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Irak

5000 blessés, 100 morts : une répression aux allures de massacre en Irak

Depuis mardi dernier en Irak, la police tire à balles réelles dans la foule qui manifeste contre la corruption et le chômage. C'est un massacre : on compte plus de 5000 blessés et près de 100 morts parmi les manifestants.

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Des tirs à balles réelles comme seule réponse du régime

Depuis mardi dernier en Irak, des manifestations massives ont lieu dans un contexte de tension extrême. Dans un premier temps, la population mobilisée s’en prenait principalement à la corruption, au chômage et à l’état déplorable des services publics. Les conditions de vie dans le pays sont particulièrement dures : près d’un jeune sur quatre n’a pas d’emploi, les services les plus élémentaires tels que l’accès à l’eau et à l’électricité ne sont pas évidents, et l’Irak est miné depuis de nombreuses années par une corruption qui est un véritable frein à son développement, les hommes d’affaires et politiciens profitant de la situation chaotique du pays pour se remplir les poches.
Face à ce début de mouvement social, le gouvernement du premier ministre Adel Abdel Mahdi, bien décidé à conserver le pouvoir et ses privilèges, a opté pour une réponse brutale pour empêcher la population de se mobiliser : Internet a été coupé dans le pays, les tirs à balles réelles ont été autorisés.

Confrontée à cette répression sanglante qui a fait un mort dès le premier jour, la mobilisation s’est rapidement étendue à la fois géographiquement, en gagnant plusieurs provinces en plus de la capitale, et politiquement, en se radicalisant sur des bases « anti-régime » et plus seulement anti-corruption.

Un bilan extrêmement lourd

Le bilan de cette semaine de mouvement est extrêmement lourd : on compte plus de 5000 blessés et près de 100 morts parmi les manifestants.

Ces chiffres terrifiants sont dus à la politique du pouvoir en place, qui a choisi de répondre par une répression débridée dès le début de la mobilisation. Non seulement les forces de l’ordre tirent dans la foule à balles réelles, mais elles sont aussi responsables d’une traque et d’une répression politique d’ampleur des militants et de la presse. Une chaîne de télévision a diffusé les vidéos de l’attaque de ses studios de Bagdad, dans lesquelles on peut voir des dizaines d’hommes armés, en uniformes des forces spéciales, envahir les lieux et casser le matériel. Un caricaturiste et sa femme ont été assassinées chez eux jeudi à Bassora, une des plus grandes villes du pays.

Dimanche matin, le régime ayant rétabli Internet pour quelques heures, de nombreuses vidéos et témoignages faisant état d’un niveau de répression encore plus terrifiant ont émergé sur les réseaux sociaux : des manifestants s’écroulent, fauchés par les balles de snipers qui visent la tête ou le cœur. Si le porte-parole du ministre de l’intérieur, Saad Maan, a nié l’implication des forces de l’ordre, plusieurs manifestants et journalistes affirment avoir vu des membres des forces de sécurité faire feu sur la foule pour la disperser.

Une situation politique complexe

Comme nous le détaillions dans un autre article, la situation politique en Irak est complexe.

Le pays a connu une très forte instabilité, notamment depuis l’occupation militaire américaine. Après la chute de Saddam Hussein, le pouvoir a basculé aux mains de factions chiites proches de l’Iran, pays dont la population est très majoritairement chiite. A travers la lutte contre l’Etat Islamique, qui appartient à la branche sunnite de l’Islam, des milices paramilitaires ont été progressivement intégrées aux forces armées du pays, ce qui cause aujourd’hui la confusion qui règne en Irak. Le gouvernement nie son implication dans certains actes de répression qui seraient imputables à des milices indépendantes de l’Etat, mais dont les chefs sont parfois membres importants de l’Etat et qui ont en réalité les mêmes intérêts : noyer dans le sang le possible embrasement d’une région stratégique.

C’est dans cette logique que Faleh Al-Fayyadh, chef du principal organe des forces armées issu de la lutte contre l’Etat Islamique, déclarait lundi vouloir la « chute de la corruption et non la chute du régime », en opposition aux slogans des manifestants qui expriment leur rejet du régime dans son ensemble.

Des mesures pour calmer la mobilisation ?

Sous la pression d’un possible soulèvement en Irak qui pourrait s’étendre à toute la région, une série de mesures sociales a été prononcée par le gouvernement dans le but d’apaiser la situation : construction de 100 000 logements, mise en place d’allocations pour les jeunes, création de halles pour vendeurs ambulants afin de créer de l’emploi, et dédommagements pour les familles des victimes des forces de l’ordre sont au programme.

Le pouvoir n’a pas manqué de réclamer du temps aux manifestants pour mettre en place toutes ces réformes qui font office de pansement et sont loin de s’attaquer au cœur du problème.

Selon Fanar Haddad, spécialiste de l’Irak, le pays vit un mouvement inédit car « c’est la première fois qu’on entend des gens réclamer la chute du régime ». Cette longue liste de réformes n’a que peu de chances de convaincre les manifestants, lassés d’un régime qui fonctionne sur une répartition confessionnelle et ethnique des postes de l’administration, et qui n’a permis aucune amélioration de leurs conditions de vie depuis des années.

Alors que les puissances étrangères, comme l’Iran, cherchent avant tout à stabiliser la région afin de défendre leurs propres intérêts économiques et géopolitiques, la population irakienne, elle est victime des gouvernements successifs qui obéissaient tous aux intérêts de différents pays et n’ont jamais permis l’amélioration des conditions de vie en Irak par la création de services publics, d’infrastructures ou d’emploi.


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