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La Répression En Marche

Révoltes contre les violences policières à Lyon : Darmanin ment pour justifier la répression

Les nuits de révolte dans le quartiers populaire de La Duchère à Lyon s’enchaînent depuis près d’une semaine et l'hospitalisation d'un jeune de 13 ans percuté en scooter par une voiture de police. Loin des fantasmes distillés par Darmanin présentant les émeutes comme une conséquence du « démantèlement des points de deal », les jeunes dénoncent l'impunité et les violences policières.

Nathan Deas

10 mars 2021

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crédit photo : OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

« La tête de mon petit frère a percuté un poteau, et la police l’a laissé par terre inconscient » : à l’origine de la révolte, la violence policière de trop

Depuis bientôt une semaine, dans plusieurs quartiers populaires de Lyon et sa banlieue, des jeunes se révoltent la nuit tombée. Jeudi soir dans le quartier de la Duchère, dans le 9ème arrondissement, de premiers affrontements ont opposé la police aux jeunes du quartier après une série d’incendies volontaires de poubelles et de voitures. Les jours suivants les émeutes se sont poursuivies et se sont rapidement étendues à de nombreux quartiers de la métropole.

L’élément déclencheur s’est produit le mercredi 3 mars dernier, lorsqu’un jeune adolescent de 13 ans a été hospitalisé après avoir été percuté par une voiture de la police. Sur instagram son grand frère, Hamza Cherifi, raconte : « Selon les témoins une voiture de la police a suivi mon petit frère et l’a pris en chasse sans gyrophare. Ils se sont amusés à jouer avec lui avant de le percuter. La tête de mon petit frère a percuté un poteau puis le trottoir. La police a alors fait marche-arrière, demi-tour et a laissé mon petit frère par terre inconscient. ».

Il poursuit :« Ce n’est pas la première fois que la police s’amuse à nous faire peur en nous suivant en voiture. Ces mêmes faits se sont déjà produits avec certains de mes amis. A chaque fois les affaires ont été étouffées, classées, il a toujours été dit que c’était la faute des jeunes. Mais cette fois-ci, croyez-moi, ils ne pourront pas dire que c’était de la faute des jeunes. Mon petit frère il n’a pas pu tomber tout seul, avec un 50 cm3 de marque ZIP, ce sont les scooters les plus faciles à conduire. Je ne peux pas accepter qu’ils disent à la télé que mon petit frère est tombé tout seul, qu’ils expliquent que les jeunes cassent et brûlent pour rien. Les jeunes de la Duchère ils ont entendu qu’un petit jeune de 13 ans s’était fait percuter par une voiture de police et que celle-ci avait pris la fuite et je comprends leur colère même si j’essaye de les calmer. Parmi les émeutiers il y avait des gens de tout âge, des pères de famille, des jeunes, … ils veulent juste se faire entendre ».

Hamza Cherifi explique avoir porté plainte contre la police et dénonce la caractère systémique des violences policières dans son quartier :« J’ai porté plainte, j’espère juste qu’ils feront leur travail, qu’ils ne vont pas étouffer l’affaire. On ne pourra pas m’étouffer moi. A La Duchère on a à faire à des policiers qui se comportent comme des voyous mais qui portent plainte à la fin eux-mêmes. La police menace tout le monde, fait la misère à tout le monde, mais une fois que quelqu’un leur répond, ils vont au commissariat et portent plainte et c’est toujours les mêmes qui ramassent. Une nouvelle fois des hauts-placés de la police ont tenté d’étouffer l’agression de mon frère, ils ont dit à la télé qu’il était tombé tout seul. Ce que je ne comprends pas c’est qu’à la télé ils nous parlent de violences urbaines mais à aucun moment il n’a été dit que c’était la conséquence de violences policières ». Par ailleurs qu’il y ait eut ou non collision, et surtout que l’on parvienne ou non à le prouver, n’enlève en rien le lien fort probable entre l’agression du jeune homme et la présence, selon de nombreux témoins, de cette voiture de la police.

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Darmanin joue de la rhétorique anti-drogue pour occulter les accusations de violences policières et légitimer la répression

Arrivé samedi après-midi dans la métropole lyonnaise, Gérald Darmanin a revendiqué un bilan total de 21 interpellations, dont une majorité concernant des mineurs avant d’annoncer l’envoi en renfort de 200 policiers et gendarmes. Le contrôle des territoires et des populations qui vivent en banlieue n’en sera que renforcé alors même que les quartiers populaires font déjà l’objet du contrôle quotidien des unités de la Bac et subissent violences racistes et harcèlement policier au quotidien. En arrière-plan le ministère de l’intérieur refuse de parler de violence policière et évoque une émeute de dealers face à laquelle il conviendrait d’intensifier la répression.

