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Justice de classe et criminalisation des victimes

1er Mai. Un manifestant violenté par Benalla jugé… coupable de violences contre un policier !

Ce mardi 4 juin, Khélifa M., interpellé et violenté le 1er mai 2018 par Alexandre Benalla, a été jugé coupable de violences contre un policier. Avant lui, le couple de manifestants tabassé par Benalla place de la Contrescarpe, a lui aussi été jugé coupable des mêmes faits. Une instrumentalisation de la justice qui vise à minimiser et "justifier" le passage à tabac de Benalla et des forces de répression, en transformant les victimes en coupables.

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Vidéo récupérée par « Mediapart » où apparaissent Alexandre Benalla (avec la capuche) et Vincent Crase au Jardin des plantes, le 1er mai 2018. HANDOUT / AFP

Pour se défendre, rien de mieux que d’accuser sa victime

Sur fond d’affaire Benalla et de mouvement des Gilets jaunes, la justice s’avère de plus en plus souvent comme un instrument au service du pouvoir qui vient à la rescousse de la répression policière. L’interpellation violente de Khélifa M. au Jardin des plantes lors de la journée de manifestation durement réprimée du 1er Mai 2018 a constitué, avant l’affaire de la Contrescarpe, le premier fait qui a alimenté l’affaire Benalla, devenue rapidement un véritable scandale d’État. Une fois les vidéos diffusées sur la toile, Alexandre Benalla a été mis en examen pour « immixtion dans l’exercice d’une fonction publique » et « violences volontaires en réunion ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours ».

Pour « justifier » ses actes, Benalla n’a pas fait preuve d’originalité. Il a recouru au procédé classique utilisé par les policiers lorsqu’ils sont mis en cause pour des faits de violence : criminaliser la victime, en la rendant responsable de la répression et de la violence qu’elle a subie : « J’ai apporté mon concours à la force publique pour interpeller un délinquant violent qui venait de commettre un acte grave sur les policiers ». Cet acte grave : « des jets de pierre visant des CRS », selon les dires d’Alexandre Benalla lors de son interrogatoire.

Une version qui - contrairement aux multiples vidéos qui témoignent du déchaînement de violence de Benalla à l’égard des manifestants – n’a été prouvée nulle part et repose uniquement sur sa parole. Une parole dont on peut largement douter alors que ses mensonges, dans cette affaire, se sont avérés multiples – et que les mensonges éhontés des forces de l’ordre dans le but de couvrir et étouffer les cas de violences policières ne sont aujourd’hui plus à prouver.

D’ailleurs, en l’absence de preuves confirmant les accusations de Benalla que Khelifa M réfute, ce qui apparaît plutôt ce sont les incohérences patentes de la version policière. Les vidéos de l’interpellation ont été tournées à 16 h 52 et 16 h 53, alors que les policiers affirment, eux, avoir vu le prévenu lancer un projectile à 17 h 02 selon les données mentionnées dans cet article du Monde https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/06/04/un-homme-qu-alexandre-benalla-est-soupconne-d-avoir-moleste-condamne-pour-violences_5471276_3224.html. Le parquet s’est donc vu obligé, finalement, de requérir la relaxe pour le manifestant, le condamnant malgré tout à deux mois de prison avec sursis et une mise à l’épreuve pour consommation de stupéfiants.

La justice ne lâche pas ceux qui ont eu l’audace de s’opposer à la police

Cependant, ce mardi 4 juin, le tribunal correctionnel de Paris a déclaré Khelifa M coupable de violence à l’égard de policiers et l’a condamné à six mois d’emprisonnement assortis d’un sursis avec une mise à l’épreuve qui consiste en une obligation de soins et d’exercice d’une activité professionnelle - dans une période dont on sait qu’elle est marquée par un chômage de masse…
Si, lors de l’audience, le nom d’Alexandre Benalla n’a semble-t-il pas été prononcé une seule fois, il est clair que, si M.Khélifa fait face à cette répression judiciaire aujourd’hui, c’est bel et bien parce qu’il a eu le « malheur » d’être victime de la répression qui s’est abattue contre les manifestants le 1er Mai, et plus particulièrement de celle orchestrée par les barbouzes de la macronie, Benalla et Crase. Et pourtant, ce nouveau jugement intervient alors qu’aucune preuve supplémentaire venant accréditer la version de Benalla et des policiers n’a été apportée.

Une instrumentalisation de la justice qui fait école et se généralise

Une manœuvre, dégueulasse mais classique et claire, visant à renverser les responsabilités en faisant passer les victimes pour coupables : les manifestants auraient « en premier lieu » violenté les policiers, ce qui est une manière de « justifier » les passages à tabac d’un Benalla et plus généralement la répression et la violence des forces de police ou des différentes barbouzes tentées par l’idée de « casser du gauchiste ».

Cette instrumentalisation de la justice dans le but de justifier les violences perpétrées par Benalla ce 1er Mai, n’est pas isolée. Les deux manifestants violentés place de la Contrescarpe, dont les images ont fait l’effet d’une véritable bombe à retardement et nourri ce scandale d’État, avaient eux aussi été condamnés courant février pour « violences volontaires contre personnes dépositaires de l’ordre public » - ils avaient, en réalité, en riposte à la répression policière, lancé une carafe et un cendrier. Ils ont écopé l’un et l’autre d’une amende de 500 euros https://www.revolutionpermanente.fr/Le-couple-de-la-Contrescarpe-tabasse-par-Benalla-appele-a-comparaitre-au-tribunal. Avant cette condamnation, ils avaient déjà été interpellés et relâchés sans poursuite. Mais c’est pour répondre à la médiatisation et à l’ampleur qu’a pris cette affaire, que l’enquête a été ré-ouverte par la justice et que les deux manifestants ont été reconnus coupable.

De manière plus générale, l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques et répressives se normalise de plus en plus alors que le gouvernement, très fragilisé, n’en a toujours pas fini avec ce scandale d’État ni avec le mouvement social des Gilets jaunes qui est venu approfondir la crise qu’il traversait déjà. Dans ce contexte, tous les moyens sont utilisés pour tenter de se protéger, de défendre le gouvernement et les siens, et de criminaliser le mouvement social. En témoigne, encore une fois, la récente garde à vue d’un Gilet jaune, qui s’est retrouvé accusé de violences contre des policiers après avoir eu le « tort » de dénoncer et porter plainte contre le passage à tabac dont il a été victime lors d’une manifestation.
La démonstration d’une justice, punitive, de manière souvent arbitraire, pour les manifestants et les personnes de notre classe, mais lente et très clémente envers les politiques, les policiers, les patrons et barbouzes en tout genre.


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