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La Izquierda Diario
24 de janvier de 2021 Twitter Faceboock

Grève pour l’emploi
Raffinerie de Grandpuits : Total menace de virer les sous-traitants pour tenter d’arrêter la grève
Mahdi Adi

Alors que les raffineurs de Grandpuits sont en grève depuis près de trois semaines contre la suppression de 700 emplois, Total menace de renvoyer les sous-traitants et tente de diviser les salariés. La multinationale montre ainsi son vrai visage. Mais c’est sans compter la solidarité des travailleurs.

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Les salariés de l’entreprise de sous-traitance Siemo autour du brasero avec les raffineurs de Total en grève avant l’assemblée générale de ce vendredi 22 janvier
Donnez à la caisse des raffineurs de Grandpuits en grève reconductible depuis le 4 janvier contre 700 suppressions d’emplois

Vendredi, une centaine de personnes étaient réunies devant la raffinerie Total à Grandpuits en Seine-et-Marne, à l’occasion d’une Assemblée Générale pour reconduire le mouvement de grève en cours depuis le 4 janvier contre la suppression de 700 emplois sur la plateforme de Grandpuits-Gargenville dans le cadre d’un PSE. Parmi elles, des raffineurs salariés de Total, mais aussi des sous-traitants de la multinationale embauchés par l’entreprise Siemo chargée de l’installation des échafaudages pour les travaux sur le site.

Total menace de renvoyer les sous-traitants pendant la grève : un avant goût du PSE

L’image est rare, car la politique managériale du géant pétrolier laisse peu de place aux syndicats et à l’action revendicative pour les salariés de la sous-traitance. « Dès que la direction s’est rendue compte que je participais à des réunions avec la CGT, la réponse a été directe », témoigne une ancienne salariée d’une entreprise extérieure sous couvert d’anonymat. Elle raconte qu’après le mouvement contre la réforme des retraites, son employeur l’a mutée sur un autre site sans autre forme d’explication, sur consigne du donneur d’ordre Total.

Mais si la direction de Total prévoit la suppression de 500 postes chez les entreprises extérieures en plus des 200 suppressions de postes chez les salariés Total, ce n’est pas pour voter la reconduction de la grève en cours contre ce PSE que les sous-traitants de Simeo se sont rendus à l’assemblée générale. La veille, la direction du site leur annonçait que si la grève devait continuer, ils devraient plier valise dès lundi. Une annonce qui dévoile les méthodes managériales de Total avant même le PSE, la multinationale n’hésitant pas à renvoyer chez eux les sous-traitants du jour au lendemain. C’est pour faire part de cette nouvelle aux grévistes qu’une trentaine de salariés de l’entreprise sous-traitante se sont rendus à l’assemblée générale.

En effet, mercredi dernier, après 16 jours de grève, les raffineurs décidaient de durcir le mouvement en bloquant les travaux de démantèlement du site prévu dans le cadre du projet de reconversion de la raffinerie en usine de biocarburants et de bioplastiques. Avec ce projet baptisé « Galaxy », le nombre de salariés employés par Total sur la plateforme passerait de 450 (CDI, CDD et intérimaires inclus) à 250, et menacerait 500 salariés sous-traitants dans le cadre d’un PSE que la direction veut ratifier le 9 février prochain. « La direction veut préparer les travaux pour le démantèlement de l’usine, et c’est Siemo qui met en place les échafaudages. Donc mercredi, les grévistes ont décidé de ne plus autoriser Siemo à monter les échafaudages dans l’usine » résume Paul Feltman, syndicaliste à la CGT Grandpuits.

Face aux menaces de la direction contre les sous-traitants, les raffineurs répondent par la solidarité entre les travailleurs

« Pour mon patron il n’y a pas de conséquence », explique Manu, chef d’équipe chez Siemo, aux grévistes réunis en assemblée générale. « Les échafaudages on pourra les monter dans deux mois, par contre je ne peux pas dire aux gars d’arrêter de manger pendant deux mois. Nous on est 84, comment on va trouver du boulot pendant ce temps » interroge-t-il, avant de conclure « on a pas un CDI avec Total, mais pour certains ça fait 25 ans qu’on est là. Je comprends le mouvement quand vous dites que vous voulez défendre les salariés et les sous-traitants. Mais je demande juste de trouver une solution ».

Une voix fuse alors dans l’assemblée : « c’est de la faute de la direction si on bloque les travaux ! Il y a une solution, il suffit que la direction réponde aux revendications sur l’emploi. Elle a les moyens de payer les sous-traitants ». Un autre propose que les sous-traitants puissent reprendre le travail en commençant par démonter les échafaudages désuets, plutôt qu’installer ceux pour les travaux de démantèlement. « Il n’y en a pas assez », rétorque Manu. Les débats continuent jusqu’à ce qu’un gréviste finisse par proposer : « on laisse rentrer Siemo, car il faut bien que les mecs remplissent leur frigo et on comprend leur détresse. Mais en échange on ne laisse plus aucune goutte sortir de la raffinerie ». C’est la solution qui sera retenue par l’assemblée générale. C’est le soulagement pour les sous-traitants, qui remercient unanimement les grévistes.

