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Tribune libre

6 mythes sur les « privilégiés » de la SNCF, démentis par un cheminot

Comme avant chaque attaque les concernant, les cheminots subissent une véritable cabale médiatique, les montrant du doigt comme des nantis. Il convient alors de faire tomber quelques mythes alimentés par les mensonges ressassés en boucle par les chaînes de désinformation en continu et autres médias, qu’ils soient audiovisuels ou papiers.

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Crédit Photo : THOMAS SAMSON / AFP

Tout d’abord, qu’est-ce que le statut ?

Le statut, ce n’est ni plus ni moins que l’ancêtre des conventions collectives, appliqué à tous les travailleurs du rail à partir de 1920, conséquence de la loi du 25 mars 1919 et surtout de luttes acharnées. Les conventions collectives seront par la suite généralisées sous le front populaire, et surtout après la guerre. Le statut a évolué par étapes (comprenez : au fil des batailles) pour arriver à sa version actuelle. Il est divisé en 12 chapitres qui régissent le droit syndical, la rémunération, les délégués et représentants du personnel, le stage d’essai et l’admission au cadre permanent (en contrepartie de la garantie de ne pas être licencié pour raison économique, le stage d’essai peut aller d’un an pour les salariés à l’exécution jusqu’à 2 ans ½ pour les cadres), le déroulement de carrière, les différentes modalités de cessation de fonction (et oui, les cheminots au statut peuvent être licenciés dans certains cas), la mobilité géographique (qui précise qu’en cas de réorganisation de poste, elle peut être imposée à l’agent), l’échelle des sanctions (pouvant aller de l’avertissement à la révocation), les congés, et le régime spécial. Vous pouvez voir que ce statut « mythique » prévoit des contraintes et des avantages pour compenser ces contraintes. Il est équilibré et est le fruit d’un siècle de négociations qui ont tantôt apporté des avantages, tantôt des contraintes.

Alors qu’est-ce que les médias racontent ?

  •  1. L’emploi est-il garanti à vie ?

    Et bien pas tout à fait. Certes les cheminots au statut ne peuvent pas subir de plan social aboutissant à un plan de départ volontaire ou à un plan de sauvegarde de l’emploi (comprenez : licenciements massifs. Les capitalistes utilisent un vocabulaire antinomique pour ne pas nommer leurs actes abjects). Cependant il existe d’autres manières de virer un cheminot, et le patron ne se prive pas d’attaquer de nombreux délégués syndicaux (le hasard, bien sûr) sur des faits imaginaires, des accusations souvent même qui pourraient prêter à sourire s’il n’y avait pas des vies fichues en l’air derrière, pour les sanctionner (nous avons vu que la sanction peut aller jusqu’à la révocation). De plus, dans le contexte actuel, de nombreux cheminots démissionnent car les avantages compensent de moins en moins l’absence totale de vie de famille dans certains métiers, et la pression managériale est trop forte dans d’autres.

  •  2. Les cheminots sont plus payés que le reste des Français ?

    Oui et non. En comparant le salaire moyen des cheminots et le salaire moyen des Français, on s’aperçoit en effet que celui des cheminots est une centaine d’euros au-dessus de celui du reste de la population. Mais les dés sont pipés car derrière les chiffres se cache une réalité trompeuse : la SNCF compte presque 50% de maîtrises et cadres, plutôt bien payés et dont le nombre fait augmenter le salaire moyen, tandis que de nombreux cheminots ne sont même pas payés au SMIC (le plus petit traitement (base du salaire) pratiqué à temps plein à l’embauche à la SNCF n’est qu’à 1269,48€ brut alors que le SMIC mensuel est à 1480,27€ brut). Comme quoi, on ne cesse de le répéter, méfiez-vous des chiffres car on peut leur faire dire ce qu’on veut.

  •  3. La prime de charbon, la prime pour absence de prime… ?

