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État raciste

Quand Gérald Darmanin reprend à son compte l’antisémitisme napoléonien

Dans son livre "Le séparatisme islamiste", Gérald Darmanin revendique la politique antisémite de Napoléon comme fondement de ses mesures islamophobes d’aujourd’hui.

Olive Ruton

24 mars 2021

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Après que des paragraphes du texte aient été e mardi 23 mars, Médiapart, Edwy Plenel et la journaliste Sarah Benichou ont percé le silence médiatique autour de ce qui était « sous nos yeux depuis quelques semaines » : les passages ouvertement antisémites dans Le Séparatisme islamiste de Gérald Darmanin, paru le 3 février dernier. Un silence qui couvre des propos qui revendiquent sans ambiguïté la gestion napoléonienne de « l’intégration » des Juifs en France sous l’Empire.

Le ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron, qui porte aujourd’hui le projet de la loi séparatismes, étale dans son livre sa vison de la laïcité, révélant au passage un antisémitisme assez discret jusqu’alors. Certaines pages du livre ont tourné sur les réseaux sociaux, mettant en avant des passages parmi les plus réactionnaires du Séparatisme islamiste. Darmanin y revendique la gestion napoléonienne de ce qu’il nomme « les problèmes d’intégration des Juifs à la Nation française ». Parmi les premiers, cet extrait dans lequel Darmanin raconte le moment où, « une fois clarifié le rapport avec les responsables catholiques », Napoléon « s’intéressa à régler les difficultés touchant à la présence de dizaines de milliers de Juifs en France », ajoutant que « certains d’entre eux pratiquaient l’usure et faisaient naître troubles et réclamations. » On ne peut que le constater, le ministre ne lésine pas sur le recours aux clichés antisémites les plus communs et nauséabonds, parmi lesquels celui des Juifs usuriers, et va jusqu’à les rendre responsables de ce qu’il nomme les « troubles et réclamations », qui semblent recouvrir les multiples facettes de la persécution des Juifs sous l’empire, des discriminations les plus minimes aux pogroms.

C’est ensuite à travers les mots de celui qui, dès 1803, imposa par exemple aux Juifs l’utilisation des prénoms du calendrier grégorien, les forçant à renoncer aux prénoms hébraïques, que Darmanin fait entendre la nature de cette politique d’intégration. « Notre but est de concilier la croyance des Juifs avec les devoirs des Français, et de les rendre citoyens utiles, étant résolu de porter remède au mal auquel beaucoup d’entre eux se livrent au détriment de nos sujets » expliquait ainsi Napoléon dans une lettre de 1806 citée dans le livre. « Une lutte pour l’intégration avant l’heure » selon Darmanin, conquis. Ce discours distinguant et séparant les Juifs, et « le mal auquel beaucoup d’entre eux se livrent au détriment de nos sujets », des Français n’est par ailleurs pas sans rappeler la rhétorique qui aujourd’hui ne manque souvent pas d’exclure les musulmans du peuple français.

C’est ainsi chez celui qui déclarait que « les Juifs ne sont pas dans la même catégorie que les protestants et les catholiques » et qu’« il serait dangereux de laisser tomber les clefs de la France, Strasbourg et l’Alsace, entre les mains d’une population d’espions qui ne sont point attachés au pays » que Darmanin revendique les racines de sa « lutte pour la laïcité ». Une lutte qui n’est toujours qu’une politique de négation de leur culture par la force pour les Juifs hier comme pour les musulmans aujourd’hui. Une nouvelle démonstration de comment, dans la bouche des grands défenseurs de la République, la lutte pour la laïcité n’est toujours qu’une couverture aux politiques les plus racistes et discriminantes à l’égard des minorités religieuses du pays, politiques qui ne se cachent en réalité que peu de leurs relents réactionnaires.

Gérald Darmanin ajoute avec ce livre, aux étiquettes de ministre agresseur, islamophobe ou encore défenseur de l’Action française, celle d’antisémite, renforçant son image de personnalité du gouvernement parmi les plus ouvertement réactionnaires. Emmanuel Macron n’a par ailleurs pas pris la peine de réagir aux propos de son ministre, sans grande surprise de la part du président, très complaisant à son sujet depuis le début, qui déclarait il y a quelques mois que les accusations de viols qui visaient Darmanin n’étaient « pas un obstacle » à sa nomination. Le tout dans un silence complice des grands médias, à l’image de son passage ce mercredi matin au micro de BFMTV-RMC face à Jean Jacques Bourdin qui ne l’a nullement inquiété sur cette nouvelle affaire.

En cette année 2021, celle du bicentenaire de la mort de Napoléon, « figure majeure de notre histoire » à regarder « les yeux grands ouverts » qu’Emmanuel Macron commémorera le 5 mai selon Gabriel Attal, c’est en réhabilitant l’empire, et en particulier sa politique contre les Juifs, que le ministre porteur du projet de loi contre les séparatismes entend poser les bases de sa politique islamophobe d’aujourd’hui.


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