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Tournée risquée

A La Réunion, Macron accueilli par les Gilets jaunes et un appel à la grève générale

En tournée depuis le 22 octobre dans l’Océan indien, Macron y fait deux escales risquées à Mayotte, puis à La Réunion. Alors que l’accueil de Mayotte a été plutôt froid, celui de La Réunion risque d’être beaucoup plus agité, sous le signe d’un appel à la grève générale lancé par tous les syndicats.

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Pourquoi Macron fait le tour de ses colonies

On le sait, Macron a les yeux rivés sur les élections présidentielles. Voilà plusieurs mois maintenant qu’il chasse sur les terres de Marine Le Pen, son probable challenger pour 2022. Une tournée dans les colonies d’outre-mer vise à redorer le blason d’un président en perte de vitesse et à accroître ses chances électorales. Les voyages dans les DOM-TOM sont en outre fréquemment utilisés par les chefs d’Etat pour adresser des messages « Urbi et Orbi ». C’est le sens que Macron cherche à donner à cette tournée qui n’est pas sans risques.

A Mayotte, sa volonté était nette : affirmer le pouvoir régalien en vue de l’acte II avec un discours sécuritaire et anti-migrants. Dès son arrivée, il a annoncé la couleur en assurant que « le premier objectif [de sa visite à Mayotte] est d’apporter des réponses extrêmement concrètes à ses difficultés ». Et de préciser que « plusieurs réponses avaient déjà été apportées ces derniers mois ». Une allusion directe à deux mesures prises récemment : la limitation du droit du sol à Mayotte et « l’opération Shikandra » destinée à renforcer la « sécurité » des côtes Mahoraises.

La première, modifie les conditions d’attribution de la nationalité française en ne permettant à un enfant né à Mayotte d’obtenir la nationalité que si au moins un de ses parents est en situation régulière 3 mois avant sa naissance. La seconde, doit permettre, comme l’a expliqué la ministre des Outre-mer de « relever durablement le défi migratoire à Mayotte » et d’empêcher les kwassas-kwassas d’accoster sur le sol mahorais. Objectif : 25 000 reconduites aux frontières en 2019. Et pour bien montrer son « engagement » le président s’est embarqué à bord d’un bateau de la PAF !

Une réponse tout sécuritaire et anti-migrants à la situation dramatique que la population de Mayotte a dénoncé par la grande grève générale de 2018 et continue à dénoncer aujourd’hui : saturation au sein des hôpitaux, des services publics déficients, des écoles où, faute de places, les enfants vont en cours par rotation. Une fois lancé son message réactionnaire contre les migrants, il s’est contenté, pour le reste, de donner à la population mahoraise une leçon de sagesse : il faut laisser le temps au temps. Rien d’étonnant à ce que son passage n’ait pas rassemblé les foules et n’ait pas suscité l’enthousiasme.

A La Réunion, on l’attend de pied ferme

L’enjeu à La Réunion est encore plus critique. Lorsqu’il a mis le pied mercredi en fin de journée sur le tarmac, un comité d’accueil de Gilets jaunes l’attendait sur un Rond-Point voisin, rappel du puissant mouvement « contre la vie chère et les inégalités sociales » qu’ils avaient engagé sur l’île, il y a un an jour pour jour. Des affrontements avec les forces de l’ordre ont d’ailleurs eu lieu au moment de l’arrivée de Macron. Les gaz lacrymogènes envoyés pour les disperser, sur des manifestants qui déclarent n’avoir commis aucun acte agressif ne sont certainement pas faits pour calmer le jeu face à une population dont les revendications, à ce jour, n’ont pas été satisfaites.

Aujourd’hui, non seulement les gilets jaunes sont encore là, mais tous les syndicats, reprenant leur mot d’ordre contre la vie chère et les inégalités sociales, lancent un appel à la grève générale. : « Emploi, salaires, vie chère, logement, services publics, dialogue social : tous les clignotants sont au rouge depuis longtemps à la Réunion. Emmanuel Macron est l’artisan des pires régressions sociales jamais imposées à notre pays ».

Malgré les promesses, les chiffres sont là, la souffrance au quotidien aussi. Loin de s’améliorer la situation est plutôt en train de s’aggraver. Sur près d’un million d’habitants que compte La Réunion, 40 % vivent en dessous du seuil de pauvreté et le taux de chômage est de 20%, 42% pour les jeunes. Par ailleurs, selon l’INSEE, le coût de la vie pour un budget moyen de ménage réunionnais est 7,1 % plus élevé que dans l’Hexagone, avec un revenu médian de 30% inférieur au niveau national.
Quant à l’inflation record de 1,8% en 2018, elle a encore augmenté de 0,6%.

Tout comme en « métropole », les mesures prises sous le gouvernement Macron, frappent de plein fouet. La disparition des contrats aidés a créé une grave crise de l’emploi et les carrières particulièrement précaires que connaissent les habitants de l’Ile les rendent particulièrement sensibles au principe de la retraite à points. Quant à la jeunesse, désormais dans le collimateur du nouvel avatar de la réforme, elle risque de voir son avenir complètement laminé.

Macron aura du mal à convaincre les réunionnais mobilisés

C’est donc dans un contexte très tendu que Macron a très vite pris la parole au Business Forum « Choose La Réunion ». Se saisissant du mot d’ordre contre la vie chère, il fait appel à l’initiative des investisseurs privés et, visant à asseoir la puissance française dans la concurrence mondiale, il les exhorte : « La vie chère, on y a longtemps répondu en mettant des aides. Je veux dire à tous nos compatriotes, la réponse elle est là dans cette salle. En aidant tous les chefs d’entreprise à travailler avec la région et accéder aux marchés de l’océan indien…"

Un projet qui à l’évidence sert les intérêts du capitalisme et du néo-colonialisme dans la région de l’océan indien. Macron ne s’en cache pas lorsqu’il déclare que « La Réunion est encore plus stratégique aujourd’hui qu’elle ne l’était hier…elle est en train de devenir le carrefour de demain sur le plan maritime, de la connectivité et elle le sera encore plus au niveau des ressources énergétiques et des trésors de ressources qu’elle possède ».

Autant dire que ce projet a peu de chances de susciter l’enthousiasme et de calmer la colère des Réunionnais que la répression de mercredi soir n’a pu qu’aiguiser. A moins que Macron ne sorte de son chapeau des mesures « surprise » qu’il a tenté d’annoncer, la réponse des gilets jaunes et des syndicats qui entendent bloquer l’île pendant son séjour pourrait bien préfigurer la journée du 5 décembre et une cristallisation du tous ensemble contre le gouvernement, en France et dans les territoires qui demeurent des colonies, pour mettre fin à ses attaques.


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