    Il ne s’agit évidemment que d’une légende. La prime de charbon a disparu avec les dernières machines à vapeur dans les années 1970 et de nombreuses autres primes ne sont que pure fantaisie. Les conducteurs touchent une prime traction qui est calculée en fonction des heures de conduite et des kilomètres effectués, d’autres filières touchent des primes propres à leurs métiers, l’ensemble des cheminots touchent une prime de fin d’année, complétée par une prime de vacances avant l’été, qui remplacent bien faiblement un treizième mois inexistant. Les indemnités de travail de nuit et celles de travail de dimanche et jours de fête sont ridiculement faibles par rapport à ce qu’on peut trouver dans d’autres entreprises pour le travail effectué avec ces mêmes contraintes. Ces primes servent surtout à la direction pour exclure une partie de la rémunération du calcul de la pension de retraite et donc payer moins de cotisations sociales que si elles étaient incluses dans le traitement. Elles mettent aussi la pression sur un cheminot malade ou blessé qui préfèrerait écourter un arrêt maladie au maximum plutôt que de perdre une trop grosse partie de sa rémunération et ne plus pouvoir nourrir sa famille.

  •  4. Les cheminots seraient payés quand ils sont en grève ?

    Bien évidemment que non. De nombreuses fiches de paie ont circulé sur les réseaux sociaux ces derniers jours pour prouver le contraire. Et surtout, si les cheminots étaient payés en grèves, ils seraient bien c... de ne pas faire grève plus souvent !

  •  5. Le statut plomberait les comptes de la SNCF ? Il serait responsable de la dette ? Le modèle allemand ?

    Dans les comptes que le groupe SNCF a publié sur son site, il annonce un résultat net de 679 millions d’euros pour 2017, malgré 8,8 milliards d’investissements. Dans le même temps, la dette de SNCF Réseau augmente de 1,7 milliards d’euros, soit approximativement l’équivalent du montant payé aux banques privées pour les seuls intérêts de cette même dette. Dans le même temps La Deutsche Bahn (ou « DB », la « SNCF allemande ») annonce un bénéfice colossal de 2,2 milliards d’euros. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que l’état allemand, souvent cité en exemple par les gouvernements successifs français, a fait ce que ces derniers ont tous refusé : il a repris à son compte la dette de la DB. Si l’état français avait fait pareil, on pourrait rajouter les intérêts payés aux banques dans les bénéfices de la SNCF et cet argent, plutôt que d’aller aux banques pourrait aller à d’autres investissements (rénovation du réseau) ou dans les poches des usagers (pour payer la dette, SNCF augmente les prix des péages, qui sont répercutés sur les prix des billets de trains).

  •  6. Le régime spécial des cheminots est ultra déficitaire ?

    Oui mais ce n’est pas de la faute des cheminots et encore moins de leurs avantages. Explications. Les cheminots, par leurs cotisations salariales et patronales (la seconde partie de notre salaire), paient plus que les salariés affiliés au régime général. Alors pourquoi le régime spécial des cheminots est déficitaire ? Tout simplement parce qu’après la guerre il y avait près de 500 000 cheminots au statut et que maintenant ils sont moins de 150 000. Il y a plus de retraités que de cotisants. Ce n’est qu’à cause de la baisse des effectifs que le régime spécial est déficitaire et même si on reversait tous les cheminots dans le régime général, ça n’y changerait rien, la démographie ne changerait pas. Alors l’âge de la retraite ? Actuellement, les roulants (conducteurs et contrôleurs) peuvent partir à 52 ans et les sédentaires à 57 ans. Mais ces chiffres sont trompeurs car il faut 43 ans de cotisations pour bénéficier de la retraite à taux plein. Donc si les cheminots partaient à l’âge minimum légal, ils auraient une pension ridicule qui ne permettrait pas de vivre à cause de la décote. Les cheminots partent donc plus tard pour annuler cette décote, même si c’est plus tôt que dans le régime général. Mais alors qu’il n’y a jamais eu autant de demandeurs d’emploi, alors qu’il n’y a jamais eu autant d’argent en France (la France au sortir de la seconde guerre mondiale était ruinée, elle créait la sécurité sociale et maintenant, alors que la France est la cinquième puissance économique mondiale on voudrait nous faire croire qu’il n’y a plus d’argent ?), et que l’espérance de vie est en recul à cause des différentes réformes des retraites, ne devrions-nous pas partir tous plus tôt en retraite pour laisser la place aux jeunes et éviter ainsi de perdre notre vie à la gagner ?

    Alors les médias, ce serait bien d’arrêter de raconter n’importe quoi et de s’intéresser un peu aux véritables privilégiés, les Pépy et compagnie.


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