« Les tauliers c’est nous, quand on décide de couper les expéditions [c’est-à-dire les sorties de carburants, ndlr] ou d’arrêter les travaux, c’est nous qui avons le contrôle. C’est le pouvoir des travailleurs car c’est nous qui faisons tourner la raffinerie. On en prend conscience à chaque fois qu’on fait grève ! » Adrien Cornet, délégué CGT Grandpuits est fier de l’organisation de la grève par les travailleurs. « Les modalités de grève c’est pour l’ensemble du site, s’il arrive malheur à un sous-traitant pendant qu’on fait grève, c’est de la responsabilité de la direction », explique-t-il. Depuis le début de la grève des délégués de ligne sont désignés par les grévistes sur chaque secteur de la raffinerie, et sont chargés de faire remonter les travaux prioritaires « car on est sur un site Seveso, pour protéger la population des alentours et éviter qu’un accident se produise, on est obligés de s’organiser à la base pour définir nous-même les modalités de grève ». Une forme de « contrôle ouvrier » que les travailleurs expérimentent à l’occasion de cette grève.

Selon la CGT Grandpuits, ce sont pas moins de 700 salariés sous-traitants qui travaillent sur le site et qui sont menacés par le plan de suppression d’emplois. Pour Adrien Cornet, en menaçant de renvoyer les sous-traitants de Siemo sous prétexte que les grévistes bloquent les travaux, l’objectif de la direction est clair : « c’est opposer les sous-traitants aux travailleurs de Total, donc nous on a dit aux sous-traitants que ce qu’on voudrait c’est internaliser les services qui montent les échafaudages, qu’il n’y ait plus d’intérimaires et de sous-traitants, qu’ils soient embauchés en CDI avec le même bleu que nous car c’est tous ensemble qu’on fait tourner l’outil de travail ».

Contre les suppressions d’emplois, coordonner les salariés en lutte et durcir le mouvement

A l’issue de l’assemblée générale, les revendications des grévistes sont donc remontées à la direction par les délégués de ligne. En échange d’autoriser les salariés de Siemo à installer les échafaudages sur le site, les raffineurs ne laisseront plus une goutte de carburant sortir de l’usine. Mais le directeur de la raffinerie, Jean-Marc Durand, fait la sourde oreille. « C’est le premier directeur qui refuse les modalités de grève », nous raconte Flo, raffineur à Grandpuits depuis 2007. « Lui il est radical, donc notre réponse doit l’être aussi. On lutte pour l’emploi ! » Une quarantaine de grévistes montent alors dans le bâtiment administratif pour faire part de leur mécontentement. Malgré tout, la direction refuse d’infléchir sa position. « Je me casse, j’en ai marre d’entendre leurs conneries », s’exclame Sébastien, père de famille et gréviste, avant de tourner les talons.

En bas du bâtiment, les grévistes se concertent avant de décider qu’il n’y aura pas de relève. C’est-à-dire que ceux qui sont à l’intérieur ne seront pas remplacés et devront continuer à travailler jusqu’à ce que la direction accepte de mettre en place les modalités de grève. Samedi soir, l’un d’eux en était à 40 heures consécutives de travail, la direction n’ayant toujours pas accepté la coupure des expéditions de carburant. L’autre option pour la direction serait de faire réquisitionner les grévistes en obtenant un arrêté de la part du préfet de police de Melun (77). Une procédure déjà utilisée en 2010 lors de la grève contre la réforme des retraites, à l’époque portée par le gouvernement Sarkozy-Fillon. L’arrêt de la production de carburant menaçait de pénurie l’ensemble de l’Île-de-France et la plupart des stations essences étaient alors à sec.

Mais selon Savine Bernard, avocate en droit du travail dans un cabinet qui « ne défend que les salariés et jamais les patrons », et qui s’est rendue sur le piquet de grève pour répondre aux questions des grévistes, la menace de réquisition relève davantage « d’une pression de Total sur le préfet ». Car le motif de « l’atteinte prévisible au bon ordre, à la sécurité et à la salubrité publique » invoqué en 2010 aurait moins de poids aujourd’hui étant donné que selon la direction elle-même, l’Île-de-France a désormais d’autres voies d’approvisionnement en carburant.

Pour autant, comme le rappelait Christian Porta, délégué CGT à Neuhauser en Moselle, venu apporter son soutien lors d’une assemblée générale plus tôt dans la semaine après s’être lui même battu contre plusieurs PSE dans son entreprise, « on ne peut pas compter sur l’État, s’il était de notre coté il aurait déjà interdit les licenciement ». A ce titre les grévistes ne peuvent en aucun cas faire confiance à la préfecture ou même à l’inspection du travail face à la possibilité d’un arrêté de réquisition, « la seule manière de gagner c’est de construire le rapport de force par la lutte ». Alors que Total déploie toute une stratégie de communication pour donner l’illusion d’un « bon PSE », le directeur du site promettant à qui veut l’entendre que « chaque salarié sera reclassé », c’est bien en « faisant sortir la grève de Grandpuits » par la coordination avec les autres boîtes en lutte contre les licenciements et par la médiatisation du conflit qu’il sera possible de faire plier la multinationale.

C’est la raison pour laquelle les raffineurs ont participé à « l’appel des TUI contre les licenciements » en manifestant ce samedi à Paris aux côtés d’autres salariés menacé par un véritable carnage de l’emploi. TUI, SKF, Sanofi, Cargill étaient également de la partie pour dénoncer les plans de suppressions d’emplois et les licenciements dans leurs entreprises respectives. Un point d’appui pour refuser de négocier la casse sociale et interdire les licenciements et les suppressions d’emplois en construisant le rapport de force par la grève et la coordination de l’ensemble des salariés en lutte. Contre les directions syndicales, dont la direction confédérale de la CGT qui a refusé de se joindre à l’appel et ne propose qu’une date de manifestation éphémère le 4 février prochain, il s’agit d’exiger un véritable plan de bataille. « Ne tombez pas dans la farce du dialogue social, prenez la rue, mettez-vous en grève, occupez vos usines. Ils ne comprennent que le rapport de forces ! »

 
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