Ainsi dimanche, en déplacement à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), le ministre de l’intérieur a estimé que ces émeutes trouvaient leur source dans le renforcement de la présence policière avec l’intensification annoncée de la répression des points de deal :« s’il y a des violences urbaines, s’il y a des voitures qui peuvent brûler, des policiers qui sont pris à partie, des élus menacés, c’est parce qu’avec les polices municipales, mais avec la police nationale en premier lieu, on intervient, on démantèle chaque jour de points de deal. (…) Plus il y aura harcèlement de ces points de deal, plus il y a manifestement réaction des dealers ».

Une allégation qui permet à Gérald Darmanin d’occulter les accusations de violences policières et de balayer l’origine sociale de la révolte, tout en insultant copieusement les jeunes de quartiers qui se révoltent contre leur condition. Par ailleurs, derrière le maquillage sensationnel du politicien, l’affirmation ne résiste à aucune épreuve sérieuse du réel. Sebastien Roche, chercheur en Sciences Politique au CNRS, est venu le rappeler sur France 3 : « Il n’y a pas de lien entre la géographie du trafic de drogue et la géographie de l’émeute. Ce n’est pas deux choses qu’on peut associer. Politiquement on peut bien sûr en faire les déclarations qu’on souhaite mais d’un point de vue de l’analyse on ne peut pas montrer de correspondance. On l’a étudié de manière détaillée en 2005 et c’était même l’inverse en fait. Ces lieux des trafics de drogue sont les lieux où il y a le moins d’émeutes pour une raison simple : si vous voulez faire du commerce vous avez besoin de tranquillité. […] Le bon commerçant c’est un commerçant qui travaille dans un espace paisible donc il a absolument aucun intérêt à déclencher des opérations multiples de police, ou un quadrillage du terrain par la police, parce qu’à ce moment-là il ne peut plus travailler ».

Crise économique, crise sanitaire et violences policières : la triple peine dans les quartiers populaires

Dans les quartiers la peine est triple pour les plus précaires et les populations issues de l’immigration. Plus exposés à l’épidémie de Coronavirus du fait de la crise structurelle du système de santé public, et de leur place sur la marché du travail, les soignantes, les caissières, ou encore les éboueurs qui peuplent les quartiers populaires sont à la fois « les petites mains invisibles » qui font tourner la société et ceux qui ont travaillé en première ligne face au virus pour des salaires de misère, en même temps que les parents des jeunes victimes de violences policières. Face au manque de moyens dans la santé, la macronie a offert une réponse répressive à la crise. Celle-ci s’est particulièrement concrétisée contre la jeunesse dans les banlieues et de quartiers populaires. Pendant le premier confinement près de 10% des amendes pour non-respect du confinement ont été dressées en Seine-Saint-Denis quand les affaires de violences policières se sont multipliées.

Et si les quartiers populaires sont en première ligne face à la répression il se sont également face à la crise la crise économique. Le chômage de masse y était une réalité déjà avant la crise économique que nous connaissons, et la situation est amenée à s’empirer. Dans ce contexte la mise en place de la réforme de l’assurance-chômage réalise une nouvelle attaque antisociale d’envergure du gouvernement Macron. D’autre part, le saut répressif dans les quartiers populaires au nom de la lutte contre le Covid, mais aussi dans le cadre de la campagne islamophobe et liberticide du gouvernement avec la Loi Sécurité Globale et la loi séparatisme, sont des attaques contre notre camp social. Plus que jamais, le mouvement ouvrier traditionnel doit prendre part à ce combat.

A ce titre, c’est de la responsabilité l’ensemble des organisations de gauche et d’extrême-gauche de construire le front le plus large possible pour lutter sans concessions contre la politique répressive et autoritaire du gouvernement qui s’abat en premier lieu sur les habitants des quartiers populaires, et promouvoir toutes les initiatives en ce sens à l’instar de la marche contre l’islamophobie appelée le 21 mars prochain à Paris. Contre les violences policières, l’islamophobie et le racisme d’État, construisons la riposte, organisons-nous !


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