE2 RATP, au cours du rassemblement pour le soutenir à Asnières : « Macron pensait avoir des élus dociles en mettant en place les CSE, pas de bol pour lui on arrive à l’utiliser et à montrer que la RATP n’a aucune considération pour les usagers ni les tiers. Si un bus perd ses freins ce ne sont pas que les usagers qui vont morfler. Ils vont des économies de bouts de chandelle, voilà ce que nous dénonçons les élus. Mais ce qui se passe aujourd’hui c’est aussi pour nous empêcher de réfléchir à ce qu’on doit faire demain. C’est comment ils essayent de faire peur aux agents en s’attaquant à leur propres élus. Mais le vrai combat c’est à partir du 5 décembre qu’il faudra le faire constater. A la RATP mais pas seulement. Parce que cette société est malade. Donc à partir du 5 décembre il faut qu’on soit tous en ordre de bataille ».

A Asnières, les sourires étaient au rendez-vous parmi les agents RATP venus en soutien des collègues réprimés, montrant que la peur n’était pas du côté où la direction de la RATP l’attendait. Les agents RATP ont même été rejoints par une quinzaine de postiers à vélo, ayant détourné leurs parcours pour venir soutenir leurs camarades, dans un moment émouvant de convergence.

Pour Brahim, postier ayant fait partie de la délégation, ce soutien allait de soit : « en 2016 on avait déjà fait des choses en commun. On avait bloqué leur dépôt de bus avec les postiers à 5h du matin parce qu’eux n’avaient pas la possibilité de bloquer leur propre dépôt, sous la menace des huissiers... et ça leur avait beaucoup plu qu’on vienne. Donc quand on a appris ce qu’il se passait pour Olivier et les autres, on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose, et comme on a appris la nouvelle du rassemblement la veille et qu’on n’a pas eu le temps de déposer un préavis de grève, on a décidé de faire cette action en parallèle du boulot, et on y est allés en vélo. Au début, ils ne pensaient pas que c’était pour Olivier, et quand ils ont entendu les slogans ils ont compris et se sont mis à applaudir, c’était un moment fort ». Brahim ajoute : « ce qui est dingue c’est que certains des collègues qui sont venus n’ont jamais fait grève, et pourtant à Asnières c’est rare, mais pour eux c’était naturel de venir soutenir des syndicalistes réprimés »

Une dizaine de gilets jaunes ainsi que la députée PCF des Hauts-de-Seine Elsa Faucillon avaient également fait le déplacement. « Cet élan est énorme, on ne s’attendait pas à tous ça », nous confie Ahmed avant de poursuivre : « les médias m’ont appelé, il y a France 2, la radio... ils n’ont jamais vu ça, qu’un élu puisse se faire sanctionner sur ses prérogatives pour la sécurité des usagers ».

Les élus démontrent des failles dans la sécurité incendie du bâtiment et obligent la direction à évacuer les locaux

Mais les élus RATP ne se sont pas arrêtés là. Ils ont tenu à appliquer leurs prérogatives à la lettre, en profitant des entretiens pour opérer un contrôle de routine de la sécurité des bâtiments. Le résultat a été éclatant : « On a trouvé des dysfonctionnements à Asnières comme à Belliard, explique Ahmed. Les alarmes incendies n’étaient pas conformes ou hors service. Donc j’ai dû intervenir sur la sécurité pour tout le centre, en démontrant que le bâtiment n’était pas sécurisé. A l’entretien disciplinaire de Luc à Belliard on a fait évacuer le bâtiment parce que l’alarme incendie n’était pas conforme. Et on a refait la même chose à Asnières pour la convocation d’Olivier... aucune alarme incendie ne fonctionnait, on a déposé un DGI (danger grave et imminent) et pour la sécurité de tout le monde ils ont été obligés d’évacuer toute la direction du bâtiment le temps de trouver le problème, ça a duré 2h30. Ça fait partie de nos prérogatives, c’est ça qui les rend dingues, ils savent la force qu’on a. Il faut avouer que le directeur avait la rage, ils ont été obligés de sortir dehors avec nous alors que tout le monde criait des slogans ». Un beau revers pour la direction de la RATP...

Photo : Les boîtiers d’alarme incendie défaillants ont été signalés au scotch par les élus

Les agents ont également manifesté leur soutien à leur collègue Ahmed en interpellant leur direction via Urban Web, la messagerie interne de la boîte. Messages restés pour l’heure sans réponse de la hiérarchie :

Le prochain rassemblement aura donc lieu mardi 12 septembre pour soutenir Ahmed Berrahal à 8H30 au Centre bus de Flandre, 168 avenue Jean Jaurès, 93500 Pantin, et même à partir de 5h dès l’heure de sortie des bus, pour les plus matinaux. Plusieurs secteurs ont déjà répondu présent et la détermination promet d’être à nouveau au rendez-vous.


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